Tarzan seigneur de la jungle, le classique d’E.R. Burroughs

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Tarzan seigneur de la jungle, publié en 1912 alors que l’Empire colonial britannique était à son apogée, donna lieu à une saga de 26 romans, puis à un film en 1932, Tarzan, l’homme-singe qui est resté une référence. À partir des années 50 sortent ensuite une kyrielle de films d’aventures qui perpétuèrent le mythe de l’homme sauvage vivant dans la jungle avec une tribu de singes. En juin dernier en est paru une dernière relecture sur les écrans, sobrement intitulée Tarzan (en anglais, The Legend of Tarzan). Pour l’occasion, les éditions Archipoche ont réédité le livre qui donna naissance au mythe.

Alors, la légende cinématographique est-elle le portrait fidèle du héros papier ? Évidemment non ; le héros romanesque est à la fois plus fouillé et son aura surhumaine beaucoup moins marquée – le concept des super-héros n’existait pas encore au temps d’E.R. Burroughs…

Mais c’est précisément ce que j’ai apprécié. Plus humain, plus ancré dans son époque, moins extra-terrestre… le personnage est beaucoup plus plausible, en somme.

tarzan-seigneur-jungleL’histoire commence pendant l’été 1888 : Lord John Greystoke II et sa femme, lady Alice, sont débarqués sur la côte africaine suite à une mutinerie de l’équipage de leur navire. Ils parviennent à survivre assez longtemps pour qu’Alice porte et mette au monde un bébé, John Greystoke III, mais elle meurt peu après. Quelques heures après son décès, John meurt, tué par un grand singe. Une jeune femelle singe, Kala, s’empare alors du bébé, s’en occupe comme s’il était le sien, et lui donne, vous l’aurez deviné, le nom de Tarzan « Peau blanche ».

Jusqu’ici, le mythe et le roman concordent ; ils se recouperont également sur l’événement de la rencontre entre Tarzan et Jane, venue en Afrique avec son père, le professeur Porter et une équipe d’explorateurs. Mais pour tout le reste, et surtout pour la fin, ils divergent. Le livre relate certes les hauts faits de Tarzan qui arrache plusieurs fois plusieurs personnes, dont Jane elle-même à une mort certaine, avec aisance. Mais il décrit aussi la découverte progressive que fait Tarzan de tout ce que ses défunts parents avaient avec eux dans la cabane : des livres, de quoi écrire, des armes… qui lui permettent d’apprendre seul à lire, et de se défendre. Puis sa découverte du genre humain, d’abord grâce à un village d’indigènes africains qui s’établit non loin et dont il observe la vie quotidienne, puis grâce aux échanges qui s’instaurent entre Jane, ses compagnons et lui, et son apprentissage de la civilisation occidentale.

Alors, bien sûr, comme l’auteur écrit en 1912, il est pénétré du discours paternaliste et manichéen de la colonisation et on ne coupe pas à quelques observations de ce genre. Les indigènes africains sont évidemment cannibales, primaires, et bêtes ; l’homme blanc est forcément le plus haut niveau de la civilisation, plus cultivé, plus distingué… Il y a aussi quelques passages qui rappellent qu’à l’époque on pensait que l’homme blanc, par sa naissance, portait forcément en lui tous les attributs d’aristocratie ou de vulgarité de son ascendance, comme le sang qui coulait dans ses veines. L’auteur déclare ainsi de temps à autre, que Tarzan, malgré sa vie de sauvage, avait évidemment un port de tête aristocratique ou des réflexes nobles (le refus du cannibalisme) hérités de son père, Lord Greystoke.

Ce sont les seuls bémols de ce roman d’aventures efficace, dans le plus pur style romanesque du 19ème siècle, avec des descriptions exotiques, des personnages pittoresques et une intrigue bien ficelée, tout au long de laquelle défilent les exploits de Tarzan, véritable James Bond avant l’heure. Et je l’avoue, j’aime beaucoup plus la fin du livre que la fin véhiculée par le mythe populaire, à savoir que Tarzan enlevait définitivement Jane, retournait vivre sa vie d’homme-singe dans la jungle avec elle, dans la veine du « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants »… La fin du livre laisse à son héros la noblesse et l’originalité que le happy-end populaire lui enlève.

« Tarzan remonta dans les arbres et Jane s’étonnait de ne pas avoir peur : mieux, elle s’étonnait de ne s’être jamais sentie, de toute sa vie, aussi en sécurité que maintenant, dans les bras de cette puissante créature sauvage.

(…) Non, il ne pouvait lui faire de mal. Cela, elle en était convaincue. Ses traits raffinés, ses yeux francs et courageux proclamaient son tempérament chevaleresque.

Il continuait à traverser ce qui semblait être à Jane un mur de verdure, qui pourtant s’ouvrait devant eux comme par magie, pour se refermer dès qu’ils étaient passés.

C’était à peine si, parfois, une branche l’effleurait alors qu’elle n’apercevait autour d’elle qu’un enchevêtrement inextricable de branches et de lianes.

Quant à Tarzan, son esprit était occupé de pensées étranges et nouvelles. Il se trouvait devant un problème qu’il n’avait jamais rencontré. Et il sentait, plus qu’il ne réfléchissait, qu’il avait à l’aborder comme un homme et non comme un singe. »

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