Ton père de Christophe Honoré : un portrait sensible

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Ton père, roman de Christophe Honoré, paraît aujourd’hui au Mercure de France. Malgré une bibliographie plutôt imposante, Christophe Honoré reste sans doute aujourd’hui encore principalement connu comme cinéaste. C’est en tant qu’artiste aux multiples facettes et figure publique qu’il publie Ton père, où il se dévoile en père gay et en homme inquiet.

Le cahier des charges de la collection (où Chantal Akerman, Marie Ndiaye et Christian Bobin voisent avec Denis Podalydès ou encore Pierre Alechinsky) prévoit que chaque auteur convié livre un autoportrait agrémenté de photos. Dans ce carcan assez strict, Christophe Honoré propose Ton père, un ouvrage personnel et pudique à la fois, dans lequel il instille un suspense aussi inattendu qu’imparable. Le portrait intimiste se double d’un véritable page turner.

Gay, il est le père d’une petite fille dont la mère est l’une de ses amies. Alors que lui-même ne voit pas pourquoi le fait d’être homo le priverait forcément des joies de la paternité, la société lui prouve qu’elle ne pense pas comme lui. Au départ, il y a eu sa sœur qui, lorsqu’il lui annonce son projet, lui fait subtilement comprendre que l’idée n’est pas judicieuse.

Surtout, il y a ces troublants événements autour desquels le livre s’articule. Un papier punaisé à sa porte où il lit : « Guerre et paix : contrepèterie douteuse ». Puis devant l’entrée de son appartement, un colis contenant Les nourritures terrestres d’André Gide, éventré, un excrément dessus. Christophe ferme tout d’abord les yeux, tente de se rassurer. Les faits n’auraient aucun rapport entre eux, ce seraient deux mauvaises blagues… Puis il doit bien se rendre à l’évidence. Une personne dont il ignore l’identité le harcèle en raison de sa double condition de père et de gay.

Plutôt que de susciter la rage du cinéaste et de le pousser à combattre, ces événements font surgir ses doutes et ses peurs. Pris de panique, il tente de se débarrasser de toute la littérature gay de sa bibliothèque, comme pour faire disparaître les traces de son crime. Il s’interroge sur son droit à être père. Remet en question le choix qu’il a fait dix ans plus tôt. Plonge dans ses souvenirs et sonde sa propre histoire. Ébranlé comme père gay, il songe à son propre père décédé. Le père hétéro d’un enfant gay, qui n’a jamais vraiment compris ni accepté son fils tel qu’il est. Une figure paternelle que Christophe, une fois orphelin, a tenté de rebâtir.

Christophe Honoré

Les différents chapitres de Ton père sont ponctués de photographies. Les montages signés de Christophe Honoré voisinent avec les portraits d’artistes. Cyril Collard, Bernard-Marie Koltès, Hervé Guibert. Tous homos, tous morts du sida. Quand on pense l’homosexualité, l’idée de la mort n’est jamais loin.

C’est pourtant la vie qui triomphe finalement dans cet autoportrait aussi touchant qu’intelligent, écrit d’une plume élégante qui laisse affleurer toute l’inquiétude de l’auteur. Celle qui étreint un homme, un père gay, qui vit dans le pays de la Manif pour tous.

Ça se passe en France, en 2017.

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