Couleurs de l’incendie : suite réussie pour Pierre Lemaitre

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Un des cadeaux littéraires de l’année 2018 : Couleurs de l’incendie, le deuxième tome de la trilogie de Pierre Lemaître (Albin Michel) nous plonge dans la France de l’entre-deux-guerres. Victoire revient pour nous sur ce très beau livre.

Couleurs de l’incendie part avec un handicap : sa prestigieuse ascendance. Les lecteurs ravis par Au revoir là-haut et impatients d’en découvrir la suite ne se satisferont pas d’un roman moyen. Ils demandent à être éblouis. Pas de panique, la suite crépite de la même flamme que le premier tome. C’est une réussite.

Le roman s’ouvre en 1927, avec les obsèques de Marcel Péricourt, père d’Édouard (qui se suicide à la fin d’Au revoir là-haut) et de Madeleine, notre héroïne pour ce second tome. La danse macabre continue pour Pierre Lemaitre qui dès les premières pages décide de jeter du balcon le petit Paul, sept ans, fils de Madeleine Péricourt, et de le faire s’écraser sur le cercueil de son grand-père. C’est un scandale, que dis-je, un drame. Tout Paris était présent ! Voilà l’héritier Péricourt paralysé à vie. Madeleine doit porter à bout de bras la banque familiale, elle qui ne sait pas y faire en affaires, et ce fils qui a voulu mourir pour une raison qu’elle ne saisit pas davantage. L’orchestre des catastrophes ne s’arrête pas là puisque l’on voit rapidement Madeleine Péricourt sombrer dans la ruine. De riche héritière, la voilà devenue petite bourgeoise. Victime d’un complot, Madeleine brûle de revanche.

Couleurs de l’incendie est aussi l’occasion de brosser le tableau d’une époque. Il nous présente une Europe des années 30 en quête d’idéaux, chamboulée par la crise économique et la montée des totalitarismes, le tout saupoudré d’émancipation féminine pour certaines de nos personnages. La vengeance est un plat qui se mange froid, et Madeleine Péricourt se transforme au fil roman en un Edmond Dantès au féminin, mettant le feu à tous les obstacles qui se trouvent face à elle. Son plan machiavélique fait froid dans le dos et rend en effet hommage à notre cher Alexandre Dumas. Ce tableau d’époque et aussi celui d’une société pleine de vices, décrite avec humour et cynisme par l’auteur. On est choqué, on rit, et on ne peut s’empêcher d’en demander plus.

Les personnages de Couleurs de l’incendie ne sont en effet pas très gentils, que ce soit l’oncle Charles Péricourt panier-percé, l’un peu trop jolie dame de compagnie Léonce, ou encore le vieux banquier frustré Gustave Joubert. On n’aime pas s’imaginer qu’on vit dans le même monde que les personnages tordus de Pierre Lemaitre qui, l’un comme l’autre, ne sont pas à leur premier coup… Quant à Madeleine, comme son frère dans le premier tome, elle a été giflée par la vie, et en a perdu toute notion de morale et d’éthique. Elle rend avec fougue les coups qu’on lui a assénés. C’est à se demander jusqu’où elle peut aller !

En conclusion, j’ai beaucoup ri (attendez de voir la description des nièces Péricourt…), et c’est une gageure réussie pour Lemaitre qui nous offre une suite à la hauteur d’Au revoir là-haut, tout en abordant des sujets très différents. On attend le tome trois avec impatience !

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