Séduire Isabelle A. est le roman que nous propose Sophie Bassignac pour la rentrée littéraire. Il paraît aujourd’hui aux éditions JC Lattès. Quelques années après le très remarqué Mer agitée à très agitée, l’auteur nous entraîne au cœur d’une famille complètement déjantée à travers les yeux du futur gendre, à raison déboussolé.
Pierre a demandé Isabelle en mariage, après des mois d’une relation sans nuage. Il est temps de rencontrer la belle famille. Pierre a été prévenu : les Pettigrew-Axilette sont originaux et surprenants. Mais à ce point, il ne s’y attendait pas. Il fait ses premiers pas au sein de la maison familiale, entre effroi et gêne intense.
Il y a la grand-mère, sorte de grand gourou de la famille, et son mari, le grand-père, qui entretient une relation louche avec la jeune voisine asiatique, la mère, Catherine Axilette, qui tient une ligne de sous-vêtements et son mari, Philippe, dont la passion est de faire le tour des caves à vin du coin quitte à finir totalement bourré… L’oncle, Ludovic, et son ami Umberto, la sœur Barbara et Guillaume, son mari qui empaille des animaux morts… Leurs enfants, le génie Benjamin et Noémie, complètement illuminée.
Le plus délicieux, dans Séduire Isabelle A., c’est la description faussement objective des faits et gestes de la famille Pettigrew. Par l’intermédiaire d’un Pierre qui ne cesse de tomber des nues, on hallucine presque à chaque fois. Les personnages apparaissant petit à petit, on n’a pas fini de découvrir que la folie ne s’est pas arrêtée aux parents et aux grands-parents, et que chaque autre membre de la famille a un sérieux grain.
On s’amuse de l’effroi de Pierre, obligé de vivre des scènes à la limite de l’insupportable : la visite d’une dizaine de caves à vin avec dégustation à la clé et retour en voiture… la plage de nudistes où toute la famille se met joyeusement à poil devant les yeux d’un futur gendre horrifié… la rencontre avec un taureau enragé et le sauvetage par la belle-mère… Le récit factuel de ces moments est savoureux.
Sophie Bassignac insuffle un certain suspens quant à la relation de Pierre avec Isabelle. Tiendront-ils le choc ? Ou plutôt, Isabelle n’ayant pas l’intention de renier sa famille et espérant que son fiancé saura s’y habituer, aura-t-il le courage et l’envie de faire avec ?
Séduire Isabelle A. est au final un attendrissant roman qui parle de la famille, qu’on ne choisit pas, dont on a un peu honte parfois, mais qu’on aime quand même. Le lecteur se reconnaîtra, à mi-chemin entre Pierre, à la famille plutôt banale, presque ennuyeuse, et Isabelle, flanquée d’une tribu sans cesse en ébullition et très étrange. On pourra peut-être regretter une fin qui manque un peu de subtilité et semble aller à la facilité, mais cela n’enlève rien, au contraire, au plaisir qu’est la lecture de Séduire Isabelle A. Le style de Sophie Bassignac, qui n’a rien à prouve de ce côté-là, est dynamique, plein de couleurs, et sert parfaitement ce récit qui parfois part dans tous les sens. La description des repas de famille et des moments de folie collective est délicieuse. Un chouette roman, à la fois très drôle et attendrissant, qui se lit d’une traite. On se délecte de la découverte de cette famille Pettigrew, et on en redemande !
On accédait à la crique par un escalier casse-gueule creusé dans la falaise. Pieere s’arrêta net en bas des marches. Sur le sable et espacés de quelques mètres, tous les occupants de la plage étaient entièrement nus. Sidéré, il attrapa Isabelle par le bras et l’entraîna à l’écart.
-Tu aurais pu me prévenir, merde ! lança-t-il, fou de rage.
-Je t’ai prévenu.
-Il est hors de question que je me mette à poil en présence de tes parents et de tes grands-parents. C’est terriblement gênant, c’est…
Le mot avait du mal à sortir.