Sciences de la vie est le nouveau roman que Joy Sorman publie au Seuil pour cette rentrée littéraire. Après notamment Comme une bête et La peau de l’ours, c’est sur le thème de la maladie que se penche Joy Sorman. La maladie comme obsession, la maladie comme seule chose qui prime et qui décide de tout. Mais la maladie aussi comme mystère : inexpliquée et par conséquent incomprise du corps médical.
Depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvienne, Ninon Moise a toujours entendu sa mère lui raconter les histoires des femmes de leur famille, maudites sur des générations, porteuses de maladies aussi extraordinaires que mystérieuses. La mère de Ninon, Esther, a elle-même une maladie des yeux qui l’empêche de voir les couleurs et la rend hypersensible à toute luminosité. Ninon sait qu’un jour, elle développera un mal bien à elle. Quelque chose d’unique, de jamais vu, d’exceptionnel, puisque les femmes de sa famille sont toutes frappées sans exception.
D’où viennent ces maladies étranges et pourquoi un tel acharnement divin sur les femmes de la famille de Ninon Moise ? Personne ne le sait… Un beau jour, ainsi que la légende l’avait prédit, Ninon se réveille un matin, une douleur insupportable au niveau des bras. Elle réalise petit à petit que n’importe quel contact sur la peau de ses bras est devenu un supplice : ses vêtements, la pression du lit, l’eau de la douche, et même le vent… Dès que la peau de ses bras frôle quelque chose, la douleur se réveille, vive et si forte que Ninon ne peut plus penser à quoique ce soit d’autre.
Immédiatement, elle rejette ce mal. La fatalité familiale a beau être ce qu’elle est, c’est inacceptable pour Ninon, qui ne veut qu’une chose : vivre, et le plus normalement possible. Elle décide donc tout simplement de guérir, soutenue par sa mère qui, de par leur histoire familiale, n’y croit pas trop. Ninon va aller de médecin en médecin, de spécialiste en spécialiste, recueillant tous les conseils, faisant tous les examens, testant même les médecines douces, les chamanes, les cures… Mais rien n’y fait. Elle semble condamnée.
Mais chaque fois, elle espère. Chaque fois un espoir montre le bout de son nez, immédiatement déçu. Ninon finira-t-elle par croiser le chemin du bon médecin, qui parviendra à comprendre ce mal et à la guérir définitivement ? C’est ce que Sciences de la vie nous propose de découvrir.
Il faut avoir l’esprit bien retord pour prendre plaisir à cette véritable enquête médicale. Joy Sorman ne nous épargne rien. Ou plutôt si, elle nous épargne maints comptes-rendus de rendez-vous médicaux, tout en nous en faisant partager tout de même un certain nombre. Et c’est largement suffisant. La multitude et surtout la diversité des médecins que Ninon consulte sont tout à fait intéressantes, mais nous notons quelques longueurs… Sciences de la vie est également ponctué d’informations médicales loin d’être inintéressantes, si précises et nombreuses que le livre pourrait s’appeler Sciences de la peau.
Mais c’est bien de la vie dont il est question de manière sous-jacente. Ninon ne cherche qu’une chose : vivre. Vivre absolument et malgré cette malédiction familiale à laquelle elle devrait ouvrir les bras (c’est le cas de le dire) sans broncher. Mais c’est hors de question pour cette jeune fille pleine de ressources, qui va dire non à cette aberration médicale.
L’un des angles les plus intéressants de Sciences de la vie est ce rapport aux médecins quand notre mal est inexplicable. Quand il n’y a aucun symptôme et que la seule « preuve » de la maladie et la douleur du patient, que faire ? Comment soigner un mal qui n’a aucune expression concrète ? C’est ce qui va désespérer Ninon pendant de nombreux chapitres. Passionnant aussi le thème de la malédiction familiale. A quel point les histoires de sa mère ont-elles influencé Ninon, ont-elles provoqué ce mal si étrange et apparemment incurable ?
Extrait :
« Le regard lourd et provocateur d’Esther Moise sur Ninon Moise a-t-il été décisif ? Et toutes ces histoires accumulées ? Puis l’inquiétude de Ninon elle-même ? Ninon regardée comme malade par sa mère avant même de m’être, regardée comme porteuse de la tragédie avant même qu’elle ait pu s’épancher. »