L’Odeur du Minotaure est le premier roman de Marion Richez, publié chez Sabine Wespieser pour la rentrée littéraire. Diplômée de l’ENS Ulm et agrégée de philosophie, Marion Richez prépare actuellement une thèse sur la conscience du corps à Paris IV. En parallèle, elle explore donc également la veine romanesque.
Une jeune fille de famille provinciale très modeste fait de brillantes études, intègre un ministère parisien et devient l’archétype d’une femme fatale, au passé refoulé, mangeuse d’hommes et consciente de son pouvoir.
Mais un jour tout revient de plein fouet, avec un appel de sa mère qui l’appelle au chevet de son père mourant. Entraînée par l’émotion et la colère de ce retour aux sources, elle conduit à tombeau ouvert sur les routes. Perdue sur une petite route de campagne dans la nuit, elle percute de plein fouet un grand cerf qu’elle tue sur le coup. Bouleversée, elle recueille son dernier soupir dans la nuit.
A partir de là, L’Odeur du Minotaure prend un tournant surprenant, qui pourrait être l’amorce d’un développement intéressant. Malheureusement, l’héroïne sombre dans la folie et le récit se délite, perdant sons sens et sa cohérence en la suivant dans sa chute.
Le style de L’Odeur du Minotaure est maîtrisé, enlevé ; cela aurait pu être un roman percutant. Il donne certes de nouvelles couleurs à l’éternel débat entre la ville et la nature, la civilisation impitoyable, déshumanisante, et le règne animal plus humain malgré sa sauvagerie ; le thème du souvenir de l’Holocauste qui y court en filigrane confirme que ce paradoxe est au cœur du récit. Mais ce dernier ne transforme pas tout à fait l’essai. La remise en question est bien là, mais l’héroïne ne trouve pas de porte de sortie ni d’alternative discutable. Marion Richez évoque l’amour, mais comme une accalmie trompeuse plutôt qu’autre chose, et la pirouette finale, qui semble être là seulement parce qu’il faut bien une conclusion, ne leurre guère le lecteur. Reste le style, toujours percutant et novateur, qui permet de mener la lecture de L’Odeur du Minotaure jusqu’au bout.
« Je pourrais tourner la page, soupirer avec elle, dire que oui, j’ai eu de la chance, que ça reste bien malheureux tout de même. Quelque chose en moi ne le peut pas. Je pose enfin la question, je la jette au-dehors, en mettant la femme en joue de mon regard, comme pour la forcer :
‘Mais, enfin, ça n’était qu’une bête, n’est-ce pas ?’
Au lieu d’acquiescer, de s’empresser de répondre : oh mais oui, pensez-vous, bien sûr que ça n’était qu’une bête, on en fait des histoires pour une bête, elle ouvre grands ses yeux et dit, comme si c’était pas croyable d’en être réduite à apprendre ça à un autre :
‘Mais, une bête, c’est important.’ »