Trois heures, quinze minutes et trente-deux secondes, très précisément. C’est le temps qu’il m’aura fallût pour dévorer Miasmes. Sous ce titre étrange (mais ô si bien trouvé!) se cache la plume redoutable d’Elisabeth Sanxay Holding. Jusqu’ici inédit en France, Miasmes, paru en 1929, est son neuvième roman mais son premier polar. Pourtant la dame ne va pas tarder à s’imposer comme une maîtresse du genre. Et cela se comprend ! C’est paru aux éditions BakerStreet.
Sous un récit en apparence anodin (un jeune médecin qui cherche à s’établir), Elisabeth Sanxay Holding manipule avec férocité l’esprit de son héros comme de son lecteur. Page après page, elle distille le malaise, le doute, comme autant de pics qui s’enfoncent insidieusement, créant une ambiance oppressante au possible. Que se passe-t- il exactement dans cette maison ? Cette mort est-elle bien naturelle ? Quel est ce silence dévoué qui plane autour du bon docteur Leatherby ? Dennison s’imagine-t-il des choses ? Est-il lui-même sain d’esprit ou le lecteur est-il floué par sa vision ?
D’un événement à l’autre, les certitudes du lecteur s’évanouissent telles des mirages. La confusion règne, l’angoisse s’insinue et de fil en aiguille, on ne parvient plus à lâcher Miasmes, alors même que le malaise nous poisse les doigts.
Ce n’est pas tant le fin mot de l’énigme qui est bluffant en soi, mais plutôt la façon habile dont Elisabeth Sanxay Holding se sert des rouages de la nature humaine pour nous entraîner dans une spirale infernale. Chacun des personnages, y compris le héros lui-même, fourmille d’ambiguïtés, nous empêchant de saisir qui est du côté obscur et quelles sont les motivations de chacun. Et ce, jusqu’à la fin de Miasmes.
Le héros lui-même résulte d’un savant paradoxe dans ses attitudes et les sentiments qu’il inspire au lecteur. Méticuleux, calculateur, dépourvu de passion, il parvient, en évoluant au fil du récit, à susciter l’empathie du lecteur (devenu son compagnon de galère) sans jamais pour autant être attachant.
Sans y prendre garde, on plonge dans cette étrange atmosphère, se laisser contaminer par ces miasmes qui flottent dans l’air. Dès lors, il sera impossible de lâcher le récit avant d’en avoir défait tous les nœuds. Dans ce roman noir, tout est gris et même l’innocent a quelque chose de coupable. Miasmes est un polar singulier et troublant qui pourra en déconcerter certains, mais qui est mené d’;une main de maître !