Questions aux femmes d’aujourd’hui, ou le repos de la guerrière

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Dans Questions aux femmes d’aujourd’hui, essai paru en août 2016 aux éditions 5 Sens, Odile Lamourère, conseillère conjugale et psychanalyste, interroge les femmes de son époque sur le féminisme aujourd’hui et la position des femmes dans la société. Le combat féministe en tant que tel est-il encore d’actualité ? Pourquoi les inégalités hommes-femmes persistent-elles ?

D’emblée, ne nous méprenons pas sur le destinataire de ce texte. Cela est clairement exposé d’entrée de jeu : « Ce texte s’adresse aux femmes occidentales ayant la chance d’avoir bénéficié de l’émancipation du vingtième siècle. » Donc des femmes en mesure d’agir, et non sous la férule d’un régime, d’une croyance ou autre. De fait, on pourrait s’attendre à un texte très moralisateur. C’est ce que j’ai craint : un long sermon culpabilisateur. Mais ce n’est pas le cas non plus. Certes, Questions aux femmes d’aujourd’hui nous pousse à remettre en question certains de nos comportements mais pas forcément de façon culpabilisatrice. Plutôt comme une nouvelle manière d’envisager les choses.

questions-femmes-aujourdhuiDans ce court essai de 70 pages, elle scrute et interroge les comportements des femmes, mais aussi les rigidités de la société quant à différents domaines de la vie de femme (sexualité, vie de couple, éducation, vie professionnelle, maternité) examinant à travers ses questions aussi bien les rigidités sociales (vision presque obligatoire de la maternité par exemple) que les contraintes internes que nous nous imposons. Développant sa réflexion autour d’un panel d’hypothèses, d’observations et d’interrogations, elle l’axe autour d’une grande problématique centrale : Pourquoi, en dépit des acquis obtenus après des décennies de combat féministe, ne parvenons-nous pas à une égalité homme-femme ? Aurions-nous du mal à nous dégager de comportements, de stéréotypes intériorisés pour parvenir à gérer et à profiter au mieux de ce que nous avons gagné ? En tant que conseillère conjugale, elle base en premier lieu sa réflexion sur le fonctionnement du couple à l’heure actuelle avant l’étendre à d’autres domaines.

Questions aux femmes d’aujourdhui appuie sur le paradoxe que, malgré le net progrès de la place de la femme dans la société occidentale, les médias comme nous-mêmes, contribuons à alimenter cette image de la femme victime consentante, enchaînant trois journées en une seule. Pourquoi ressentons-nous ce besoin d’exceller en tout alors que paradoxalement nous semblons mettre des  freins à nos ambitions professionnelles, considérer certains domaines comme exclusivement masculins ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à lâcher prise, à abandonner certains aspects de la vie de couple, par exemple, aux hommes, pour établir l’équilibre ? A nous détacher de cette culpabilité latente, pourtant évacuée par celles qui ont mené le combat des décennies avant ?

Si le questionnement dOdile Lamourère peut déranger ou agacer, néanmoins elle nous pousse à nous interroger, à réfléchir et nous offre des pistes de réflexion, sinon des embryons de solution. Et si le simple fait de modifier nos comportements individuels était déjà en soi un moyen d’installer cette égalité ? Il ne s’agit pas là de faire une révolution. Simplement de nous débarrasser de stéréotypes intériorisés, d’un certain conditionnement, afin de plus subir mais agir. Devenir réellement les actrices de nos existences pour profiter pleinement de ce que nous avons acquis, au lieu de nous victimiser. Certes, cela peut sembler d’entrée de jeu assez utopiste car certaines situations sont bel et bien le fait d’une rigidité sociale, d’un monde, professionnel ou non, construit autour de la figure masculine. Ainsi que l’auteur le rappelle elle-même quant à la parentalité et au problème de la gestion de l’enfant : […] mais les solutions émanant d’instances officielles n’ont pas suivi l’évolution de la société. (p43)

Mais l’on oublie trop souvent que ce type de situation se crée dès l’enfance par l’éducation et la scolarité. Pourquoi ne pas corriger ce réflexe malheureux de se tourner vers la fille plutôt que vers le garçon pour les tâches ménagères ? Pourquoi assimiler automatiquement les filles à la filière littéraire ? Pourquoi persiste-t-on à projeter des stéréotypes masculins quant à la représentation professionnelle des postes décisionnels, incitant ainsi les filles à s’en détourner ?

Ce ne sont pas des solutions miracles que nous propose Odile Lamourère dans Questions aux femmes d’aujourd’hui. C’est une réflexion globale, développant des questionnements et des  hypothèses. Pour elle, l’heure n’est plus au combat féministe en tant que tel, mais à l’action vigilante et à la construction de l’égalité à partir des acquis. Si j’ai abordé l’ouvrage quelque peu sur mes gardes, un tantinet crispée, très vite je me suis retrouvée, crayon et stabilo en main à le décortiquer. Et si, naturellement, je ne peux être d’accord avec tous les propos tenus par l’auteur, néanmoins je dois admettre que cet essai nous pousse intelligemment à la réflexion, à l’analyse, personnelle ou non. Bien maligne d’ailleurs, serait celle qui ne s’y reconnaîtrait pas, ne serait-ce que sur une ligne…

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