Ayerdhal, écrivain lyonnais titulaire de deux Prix de l’Imaginaire, nous livre un thriller contemporain et étonnamment réaliste. Notre nouvelle chroniqueuse en littérature, Lola L., l’a lu pour vous !
Faire l’amour et la guerre
Une armée privée est financée par de riches donateurs américains afin de faire tomber la dictature qui règne dans l’état africain du Mambesi et y impose un climat d’homophobie et de discriminations en tout genre. Cet ambitieux projet ne peut être mené par des mercenaires motivés par le seul appât du gain ; les soldats sont des volontaires LGBT de toutes nationalités. Novices ou militaires aguerris, ils sont décidés une fois pour toute à faire cesser les inégalités et à envoyer un message fort à la communauté internationale : l’égalité et les droits de l’homme ne sont pas qu’une utopie.
C’est l’occasion pour l’auteur de proposer une leçon sur l’art de la guerre à l’heure du numérique et de la mondialisation. Comment légitimer l’annexion d’un pays par une armée privée étrangère, au nom des droits de l’homme ? Comment gérer les relations diplomatiques avec les Nations Unies et les multinationales mécontentes de perdre leurs avantages, qui ne tarderont pas à contre-attaquer ? Comment concilier idéologie humaniste et tactiques militaires ? Comment, enfin, parvenir à fédérer et à former des volontaires aussi hétéroclites ?
Ces épineuses questions seront posées à notre armée de guerriers de l’arc-en-ciel, destinés selon une légende amérindienne à sauver le monde de sa cupidité, qui le mènerait à sa perte. Des camps d’entrainement aux champs de bataille, nous suivrons ces personnages, ni noirs ni blancs, humains et nuancés, attachants. Du commandant Tyler, militaire à la retraite embarqué malgré lui dans cette folle aventure, à Jean-No l’inventeur qui touche le cœur des locaux comme des volontaires, en passant par Pilar la chasseuse indomptable et Me’elu la guérisseuse de seize ans à la sagesse ancestrale : tous se lancent corps et âmes dans un combat à l’issue incertaine.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne s’ennuie pas à la lecture de ce thriller politique ! Le rythme y est endiablé et les scènes d’action mériteraient une adaptation cinématographique. Les personnages et les liens humains qui se tissent entre eux sont dépeints tout en émotion et en subtilité. Les clins d’œil à l’actualité contemporaine font mouche ; les noms propres sonnent souvent familiers : Akwasi Koffane l’ancien secrétaire des Nations-Unies, Angie Bull et Beau Bradley, le couple de stars engagé dans l’humanitaire, Jean-Paul G le grand couturier français, etc. Ce réalisme est au service d’une véritable réflexion sur notre monde contemporain, sur le poids réel des droits de l’homme face au capitalisme mondialisé, sur l’efficacité et la marge de manoeuvre des institutions comme les Nations-Unies et leurs casques bleus, ou comme Greenpeace et son propre Rainbow Warrior coulé par les services secrets français.
Ou doit-on vraiment faire la guerre pour avoir la paix ? Attention, lecteur inattentif s’abstenir : il faut se plonger dans ce livre l’esprit disponible afin de savourer au mieux rebondissements, subtilités politiques et la profusion des personnages.
« Le tohu-bohu cesse à l’instant où Andra lève le bras.
– Ne vous réjouissez pas. Nous n’en reviendrons pas toutes et celles qui reviendront seront traumatisées et peut-être pas entières. Merde, nous ne partons pas pour une gay pride !
– Oh, ça nous le savons ! dit Fabienne. Nous allons faire valoir notre droit de vivre comme nous l’entendons là où on considère que nous n’avons même pas le droit d’exister. »
Article de Lola L.
2 commentaires
A noter que le livre est disponible a 8€ en version numérique et sans DRM alléluia ….
Pingback: Bastards - Ayerdhal - | SMALL THINGS |