Avec Police, paru le 24 août 2016 aux éditions Grasset, Hugo Boris nous offre une plongée déroutante dans l’univers des gardiens de la paix. Une immersion troublante qui nous confronte autant à nos convictions qu’aux problématiques actuelles. Le temps de ce huis-clos entre ces trois policiers, on se questionne.
Trois gardiens de la paix. Deux hommes, une femme. Un vieux briscard qui cache son usure, un autre plus jeune, joyeux vantard un peu frimeur, un peu charmeur, le comique de la brigade et une femme, jeune maman dont le travail a érodé la vie conjugale et qui remet en cause ses choix personnels.
Trois flics ordinaires en somme, tous un peu abîmés par le travail sous leur uniforme. Par tout ce qu’ils ont vu et que personne ne devrait voir. Un peu beaucoup même. Et une mission inhabituelle, peut-être celle de trop : reconduire un étranger à la frontière. Un homme dont le premier pas dans son pays sera sanctionné de mort. Cette seule information suffit à faire basculer la situation. Ils ont vingt-cinq kilomètres pour prendre une décision qui remet en cause toutes leurs convictions. Obéir ou désobéir ?
Police est un huis-clos sobre et sous-tension. Un étrange coup du destin pour ces trois personnages. Un moment où toutes les misères de leur vie de flics, le ras-le-bol, les milles et un dégoût d’un quotidien éprouvant viennent soudain ronger, écailler l’impassibilité de l’uniforme. Sur cette mission inhabituelle, les consciences vacillent, les apparences s’effondrent. Quand le devoir vous fait bourreau, la morale le dispute à la conscience professionnelle. Y-a-t-il une limite dans le métier de policier ? Qui du flic ou de l’homme faut-il écouter face au drame qui se joue ? Au fil des minutes, la tension monte inexorablement et les questions se posent. Les personnages chancellent sur leurs socles de convictions. Et si ?
Hugo Boris a l’intelligence de ne pas basculer dans la naïveté ou l’idéalisme avec les personnages de Police. Pas plus que dans la dramatisation excessive, d’ailleurs. Ils sont bruts, humains, usés, imparfaits. Des flics ordinaires confrontés à une situation qui les dépasse et tout l’intérêt de l’intrigue est qu’elle se bâtit autour de leurs parcours personnels, de leurs doutes, de leurs craintes, de tout ce qu’ils sont et ne sont pas en tant que policiers et en tant qu’êtres humains. Silencieux, presque invisible, l’objet de leur mission envahit tout l’habitacle de son existence en suspens, rendant l’atmosphère oppressante et le dilemme omniprésent.
En tant que lecteur, Police nous interpelle, tant sur la réalité du métier de policier aujourd’hui que sur la façon dont tournent notre monde, notre société. Pourtant, le roman donne l’impression de ne pas aller jusqu’au bout de ses intentions. Comme une légère sensation d’inachevé, qui n’enlève néanmoins rien à son intérêt. On reste accroché malgré soi au destin de ces quatre personnages, brimbalés dans un fourgon de police.
« Un malentendu, voilà, du même tonneau que les excuses qu’on lui sert à longueur de journée. Erik va reculer son siège, poser ses pieds sur la boîte à gants. Il y aurait des bonbons mentholés et des CD oubliés dans le vide-poche. Des amis les attendraient au bord de l’Atlantique. Pins maritimes et Dalida. Diastole et systole. Ils partiraient en goguette au bord de la mer. Trois copains, voilà ce qu’ils seraient. Il n’y aurait pas marqué police. »