Le nouveau roman de Nina Bouraoui, Tous les hommes désirent naturellement savoir, vient de paraître chez Lattès en cette Rentrée littéraire. Si le livre porte le nom de « roman », il a des allures d’autofiction, entre les souvenirs familiaux en France et en Algérie, l’homosexualité de la narratrice et le sujet de l’écriture…
Dans ce nouveau livre, Nina Bouraoui nous entraîne dans un tourbillon de souvenirs. Certains très précis et plutôt factuels, d’autres basés sur des impressions, des émotions qui refont surface. Des souvenirs d’enfance flous, chaleureux, parfois étranges, comme nous en avons tous.
On prend la main de Nina et on se retrouve auprès de sa mère en Algérie, dans la maison de ses grands-parents en Bretagne, mais aussi au Kat, bar de nuit pour les femmes qui aiment les femmes.
Tous les hommes désirent naturellement savoir contient trois types de chapitre : se souvenir, savoir et devenir. « Se souvenir » laisse la part belle à ces impressions d’enfance, la jeunesse dorée en Algérie, ses parents bien sûr, son meilleur ami Ali et les prémices de son orientation sexuelle. « Savoir » raconte des souvenirs avec plus de précision : l’histoire de ses grands-parents et de ses parents, par petites touches factuelles, ce qui a pu arriver pendant les guerres… « Devenir » met l’accent sur la période de fréquentation du Kat, ses amies de l’époque, plus ou moins équilibrées, les amours déçues et l’espoir de se sentir un jour bien dans cette vie.
C’est cette dernière catégorie de chapitre qui m’a le plus intéressée. C’est dans « Devenir » que Nina Bouraoui s’autorise à aller le plus loin. Interroger vraiment cette vie, ses errances, ses complications. Et en filigrane, l’écriture émerge comme une évidence.
Tous les hommes désirent naturellement savoir se lit plutôt rapidement. Les informations y sont nombreuses. Dans une courte phrase, on a parfois l’impression de voir défiler une vie entière. Et en refermant le livre, il nous semble que l’auteure elle-même nous a raconté tout cela à l’oreille : un récit dense et épars, aussi désorganisé que peut l’être la masse de nos souvenirs qui dansent dans notre tête. Quand on regarde en arrière et qu’on ne sait plus très bien quel événement nous a amené à faire ceci ou cela, à être comme ci ou comme ça.
Cela ne m’arrive pas souvent, mais j’ai corné plusieurs pages, pour pouvoir retrouver ces passages brefs, d’une puissante vérité, très bien écrits comme toujours avec Nina Bouraoui. Elle partage des souvenirs très personnels, des émotions qu’elle n’a pas peur de confier. En même temps, elle nous fait bénéficier de ses enseignements, avec une grande sincérité, beaucoup de poésie et en toute humilité.
Nina Bouraoui y parle aussi d’écriture. L’origine de son inspiration, comment l’écriture petit à petit s’est imposée. C’est toujours un sujet passionnant.
Tous les hommes désirent naturellement savoir est un très beau livre, très intime, qui m’a plu pour ses phrases percutantes qui m’ont beaucoup parlé. Un style fluide qui semble avoir été facile. On imagine cependant la difficulté de représenter tout un pan de son existence, sans se mentir, et du coup forcément par petites touches éparses, délicates, comme pour en retirer l’essence pure. Ce livre est un nuage de souvenirs et d’impressions précieux, qui nous donne envie d’écrire le nôtre.