La rentrée littéraire 2018 a établi un record en matière de premiers romans. Difficile pour ces primo-romanciers de ne pas finir noyés dans la masse. Dans cette forêt de titres, on ne peut que conseiller de ne pas manquer un arbre délicat et remarquable : Presque une nuit d’été et il est signé Thi Thu, aux éditions Rivages.
Une jeune femme erre dans les rues, appareil photo à la main, cherchant à recueillir des instants de la vie de celles et ceux qu’elle croise au gré de ses déambulations. Ce regard attentif et bienveillant porté sur des inconnus ne débouche pas seulement sur des moments imprimés sur la pellicule (ou la carte mémoire…), mais sur de vrais rencontres.
Les inconnus se racontent et livrent leur histoire, touchante, insolite, drolatique, à la photographe. La première impression qui se dégage de Presque une nuit d’été est celle d’une galerie de personnages diablement bien campés, et pris dans des histoires justes, qu’on lit avec plaisir. C’est déjà beaucoup, mais trop peu pour faire un roman. Pourtant, le livre de Thi Thu est un authentique roman. Celui d’un personnage d’aujourd’hui, en quête de quelque chose d’utile. Qui rencontre d’autres personnages d’aujourd’hui – avec leurs malheurs, leurs joies, leurs folies.
Surtout, Presque une nuit d’été est un roman écrit. Il y a dans les mots, dans les phrases de Thi Thu, une délicatesse poétique qu’on pressent dès le merveilleux titre de son livre et qui se confirme jusqu’à la dernière page. Détail ou pas : l’auteure a pour langue maternelle le vietnamien. Est-ce son regard extérieur, distancié sur la langue de Molière qui lui permet de la manier avec autant de grâce ? Peut-être y a-t-il de ça. Dès ce premier roman, elle s’impose en tous cas comme une voix francophone singulière, entêtante – qu’on suivra avec plaisir.