Une mer d’huile de Pascal Morin vient de paraître dans la collection La Brune des éditions du Rouergue pour cette rentrée littéraire. L’histoire d’une routine familiale perturbée par l’arrivée d’un élément nouveau, étranger et intriguant.
Nous découvrons une famille à son rendez-vous annuel dans la villa de la Côte d’Azur. Danielle, la grand-mère, y accueille Pierre-Marie, son fils, et Arthur, son petit fils. Mais cette année, une personne supplémentaire s’ajoute, Prisca, une jeune femme des environs embauchée par Danielle pour l’aider à tenir la maison durant l’été.
La dynamique entière de la famille va alors changer. Qui est elle réellement ? La jeune fille n’est ni jolie ni laide, semble banale dans ses leggings et autres habits roses du meilleur goût, mais connait également l’histoire des météorites qui fascinent cette famille de scientifiques. Eux qui sont ancrés dans leurs habitudes, elle les déstabilise. Réel élément catalyseur, Prisca va faire renaître en chacun des émotions enfouies : manques, frustrations, désirs, curiosité parfois malsaine.
La première moitié d’Une mer d’huile est centrée sur l’arrivée dans leur vie de Prisca, et sur l’impact qu’elle va avoir sur eux en si peu de temps. On sent une tension s’installer et grandir, entre les personnages comme au sein de chacun d’eux. On attend l’implosion, les révélations. Cette dynamique change complètement dans la seconde moitié du livre, qui fait place à davantage de réflexion.
J’ai beaucoup apprécié le personnage d’Arthur, dont le rapprochement lié à l’âge était peut être plus simple pour moi. C’est un jeune homme plein d’interrogations, sur son avenir comme sur le monde qui l’entoure. Le personnage de Danielle est très mystérieux, cette neurologue réputée en dévoile peu, jusqu’à la fin on se pose des questions sur son rôle, ses motivations. Pierre-Marie est celui auquel on s’attache le moins, ce psychiatre s’ouvre peu, s’efface souvent. Il est dans la continuité attendue de la famille sans en être un élément majeur.
Et puis Prisca, bien entendu, qui marque le roman comme ses personnages, bien qu’on ne sache presque rien d’elle, et qu’elle laisse plus une impression d’ombre qui survole le livre que de personnage physique. Elle s’insinue dans leur vie, deviendrait presque un membre de la famille sans tant de mystères et ce malaise associé.
Un autre personnage bien présent par son empreinte mais jamais rencontré, le grand-père décédé, astrophysicien, marque le récit de part les allusions et comparaisons nombreuses au ciel, et plus particulièrement aux météorites, éléments imprévus laissant leur impact sur Terre.
Malgré les paysages des calanques voisines et des virées en bateaux décrites, Une mer d’huile nous fait vraiment l’impression d’un huis clos. Le périmètre autour de la villa est restreint, les personnages s’arrêtent aux quatre mentionnés. Ces éléments vont accentuer la tension du livre et son aspect sur le fil qui m’a beaucoup plu.
Une mer d’huile est un roman surprenant et qui m’a bien plu, surtout dans sa première moitié de part l’ambiance installée par l’auteur. La seconde est intéressante également, plus philosophique, mais m’a moins marquée. A recommander aux friands d’histoire familiale et des relations humaines !
Extrait :
« – A quoi rêve une jeune femme comme vous ? demanda Danielle à Prisca, quand Arthur leur montra le fameux prospectus.
– C’est bien trop personnel pour que je puisse vous répondre, dit Prisca. J’espère que vous ne m’en voudrez pas.
Danielle se sentit idiote, presque gênée. Elle ne répondit rien, mais elle pensa que Danielle avait raison. « De quoi je me mêle ? Ai-je vraiment oublié que Prisca est mon employée de maison ? Je deviens dingue. »
Arthur lui non plus n’ajouta rien. Il regarda Prisca qui gardait pour elle son rêve secret. Il l’enviait. »