Étrange ouvrage que ce Spoon River. Alors que la mode automnale est, classiquement, à la course aux prix et, dès lors, à la publication d’inédits, les éditions Allia misent au contraire, en cette rentrée littéraire, sur la traduction d’un classique américain publié pour la première fois en… 1915.
Spoon River est le nom donné par Edgar Lee Masters (1868-1950) au village (fictif) où se déroule l’histoire. L’histoire ? Chaque chapitre, écrit en vers libres, porte le nom d’un personnage, habitant de Spoon River décédé plus ou moins récemment, et en brosse succinctement l’existence. Rapidement, les micro-fictions ainsi présentées se répondent – l’amant malhonnête que pleure telle femme devient lui-même l’objet d’un chapitre quelques pages plus loin – et le lecteur suit l’écheveau complexe des relations entre les différents protagonistes. C’est qu’ils viennent tous du même village, alors forcément tous se connaissent peu ou prou.
Spoon River désarçonnera certainement beaucoup de lecteurs d’aujourd’hui, peu familiers de la poésie narrative. Néanmoins, si l’on accepte le surcroît d’attention qu’exige la lecture de cet13te forme inhabituelle, on se laissera facilement captiver par le charme (un peu désuet) du récit et par la destinée des personnages, tandis qu’on admirera l’habileté d’Edgar Lee Waters à faire exister un aussi grand nombre de personnages – et des personnages… morts, qui plus est.
Où l’on comprend pourquoi Spoon River compte parmi les (semi-)classiques Outre-Atlantique. Et gagnerait à être (re)découvert chez nous.