Les Disparus du phare, mystère et perte de mémoire dans les îles écossaises

3

Avec Les Disparus du phare, Peter May revient dans les îles Hébrides avec un roman passionnant qui allie suspense, enquête et débat scientifico-politique. Après sa célèbre trilogie (L’Île des chasseurs d’oiseaux, L’Homme de Lewis et Le Braconnier du lac perdu), ce thriller vient tout juste de paraître aux éditions du Rouergue.

Les Disparus du phare commence avec un homme qui reprend conscience, échoué sur une plage de l’île Lewis, tétanisé par le froid, vraisemblablement rescapé d’un naufrage. Mais il ignore où il se trouve, ce qui s’est passé… et même qui il est. Son passé, son identité, les raisons de sa présence ici, ne sont qu’un vide blanc et nul. Seul un pressentiment sombre lui demeure, qu’il ne parvient pas à cerner. Il s’attache alors à retrouver sa mémoire en glanant toutes les informations, curieusement rares, qu’il peut rassembler sur lui. Mais d’autres personnes savent mieux que lui ce qu’il est et ce qu’il fait ici… et mettent à profit son amnésie pour agir. Conscient d’une menace diffuse qui se resserre autour de lui, il se lance à l’aveugle dans la quête de son identité.

disparus-du-pharePeu après, sur une petite île au large de Lewis, Eilean Mòr, on découvre le cadavre d’un homme assassiné récemment. L’inspecteur Gunn se charge de l’enquête, et, rapidement, tous les soupçons se portent sur notre héros amnésique. Au même moment, à Édimbourg, une jeune fille, Karen Fleming, découvre que les circonstances de la mort de son père, advenue deux ans avant, ne sont pas ce qu’elles semblaient être. Et décide d’en avoir le cœur net, coûte que coûte…

L’écriture de Peter May est fouillée, s’attache aux détails matériels pour donner un regard aiguisé sur le monde. Ses descriptions des paysages écossais reviennent très souvent, et pourraient être lassantes, si elles n’étaient pas si inspirées. Les Disparus du phare nous font ressentir un véritable attachement à ces terres battues par le vent et la pluie, au passé de ces îles et aux gens rudes qui y ont habité. Mais l’histoire des disparus du phare n’est qu’un prétexte, comme on s’en doute vite ; le vrai enjeu ici est scientifique et politique, avec un puissant lobby de l’industrie chimique qui veut dissimuler les dégâts que ses produits provoquent chez les abeilles. On ne peut guère trouver plus éloigné que ces deux thématiques, mais Peter May parvient à les réunir avec une facilité impressionnante, distillant savamment les indices dans le cours du récit. Le rythme est bien conduit, on reste accroché à l’hameçon jusqu’à la fin, et les rebondissements arrivent à point nommé. Un polar efficace, prenant et crédible en bref, sans surenchère de meurtre ou de complications inutiles. Bien joué.

peter-mayJ’ai tout de même trouvé que, comme dans beaucoup de polars, les indices étaient trop rares au début, puis se bousculaient trop à la fin. Au début des Disparus du phare, on ne comprend pas comment fait le personnage pour relier deux choses, pourquoi il va dans cette direction et pas celle-ci ; cependant l’auteur souligne bien le désarroi de son héros qui navigue à l’aveugle pendant le premier tiers du livre. L’intrigue tournant autour de Karen est très très bien menée, et m’a beaucoup plus tenue en haleine du début à la fin que celle du héros qui ne s’accélère qu’au troisième tiers du livre, mais si brusquement qu’on n’a pas le temps de comprendre les tenants et les aboutissants avant d’être projeté dans le dénouement. Je trouve aussi que faire recouvrer au héros la mémoire pile au moment où l’engrenage se déclenche vraiment est à la fois bien choisi, et presque trop cliché tellement cela tombe bien. Au lecteur de juger… Les motivations de certains personnages auraient gagné à être plus fouillées – celles de Sally, de Richard Deloit, de la mère de Karen, par exemple. Mais cela aurait demandé encore plus de pages, et l’endurance des lecteurs n’est pas illimitée.

Reste que ce sont des détails qui n’entachent pas la maîtrise du récit et de l’intrigue que déploie Peter May. Ni le plaisir qu’on a à dévorer ce livre.

À nos pieds, complètement masqué à la vue, et protégé des éléments autant qu’il est possible de l’être dans cet environnement hostile, se trouve un vaste ensemble de ruches. Des ruches carrées, semblables à des boîtes, hautes de deux ou trois niveaux. Certaines sont peintes en orange, d’autres en bois naturel, rendu gris par les intempéries. (…) Il y en a dix-huit, et je ne suis pas certain d’avoir vu quelque chose d’aussi étonnamment incongru de toute ma vie.

Il ne nous faut que quelques minutes pour crapahuter jusqu’au fond du dénivelé et nous nous mettons à déambuler parmi les ruches, comme des guerriers marchant au milieu des morts d’une bataille ayant eu lieu longtemps avant leur arrivée.

« Je ne comprends pas », dit Sally. « Qui les a mises là ? C’est toi ? »

About Author

3 commentaires

  1. Bonjour,

    Je viens de finir ce livre, super passionnant, mais déçu par un point, pourquoi ni karen ni sa femme ne l’ont reconnues quand il a sonner a la porte, je me suis dit, a-t-il fait de la chirurgie esthétique pour ressembler a neal, mais visiblement nan, puisque karen le reconnaît a la fin… Une idée ?

  2. c’est en posant la même question que je suis arrivée sur ce blog ,et j’ai même relu 2 fois le passage où il croise sa fille en sortant du taxi et sonne chez sa femme en disant « je suis Neal Maclean » et elle le menace d’appeler les gendarmes . personne n’a la réponse semble-t-il ! Il est à l’adresse de Maclean , alors ce n’est peut-être pas sa fille ni sa femme qu’il voit,mais celles de Neal ? il dit Karen ,mais c’est le prénom qui lui revient et non la fille qu’il reconnait ..c’est la seule explication que je trouve, j’ai recherché la description de la mère de Karen,mais ne la retrouve pas, elle dit qu’elle est belle alors que la femme que Maclean suit a l’air banale (p100)..

Leave A Reply