Décédé le 18 juillet 2017 à l’âge de 85 ans, Max Gallo laisse derrière lui une œuvre exceptionnellement prolifique, avec plus d’une centaine de romans parus. Biographies, sagas, romans de « politique-fiction », il demeure un écrivain incontournable du paysage littéraire français, se démarquant de ses confrères par un style brillant qui va droit à l’essentiel. Mais qu’est-ce qui rend Max Gallo si incontournable ? Petit tour d’horizon.
Né à Nice en 1932 et issu d’immigrés italiens, Max Gallo a vécu dans sa chair les événements de la Seconde Guerre Mondiale, ce qui a déterminé sa carrière à venir. Ignorant tout de Max Gallo, je me suis penchée sur la lecture d’une biographie qu’il avait fait paraître en 1998, consacrée à Napoléon. Le tome 1 s’intitulait Le chant du départ et retraçait logiquement la jeunesse du futur empereur. J’avais 14 ans à l’époque et malgré tout, j’ai dévoré cette œuvre d’une traite, alors que rien ne prédispose quelqu’un de cet âge à aimer l’Histoire pure et dure. Car Max Gallo a une écriture fluide, facile mais respectueuse des complexités historiques, le tout dans un style épique où tout ennui est éliminé. Napoléon, cette figure de plâtre poussiéreuse, avec ce bicorne reconnaissable entre mille souvent synonyme de pathétique folie pour toute personne qui le porte et ce, dans d’innombrables caricatures, est soudain devenu sous la plume de Max Gallo, un véritable héros de roman.
Napoléon trop souvent ridiculisé dans le langage courant sans même qu’on s’en aperçoive, devient un être véritable, fait de chair et de sang, chose que je n’ai jamais retrouvée dans ses autres biographies. Dans Le chant du départ, le jeune Bonaparte entre dans un collège français et doit abandonner l’italien, sa langue natale. Son accent rocailleux lui vaut les railleries de ses camarades, mais il parvient à se faire un ami, un seul : Louis Antoine Fauvelet de Bourrienne. Excellent en mathématiques, il monte petit à petit les échelons et peaufine sa carrière militaire, exceptionnellement fulgurante. On le suit quand il veille sur ses jeunes frères et sœurs, quand il est malade de la gale, quand il découvre la sexualité avec une prostituée de Paris ou quand il fait la connaissance de la troublante et sensuelle Joséphine de Beauharnais, plus dangereuse qu’elle n’en a l’air. Et que dire de cette ambiance de cette fin XVIIIè, dans une France cultivée, profondément corrompue, malmenée par les soubresauts de la Révolution et qui attend un sauveur, un seul, et qui est peut-être en la personne de ce jeune Corse, brillant tacticien militaire et surnommé affectueusement « Le Caporal » par ses soldats ? Nul doute qu’un brillant destin l’attend.
Avec une écriture aussi enlevée, sans être jamais lourde, Max Gallo réussit à faire revivre les morts sous nos yeux. Impossible de refermer le roman (car il s’agit plus d’un roman qu’une biographie, à ce stade) sans être arrivé à la fin. Tout est passionnant jusqu’à la dernière ligne. Un épisode historique que l’on croyait acquis, se lit comme s’il était découvert pour la première fois. C’est un petit miracle, à ce stade. Max Gallo n’a pas volé son siège à l’Académie Française, qu’il occupait depuis 2007. Tout ce qu’il décrit devient subitement très intéressant, et c’est un véritable don. Il se débarrasse de tous les détails inutiles et cisèle son écriture au couteau aiguisé pour un travail impeccable. Les êtres descendent de leur piédestal et redeviennent des humains, avec leurs doutes, leur libido et leurs passions enflammées.
C’est cette passion que je n’ai pas réussi à retrouver dans les autres biographies de Napoléon que j’ai lues. Grâce à Max Gallo, je suis devenue passionnée par le Premier Empire, car j’ai bien senti qu’une âme l’habitait. D’ailleurs, c’est comme si l’âme de Napoléon habitait le livre, sans exagération aucune. Alors si vous ne connaissez pas Max Gallo, foncez. Vous ne lirez plus jamais l’Histoire comme lui l’a écrite. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il doit être en ce moment en train de discuter avec ces étoiles de l’Histoire, qu’il a, mieux que jamais, rendues immortelles.