Pauvres millionnaires de Diksha Basu, de l’absurdité d’être riche

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Pauvres millionnaires est un roman de Diksha Basu, paru il y a quelques semaines au Mercure de France. A la cinquantaine, monsieur et madame Jha voient leur vie changer du tout au tout. Après vingt-quatre ans de vie modeste dans leur quartier populaire de Delhi, ils déménagent pour Gurgaon, un des endroits les plus chics de la ville.

Millionnaires du jour au lendemain, quelle galère ! Entre la jalousie des uns et cette autre vie totalement inconnue de nouveaux riches qui s’ouvre à eux, les Jha ne savent plus vraiment où donner de la tête, ni quelle attitude adopter. Le confort c’est bien, mais être riche n’est pas vraiment leur tasse de thé. Et puis à cinquante ans, peut-on vraiment tout recommencer ?

Ayant étudié aux Etats-Unis mais née à Bombay et actrice à Bollywood, Diksha Basu possédait à la fois le vécu et le recul pour écrire cette satirique comédie de mœurs à l’indienne. Avec un humour léger, tirant parfois sur la caricature, elle croque à travers les mésaventures des Jha une fresque hilarante mais lucide des réalités de cette Inde déchirée entre traditions, conventions sociales et modernité.

Nos nouveaux riches que sont les Jha ont un rapport plus que compliqué à cet argent. Titillés d’un côté par l’envie de profiter d’une retraite confortable, de l’autre ils ont l’impression, comme certains de leurs amis le jugent, d’usurper cette nouvelle vie. Car cet argent vient de la vente d’un site internet, et non pas d’un travail selon les conventions traditionnelles.

A cela vient s’ajouter le franchissement d’une barrière sociale symbolisée par le déménagement dans le quartier huppé de Gurgaon. Nos Pauvres millionnaires entrent dans une autre caste dont ils ne connaissent ni les codes, ni les conventions. Un autre monde où la règle est d’étaler sa richesse autant que possible. Où on ne sait plus qu’inventer pour montrer son argent en le dépensant de façon abracadabrante. Comment se tenir ? S’habiller ? Que faire pour avoir la considération de ses voisins ? Cela donne lieu à des situations rocambolesques qui confinent à l’absurde. En témoignent au hasard, des épisodes dont je ne me suis pas remise, tel celui de la Joconde façon indi sur le mur de la chambre à coucher, le canapé incrusté de cristaux Swarowski ou la fameuse cireuse à chaussures. Et si ces petits amuse-bouche ont taquiné votre curiosité, sachez que le récit recèle bien d’autres petites perles du genre où l’ironie pétillante de Diksha Basu fait miracle, dévoilant parfois les travers de ses compatriotes, sans pourtant tomber dans l’excès ou le mauvais goût.

Avec un regard tendre mais critique, Diksha Basu déroule dans Pauvres millionnaires le parcours et surtout les mésaventures des Jha dans cette nouvelle vie déconcertante, entraînant dans leur sillage, une kyrielle de
personnages non moins haut en couleurs, qui racontent chacun une part de la réalité sociale de cette
Inde moderne. Son humour mordant joue du ridicule des personnages et des situations, donnant ce
côté désopilant au récit, sans pourtant jamais se montrer cruel ou tomber dans le méchant cliché. On
s’attache à ces personnages, qui en dépit de leur contradictions et leur excentricités, se révèlent touchants dans leur envie de bien faire.

Plein de saveur et drôle à souhait, Pauvres millionnaires est un roman cocasse, rythmé et insolite qui
dépayse son lecteur, sans laisser ses zygomatiques en repos. Un excellent moment de lecture !

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