Madame Extraordinaire : voyage au pays de la banalité

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Madame Extraordinaire de Fabrice Lehman est paru en juin dernier aux éditions JC Lattès. Le titre, qui fait penser à la la série « Monsieur » et « Madame », (Madame Heureuse, Madame Triste, Monsieur Maladroit, etc.) ne parvient pas à dissimuler un contenu qui se révèle peu inventif et approfondi. Explications.

Stéphanie est une femme d’âge moyen qui habite Blois avec son mari et ses enfants. Elle a un énorme problème, c’est qu’elle est banale. Elle représente le stéréotype même de la Française moyenne. Elle aime Jean-Jacques Goldman comme une grande majorité des Français, et mange des yaourts à la mangue que presque tout le monde achète. Elle est un échantillon de la population moyenne française si parfait qu’elle se fait espionner depuis chez elle par une armée d’hommes venus effectuer des tests.
Un soir, par accident, Stéphanie découvre qu’une caméra se trouve cachée à l’intérieur de son écran de télévision, et que tous ses moindres faits et gestes sont enregistrés à la seconde près. Tout un groupe d’hommes surgit ensuite dans son appartement et découvrent des câbles de caméra dissimulés sous la moquette et dans les murs, à la surprise générale. Stéphanie est scrutée, analysée, découpée au scalpel par une mystérieuse organisation qui a besoin de savoir ce qu’aiment les Français moyens. Stéphanie est donc le cobaye idéal. Tout ce qu’elle aime, mange, choisit comme vêtement ou maquillage, risque fort d’avoir des retombées économiques impressionnantes pour tous les instituts de sondage qui l’espionnaient depuis des années à son insu ! Stéphanie va tomber de haut et va devoir sortir de sa misérable existence toute tracée pour se démarquer pour la première fois de sa vie. Même si pour cela, elle deviendra le grain de sable qui va enrayer une énorme machine judiciaire et mettre à mal les élections présidentielles.
Seulement voilà, même si le procédé de Madame Extraordinaire semble intéressant au départ, l’écriture, elle, ne l’est pas. Tout reste plat et il faut parfois se faire violence pour poursuivre la lecture. Le problème avec Stéphanie, c’est qu’elle est aussi banale que le livre lui-même, qui ne parvient pas à décoller. Chose étonnante : durant la scène où Stéphanie découvre qu’elle est espionnée et que des hommes s’introduisent chez elle pour ôter les fils et les caméras, c’est à peine… si elle réagit. Elle ne crie pas, ne s’exclame pas, ne demande aucune explications à ces intrus dans sa maison, et ne pleure pas non plus. Elle dit rien, comme si elle n’était pas du tout concernée par ce qui se passait. Ce passage m’a paru peu crédible, car même si elle est un peu « cruche » par moments, cela souligne un malaise plus grand dans l’oeuvre, comme si l’écrivain ne s’impliquait pas davantage dans son récit, ce qui est bien dommage. Le personnage principal de Madame Extraordinaire est une telle caricature qu’on ne parvient plus à sympathiser avec elle : tel un cliché vivant, elle ne sort pas de sitôt de ses limites de stéréotype humain et le tout est assez fade.
Bien que Madame Extraordinaire, avec sa succession de placements de produits, nous conseille de ne pas être des moutons de Panurge, c’est limite s’il ne nous assomme pas avec ses descriptions sans fin de sondages sur le Français moyen et les désirs de la ménagère de moins de 50 ans. Même si le livre veut montrer une intention louable, à savoir écouter sa propre personnalité et essayer d’être original, c’est dommage que les choses ne s’améliorent pas avant la fin et qu’une bonne partie de l’oeuvre traîne en longueur.

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