Le deuxième tome de l’ambitieuse saga de Jane Smiley (Un siècle Américain) vient de paraître chez Rivages. Dans Nos Révolutions, Jane Smiley nous déroule un tableau de l’Amérique de l’après seconde guerre mondiale, de 1953 à 1957, à travers la vie quotidienne de la grande famille Langdon, que les lecteurs avaient déjà suivi dans le tome 1 (Nos Premiers Jours).
À la lecture de Nos révolutions, on se retrouve comme plongés dans un monde, absorbés par le quotidien du clan Langdon, et bringuebalés entre tous les personnages (à s’y perdre parfois, heureusement il y a l’arbre généalogique présent à la fin du livre). Dans ce récit ambitieux, la romancière américaine nous fait rentrer alternativement dans l’esprit de chacun des personnages, que ce soit dans la vie de Franck, le séducteur new-yorkais, de sa fille Janny, emblème de la jeunesse révoltée des années 60, du barbant professeur médiéviste Henry, ou encore dans celle de la matriarche Rosanna, héroïne du tome 1, et du mari de Lillian, Arthur, qui ne supporte plus le poids des secrets qu’il doit garder pour le compte de son emploi à la CIA en pleine guerre froide.
On suit donc la vie de cette famille sur toute une génération, chaque chapitre représentant une année, ce qui permet au lecteur de voir véritablement évoluer les personnages auxquels il a pu, en six cents pages, avoir le temps de s’attacher. Si le premier tome s’était construit autour de la ferme du couple Langdon, dans l’Ohio, Nos Révolutions suit les tribulations à travers les États-Unis de leurs cinq enfants, et de leurs petits-enfants.
Ce qui est d’autant plus intéressant, c’est que sous couvert du récit de la vie d’une famille, Jane Smiley nous livre une immense fresque de l’Amérique de ce second vingtième siècle qui évolue à toute vitesse : trente glorieuses, guerre froide, Vietnam, mouvement des droits civiques, crise de Cuba, libération sexuelle, période hippie : tout y passe. On assiste par exemple, devant le regard horrifié de Rosanna, à l’avènement de la nouvelle première dame, une certaine Jacquie Kennedy. Celle-ci ne supporte pas ses airs et son sourire guindé. On suit également Janet et sa grand-tante Éloïse, qui rejoignent à New York les foules de manifestants opposés à la guerre du Vietnam.
Stylistiquement, Nos révolutions est sans fioritures. Les personnages ont le mérite de livrer le regard cynique et moqueur de l’auteure sur les clichés américains de cette époque et de la nature humaine en général. Les personnages de Jane Smiley sont en effet très humains, bourrés de défauts, à tel point qu’ils sont parfois trop proches de la caricature. Qui plus est, la narration, et c’est un effet secondaire de l’ambition folle de l’auteur – écrire toute l’histoire d’un siècle américain à travers celle d’une famille – piétine un peu.
Nos révolutions, c’est un roman du vrai, une véritable parenthèse historique qui nous fait voyager des années 50 aux années 80 sans quitter notre fauteuil. Mais Jane Smiley a tellement bien décrit la réalité qu’elle ne nous a pas épargnés les détails moins palpitants, ce qui rend son récit un peu lourd mais tout de même dépaysant. Reste à voir si dans son troisième volet, Notre Âge d’or, que Rivages publiera début 2019, elle saura nous passionner davantage.