Poursuivons notre promenade parmi les publications de la rentrée littéraire de cette année avec La famille Middlestein paru le 21 août aux Escales. Il s’agit du troisième roman de Jami Attenberg, journaliste entre autres pour le New York Times. La famille Middlestein a été considéré comme l’un des meilleurs romans de l’année selon la presse américaine. Cécile nous en dit davantage sur ce roman.
Le tableau de départ est somme toute assez classique : le drame anodin d’une famille américaine où la communication s’étiole. La famille Middlestein est l’archétype de toute famille juive de classe moyenne : des parents, deux enfants, Benny, marié et père de jumeaux avec une femme au foyer, et Robin, célibataire endurcie qui finit par se caser… Avec ce qu’il faut de particularisme communautaire et d’américanisme de base. Les Middlesteins pourraient (presque) être n’importe qui, et mener tranquillement leurs petites vies et bisbilles en paix.
Mais tout se cristallise autour d’Edie, la mère et grand-mère de la famille, dont les problèmes de poids deviennent de plus en plus graves, prenant des proportions démesurées à l’égal de son tour de taille, et suscitent la colère, l’impuissance, le déni, le désarroi et les volontés justicières des autres membres de sa famille qui tentent, trop tard, de limiter les dégâts.
C’est l’occasion rêvée pour l’auteur de pointer du doigt des travers bien connus des Américains : l’obésité morbide, la société de consommation à outrance, l’image et la valeur de la femme réduite à sa seule apparence physique avec le personnage d’Edie, l’image de la (fausse) famille parfaite avec celui de Rachelle, et d’autres, plus universels : les non-dits familiaux, les incompréhensions mutuelles, les préjugés et les étiquettes collées sur des gens qu’on côtoie pourtant au quotidien. Tout cela saupoudré d’une bonne dose d’auto-dérision et de mélancolie pour ses personnages, qui les sauve du cliché.Le rythme de cette tragi-comédie y est aussi pour beaucoup : La famille Middlestein se déroule en successions de flashbacks et retours au présent, en alternances de points de vue qui se font contrepoint, maintenant efficacement l’intérêt en éveil jusqu’à la fin.
Les personnages bien ficelés, portent le lecteur à se prendre de tendresse pour eux jusqu’à espérer un happy end salvateur.
L’objectif de La famille Middlestein est atteint : amuser son public. Le cocktail est efficace et distrayant, l’intrigue bien menée, les personnages humains. Un bon moment à passer !
« Ils s’accordaient tout de même sur quelques points importants : (…) la conviction que les aliments sont faits d’amour, qu’ils en constituent l’essence même ; et leur incapacité à se refuser la moindre bouchée de ce qu’ils souhaitaient manger. Alors, si Edie, leur fille chérie, déjà si vive, les yeux grands ouverts sur le monde, était un peu robuste pour son âge, en quoi était-ce un problème ?
En rien.
(…) Les aliments sont fait d’amour. Manger, c’est aimer. Aimer, c’est manger. Et si un gros morceau de pain peut apaiser les pleurs d’une enfant, en quoi est-ce un problème ?
En rien. »