Dans La femme qui ne vieillissait pas, Grégoire Delacourt nous propose un touchant et fascinant portrait de femme, comme il sait si bien les écrire. Il nous l’a déjà prouvé plusieurs fois. Cette fois-ci, on fait la connaissance de Martine. Delacourt déroule sa vie depuis sa plus tendre enfance.
Une enfance plutôt banale, plutôt heureuse. Malgré un père rentré d’Algérie avec une jambe en moins, la colère en plus. Un père qui s’énerve parfois, très violemment. Et une mère qui fait ce qu’elle peut pour conserver sa joie de vivre. Un soir, après une séance de cinéma qui l’avait euphorisée, elle est fauchée en pleine rue, morte sur le coup. Le père de Martine s’enferme dans le malheur tandis que la jeune fille va essayer de surmonter sa peine, alors que quelque chose en elle s’est brisé. Alors, comme pour s’émanciper de tout ça et se promettre une nouvelle vie, elle change de prénom et se fait appeler Betty.
Sa vie de femme, d’amoureuse, d’épouse et de mère va alors se dérouler sous nos yeux. Un jour, un ami photographe lui propose de participer à un projet : être photographiée chaque année, mêmes vêtements, même pose. Pour capter le temps qui passe. Au bout de quelques séances, ils se rendent bien compte que quelque chose cloche…
La femme qui ne vieillissait pas choisit le thème de la vieillesse, ou plutôt de la non vieillesse, pour raconter la vie de son héroïne. Ce côté délicieusement fantastique, qui n’est pas une première chez Delacourt, nous permet d’envisager la féminité sous un angle différent. La jeunesse éternelle comme une malédiction. Source d’isolement, de rejet et de malheur.
Cette étrangeté qui touche Martine/Betty est bien sûr un prétexte romanesque. Grande amatrice d’hyper-réalisme, c’est l’aspect du roman qui m’a le moins touchée. Il permet néanmoins d’introduire cette réflexion sur la vieillesse, le temps qui passe, la beauté d’un couple solide qui vieillit ensemble… Car, parce qu’elle ne vieillit pas (alors qu’elle voudrait bien !), Martine/Betty va passer à côté des grands bonheurs de sa vie.
Comme d’habitude, Grégoire Delacourt nous offre dans La femme qui ne vieillissait pas de grands moments de poésie. Des phrases qui parfois nous déchirent, parfois nous réchauffent. La rencontre d’un grand amour, la perte d’une mère, les illusions perdues… Autant de moments clés d’une vie qui ne sont bien racontés qu’avec simplicité, qui ne sont percutants qu’en peu de mots.
Le côté manichéen et la métaphore de la jeunesse éternelle m’ont un peu perdue. Rester jeune est une malédiction alors que vieillir est un bonheur. Le propos aurait gagné à être nuancé autrement que par l’intermédiaire du personnage d’Odette, meilleur amie de Martine et acharnée de la chirurgie esthétique pour garder son homme.
La femme qui ne vieillissait pas est un magnifique portrait de femme. On est happé par son destin. Le roman se lit en quelques heures, avec délice.