Le 4 février dernier, l’éditeur japonais« Shueisha » a mis en ligne gratuitement et en anglais le nouveau one-shot « Death Note » de Tsugumi Oba et de Takeshi Obata.
Le manga d’origine est paru au Japon dans le Weekly Shonen Jump de 2003 à 2006 avant d’être édité par les éditions Shueisha. Pour ce qui est de la France, les tomes sont parus aux éditions Kana, si vous cherchez à vous les procurer.
Si vous ne souhaitez pas être spoilés par notre critique, vous pouvez d’ores-et-déjà lire le one shot ici ===> https://mangaplus.shueisha.co.jp/viewer/1006371 Si vous poursuivez la lecture de notre article, c’est que les spoilers ne vous atteignent plus ! Alors, qu’en est-il de cette nouvelle œuvre ? Est-ce que c’était répétitif, décevant ou au contraire très intéressant ? Voici notre verdict.
Minoru Takata est un lycéen tout ce qu’il y a de plus banal, à la seule exception près qu’il est plutôt doué en ce qui concerne les quizz et les QCM. Ryuk, le shinigami de l’au-delà, commence à s’ennuyer ferme et décide de redescendre sur Terre pour trouver le digne successeur de Light Yagami. Et puis pourquoi pas en profiter pour grappiller quelques pommes au passage ? C’est tout naturellement qu’il jette son dévolu sur Minoru, sachant très bien qu’il est le premier en ce qui concerne les quizz et les tests. Minoru connaît déjà l’histoire du mystérieux Kira, de son vrai nom Light Yagami, qui terrifia une bonne partie de la planète en tuant au départ des criminels, puis des personnes lambda choisies au hasard pour asseoir davantage sa suprématie de « dieu auto-proclamé ». Et, chose étonnante, les guerres ont disparu et le taux de criminalité a drastiquement chuté depuis les agissements de Light Yagami, le précédent protagoniste de la saga Death Note. On peut dire que Light a réussi son « travail » de purification de l’humanité, même si ses agissements expéditifs soulèvent de grandes questions d’ordre éthique. Mais Minoru n’a pas l’âme d’un meurtrier et il voit bien le danger à utiliser le Death Note. Non, de son côté, il a une idée bien plus folle : celle de le vendre.
L’époque où vit Minoru est bien différente de celle où a vécu Light : avec internet et l’omniprésence des caméras de surveillance, Minoru ne peut plus tuer et cacher les preuves aussi impunément que son illustre prédécesseur. Et vendre le Death Note sur internet est impossible, car la police le tracerait très facilement. Il décide encore une fois d’envoyer Ryuk sur le plateau de Sakura TV, afin de délivrer le message annonçant le début des transactions pour l’obtention du Death Note. Comme Ryuk est invisible auprès des humains, personne ne peut savoir qui délivre le message. Tous les humains… sauf ceux qui ont déjà touché un Death Note ! Nous retrouvons donc avec plaisir d’anciens personnages de la saga, à savoir Near et l’ancienne équipe de police qui ont mené l’enquête auprès de Light. Near, devenu le nouveau L, est presque méconnaissable avec ses cheveux longs, ce qui lui donne un style très appréciable (auprès des fangirls). Celui-ci surnomme le nouveau détenteur du Death Note « a-kira », ce qui peut faire penser à un jeu d’esprit intéressant avec « Akira ». Near doit avouer sa défaite dans cette affaire, car même si le Death Note est mis en vente, il demeure impossible d’arrêter quelqu’un qui n’a commis aucun crime en l’utilisant. Le crime est d’autant plus parfait… qu’il n’y a pas eu de crime. La victoire de Minoru semble donc imminente.
Avec les jours qui passent, la mise aux enchères du Death Note emballe des pays entiers, et l’escalade monte à un point tel que la Chine et les États-Unis se disputent le cahier meurtrier. C’est finalement les États-Unis qui l’achète au prix exorbitant de quatre quadrillons de yens, afin d’assurer la paix mondiale. Minoru accepte mais ne peut accepter tout cet argent ! Il le divise en fonction des habitants du Japon en âge d’avoir un compte en banque, ce qui fait que de nombreux Japonais se retrouvent du jour au lendemain milliardaires. C’est l’euphorie, Kira est considéré à nouveau comme un dieu. On peut voir qu’encore une fois, la saga Death Note s’inscrit dans notre époque actuelle avec ses problématiques : celle de la dette mondiale. Donald Trump est montré vraiment humilié alors que la dette du PIB du Japon est définitivement résolue ! C’est ce qu’on appelle un joli pied-de-nez. Mais est-ce un happy end pour autant ? Hélas non.
Ryuk, en remettant le Death Note à Donald Trump, lui révèle que le Roi des Shinigamis n’a pas du tout apprécié l’idée qu’un tel cahier soit mis en vente. Furieux, il a instauré de nouvelles règles immuables : SI QUELQU’UN MET EN VENTE LE DEATH NOTE, IL MOURRA DE MÊME QUE SON ACHETEUR. Donald Trump, dans son grand courage, refuse le cahier, mais annonce qu’il le possédera bien, histoire de sauver les apparences. S’il est sauvé de son destin funeste, ce n’est pas le cas de Minoru dont le nom se voit inscrit dans le Death Note de la main même de Ryuk. Il subit donc exactement le même sort que Light.
Les règles si strictes du Death Note se referment donc comme un piège sur le protagoniste, encore une fois. Minoru, tout comme Light, a voulu jouer à être dieu l’espace d’un moment, et ils l’ont tous deux payé très cher. Un humain ne peut pas se prendre pour un dieu sans en payer les conséquences. Et si Light représente très bien le pêché de l’orgueil, Minoru pourrait très bien incarner celui de l’avarice, comme en témoigne bon nombre de messages sur les réseaux sociaux. C’est une idée qui fonctionne très bien. Ce One Shot est, à n’en pas douter, une réussite. Le personnage principal n’est pas du tout une copie de Light Yagami : si Minoru s’était servi du Death Note pour tuer de dangereux criminels, son histoire aurait été redondante par rapport à l’ancienne saga, et ça n’aurait rien apporté du tout. Là, l’auteur a choisi de placer l’argent au cœur de la problématique, tout en jouant avec les codes des réseaux sociaux et les mises aux enchères sur internet. Le tout s’imbriquant parfaitement dans nos préoccupations actuelles, celle de la crise financière. Le piège qui se referme à la fin n’était pas du tout prévisible : Minoru n’a pas du tout vu venir l’ajout de cette nouvelle règle punissant de mort celui qui vend le Death Note, et dans son orgueil, il n’a jamais pensé à demander à Ryuk s’il avait seulement le droit de le vendre. Ce One Shot est donc une vraie bouffée d’air frais, qui apporte réellement quelque chose de nouveau, avec une fin surprenante et en même temps logique avec le thème du manga. Une question se pose : y aura-t-il d’autres One Shot comme celui-ci ? Affaire à suivre de près…