Zoom sur Silo, le premier tome de la trilogie « postapocalyptique » d’Hugh Howey sorti en octobre dernier chez Actes Sud. Le livre est un véritable phénomène éditorial aux Etats-Unis. D’abord autopublié, le livre s’est révélé être un énorme succès sur Internet. Il est aujourd’hui l’un des best-sellers de la maison américaine Simon & Schuster. La 20th Century Fox et Scott Free ont même acheté les droits audiovisuels, et le scénario est en cours d’écriture. Découvrez ce qu’en a pensé notre chroniqueuse Cécile.
Dans un futur post-apocalyptique, une communauté d’hommes et de femmes vit enfermée dans un silo souterrain géant. Du monde extérieur, on ne sait rien, sinon qu’il est hostile et mortel pour l’humain, et on n’en voit que les images désertiques relayées par des caméras extérieures. A l’intérieur règne la sécurité d’un environnement favorable à l’humain, maintenu par une organisation bien réglée entre différents départements, répartis en étages autour de l’escalier central qui traverse tout le silo de haut en bas. Les Machines en bas, le Département d’InfoTechnologie au milieu, le bureau du shérif et du maire en haut.
La punition suprême pour ceux qui enfreignent la loi, c’est de sortir du silo. Autrement dit, les destiner à mourir par asphyxie devant les caméras extérieures qu’ils ont pour ultime mission de nettoyer. Mais certaines personnes, persuadées qu’on leur cache quelque chose, demandent d’elles-mêmes à sortir, ce qui creuse une faille dans le système bien huilé du silo ; une faille qui ira en s’agrandissant malgré les efforts déployés pour la contenir…
L’idée de départ n’est pas novatrice, mais très bien exploitée. Le cadre de Silo est bien posé, la simplicité de l’univers trouve son répondant dans celle de l’écriture dense, qui ne s’encombre pas de fioritures. L’intrigue et le suspense qu’elle instaure sont efficaces. Tout cela crée un socle prometteur qui pourrait effectivement faire de Silo le dernier classique de la science-fiction comme le propose Actes Sud.
Malheureusement, Silo perd de son rythme, puis se délite complètement dès le quatrième chapitre. L’écriture reste simple, mais perd son ton percutant et sa densité. Tout se délaie énormément. L’action traîne pour entretenir le suspense, mais n’aboutit qu’à l’éventer, puisqu’en se diluant elle ajoute des longueurs inutiles qui lassent le lecteur et desservent le récit. A l’inverse, beaucoup de questions posées au départ ne sont finalement jamais résolues. Certains personnages (Lukas, Bernard, Scottie) ne sont jamais réellement développés, et du coup sonnent faux. Le rebondissement final n’est guère exploité, ce qui lui enlève beaucoup de force.
Ceci dit, Silo se lit bien et facilement. L’efficacité du récit ne se perd pas complètement, puisqu’on garde l’envie de connaître la fin, mais il aurait gagné à conserver le condensé et le dynamisme des trois premiers chapitres tout du long. Après, ce changement de rythme s’explique clairement par les conditions premières de la parution de Silo, dont le début a d’abord été auto-édité sous forme de nouvelle numérique, la suite n’ayant été écrite qu’après un franc succès de ladite nouvelle, quatre mois plus tard. Devant le succès renouvelé, Hugh Howey a écrit et publié deux autres épisodes en un mois, puis l’épisode final le mois suivant. Le succès a ensuite attiré les éditeurs américains qui l’ont réédité en compilation papier et numérique puis en ont vendu les droits à l’étranger.
Au vu de ces circonstances, on peut pardonner ces manquements de rythme à l’auteur et espérer cependant que le prochain tome (car Silo est une trilogie), Origines, qui sortira le 7 mai prochain, sera plus constant, et donnera à cette histoire l’ampleur romanesque qu’elle mérite.
« Juliette se sentait perdue dans ce vide entre deux portes, piégée dans ce sas rempli de tuyaux de couleurs vives qui jaillissaient des murs et du plafond, et où tout miroitait sous des linceuls de plastique. Etouffé par son casque, le sifflement de l’argon insufflé dans la pièce lui parut lointain. Il l’informait que la fin était proche. Sous l’effet de la pression, le plastique se froissa contre le banc, les murs, enveloppa les tuyaux. Elle perçut la pression sur sa combinaison, comme une main invisible qui la serrait doucement. Elle savait ce qui allait suivre – et une part d’elle-même se demanda comment elle en était arrivée là, elle, une fille des Machines, qui s’était toujours éperdument moquée du monde extérieur. »
La page consacrée au livre sur le site d’Actes Sud, contenant la vidéo d’une interview d’Hugh Howey.