L’Art d’aimer à la folie de Joseph Vebret vient de paraître aux éditions du Moment. Le livre est consacré à la vie sentimentale des écrivains du 19ème siècle et ces passions y sont relatées avec un soin du détail tout à fait remarquable. De Stendhal à Rimbaud, de Victor Hugo à Oscar Wilde, les passions de ces monstres de la littérature ont dévoré leur vie et fortement influencé leurs œuvres. Pour la vie ou pour une nuit, ces rencontres, tantôt charnelles et/ou spirituelles, laissent une marque indéniable sur le travail des écrivains.
L’Éternel féminin est une composante majeure de la littérature, lui servant de moteur depuis la plus haute Antiquité. L’écrivain du 19ème siècle est majoritairement un homme, qui fantasme sur les silhouettes féminines qu’il croise sur son chemin. Entre les épouses trop sages et la prostituée fréquentée dans les maisons closes, le désir du romancier passe de l’une à l’autre, tiraillé par la passion première de l’écriture. Et soudain, des coups de foudre saisissants déchirent la nuit où il était plongé. C’est pour Mathilde, femme froide et inaccessible, que le timide Stendhal a son idée de la « cristallisation de l’amour ». Pour Madame Hanska, mystérieuse Ukrainienne surnommée « L’Étrangère », Honoré de Balzac entretiendra une relation épistolaire avec cette femme très peu rencontrée, pendant près de 18 ans. Se mariant enfin avec elle, Balzac décèdera hélas cinq mois plus tard, à cause… d’une hypertrophie du cœur. Victor Hugo et Alexandre Dumas ont un comportement très similaire : véritables « ogres » à femmes, ils avaient une libido effrénée et n’ont rien à envier à Casanova ! Dumas prétend non sans honte avoir laissé plus de 500 enfants illégitimes derrière lui… Hugo est de la même trempe, mais étrangement, il côtoie sa première maîtresse, Juliette Drouet, toute sa vie, la forçant à lui rester fidèle. Tous deux s’aimeront pendant près de 50 ans et s’échangeront plus de 10 000 billets. A la vie, à la mort. Adèle Hugo, sa femme légitime, ne sera pas en reste, car elle prendra pour amant Sainte-Beuve…
Le monde littéraire de Paris était plus petit qu’on ne le croit, et tout le monde se connaissait. Ainsi, Juliette Drouet s’est vue supplantée le rôle de la pièce « Marie Tudor » par… Ida Ferrier, jeune maîtresse d’Alexandre Dumas ! Les amitiés, les rivalités et les amours valsaient donc dans des cercles très restreints. Baudelaire, quant à lui, est tiraillé entre le corps et l’esprit, choses qui étaient séparées au 19ème siècle. Le corps d’abord, avec l’actrice Jeanne Duval, belle mulâtresse charnelle, une Vénus noire dédiée aux sombres plaisirs. Et puis, il y a Appollonie Sabatier, « l’ange » désincarné, l’idéal féminin à qui le poète dédie quelques poèmes des Fleurs du Mal. Celle-ci n’est pourtant pas innocente : demi-mondaine, elle tient un salon littéraire où elle reçoit de nombreux écrivains. Se donnant à Baudelaire une nuit, celui-ci l’abandonna le lendemain dans une lettre restée célèbre : « Et, enfin, enfin, il y a quelques jours tu étais une divinité, ce qui est si commode, ce qui est si beau, ce qui est si inviolable. Te voilà femme maintenant. » L’idéal ramené aux plaisirs de la chair n’avait plus de valeur aux yeux de Baudelaire.
Quant à Flaubert, il demeura un homme froid toute sa vie, dédiant pourtant une correspondance très fournie à sa maîtresse Louise Colet. Celui-ci resta dans ses névroses, ne surmontant jamais son complexe d’Œdipe lié à sa vieille mère, tandis que lui-même écrivait son chef d’œuvre, Madame Bovary, l’histoire d’une femme qui voit ses illusions brisées les unes après les autres… Pendant ce temps-là, Georges Sand trouvait le courage de vivre pleinement sa vie, malgré une époque très misogyne. Faisant fi des convenances, elle vit de sa plume, couche avec des amants d’un soir et vit une passion tumultueuse avec le terrible Alfred de Musset. Elle a même « l’audace extrême » d’avoir des relations intimes avec une femme, la comédienne Marie Dorval, avec qui, par la suite, elle restera amie. Notons également la touchante histoire d’amour entre Alexandre Dumas fils, et une ravissante demi-mondaine, Marie Duplessis, et qui lui inspirera son chef d’œuvre La Dame aux camélias. L’héroïne et la courtisane qui l’inspire meurent toutes deux de la phtisie, telle une flamme qui se consume.
L’Art d’aimer à la folie, sublime anthologie des amours d’un autre temps, se termine sur deux histoires vraiment tragiques : les relations Verlaine/Rimbaud et Oscar Wilde/Alfred Douglas. Paul Verlaine envoie valser sa femme, son bébé, sa situation financière pour s’enfuir avec Arthur Rimbaud, jeune homme odieux et incontrôlable, mais qui écrit si bien ! Disant « merde » à la bourgeoisie et aux convenances, il laisse libre cours à une homosexualité très mal vue à son époque, pour vivre pleinement son destin de poète maudit. Plus tard, à Londres, Oscar Wilde s’affiche de plus en plus avec son jeune éphèbe, Alfred Douglas, préférant de loin son « Hyacinthe » au continent noir de la féminité… Chose à ne pas faire sous l’ère victorienne ! Perdant son procès et envoyé en prison pour outrage aux bonnes mœurs, Oscar Wilde est prié de quitter le pays séance tenante, pour mourir en France, cinq ans plus tard… Le lecteur a comme un sentiment douloureux de sublime à la fin de l’ouvrage, car c’est vraiment injuste d’avoir puni ces hommes qui se sont aimés, tout simplement. L’Art d’aimer à la folie est réellement prenant et bien documenté en lettres enflammées, si bien qu’il est facile de s’attendrir.
Quelques bémols cependant : L’Art d’aimer à la folie contient beaucoup de coquilles. Par exemple, la date de 1993 au lieu de 1893 (logique), et d’autres coquilles qui se multiplient, surtout sur le passage concernant Victor Hugo… Enfin, je ne comprends pas pourquoi l’auteur n’a pas parlé d’Emile Zola : un absent de poids car il a eu aussi des amours adultérines avec Jeanne Rozerot, qui lui a quand même donné deux enfants. C’est vraiment dommage de ne pas en avoir parlé. Mais bon, en amour comme dans la réalité, difficile d’être parfait !
3 commentaires
« L’Art d’aimer à la folie » pourrait être merveilleux s’il n’était pas rempli de coquilles. Le nombre incompréhensible d’erreurs rend la lecture de ce livre décevante. Il est évident que la plupart des chapitres n’ont pas été révisés. À qui la faute? À l’auteur? À la maison d’édition? Dans tous les cas, j’ai perdu confiance en Vebret, un auteur que j’aimais beaucoup, et aussi en la maison d’Édition « Éditions du moment ». C’est lamentable.
Chère Sylvie,
Je découvre votre commentaire. Vous avez raison. J’ai rendu mon manuscrit avec retard et des erreurs de fichiers se sont produites. Je n’ai eu que peu de temps pour relire les épreuves. Depuis, l’éditeur a déposé le bilan et le livre est perdu dans les limbes… Sitôt que j’aurai retrouvé mes droits, je préparerai une nouvelle édition, plus complète (4 chapitres supplémentaires) et ferai en sorte que le texte final soit exempt de fautes et de coquilles.
Bien à vous,
Joseph Vebret
Bonjour et bonne année!!
Je vous remercie de m’avoir répondue et surtout prévenez-moi dès que ce nouveau livre apparaîtra. Je serai ravie de retrouver ce Joseph Vébret que j’aime tant.
Bien à vous,
Sylvie Font Faugier