Mon ami Arnie, de Jeremy Behm : la jeunesse essoufflée

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Mon ami Arnie de Jeremy Behm est sorti le 2 juin aux éditions Syros. Je ne connaissais pas cet auteur, qui est en réalité le petit-fils de Marc Behm, lui-même écrivain. Je m’attendais donc à du lourd, et à un livre bien construit. La couverture du livre et la promotion qui en est faite, comparant cet ouvrage aux films de Quentin Tarentino, tout ça en jetait pas mal et on s’attendait d’emblée à du bon divertissement. Mais à la lecture du livre, force est de constater que l’objectif est loin d’être atteint.

Nous suivons l’histoire de Fox aux États-Unis, jeune garçon de quinze ans amoureux de Mia, et dont le meilleur ami est Clifford, un noir américain qui prend les études et l’amitié très au sérieux. Fox est victime d’une poisse sans précédent car il se fait dépouiller de toutes ses économies par les voyous du bahut. Et en plus, le serial killer, « The Pretender », rôde dans les environs. C’est à ce moment-là que surgit Arnie, fils d’avocat désœuvré, qui propose d’organiser un casse dans la villa de son père. Mon ami Arnie aurait pu donner lieu à un divertissement plutôt plaisant à la perspective de l’été qui s’annonce, mais le livre souffre de beaucoup de défauts dans son écriture, qui enchaîne les lieux communs et rend la lecture très pénible.

mon-ami-arniePar exemple, trop de phrases orales qui se terminent de la façon suivante :  » Je voulais juste me rapprocher et… » Ce « et… » qui ponctue un dialogue sur deux dans la première partie du livre est juste trop redondant. Il aurait suffit de faire des interruptions au beau milieu des phrases, pour rendre l’action plus abrupte et plus réaliste. Mais l’écriture est bourrée de phrases toutes faites que l’on se dit à l’oral et qui ne font pas du tout naturel à l’écrit. On dirait que rien n’est travaillé ni bien construit, si bien que le récit en pâtit forcément. Tout est simpliste, mais ce qui est le plus incroyable de tout, ce sont les personnages stéréotypés. Et les stéréotypes sur les lycéens, il y en a tellement qu’il est impossible de tous les énumérer !

Clifford, heureusement, n’est pas stéréotypé en lui-même. Mais il est le seul de sa fratrie à être sérieux dans son travail, contrairement à ses frères avec casquette à l’envers et amateurs de hip hop. Tu le sens le cliché gros comme une maison ? Plus loin, Cliff se dit en lui-même : « Je dois travailler dur si je veux être président des États-Unis ». Comme Barack Obama quoi. On ne l’aurait jamais deviné. Donc dans ce livre, si tu es Noir, tu es soit une racaille de rappeur hip hop, soit le type tout sérieux qui devient le Président Obama. Et il n’y a pas d’entre-deux. Tu ne peux pas être vendeur, banquier, policier, secrétaire, marin, ministre, avocat, hockeyeur. Bah non, si t’es Noir, deviens basketteur ! (Oh mon dieu j’ai tellement réfléchi pour trouver ça). Et le pire, c’est que le cliché du Noir basketteur revient à la fin du livre ! Mis à part ce cliché douteux, il y a aussi ce que pense Mia de son lycée : « Au lycée, il existait différents clans : les sportifs dont faisait partie Chet ; les Geeks reconnaissables à leurs grosses lunettes et à leurs problèmes d’hygiène; les skaters au pantalon trop large […] les poufs… ». Magnifique avalanche de clichés que nous avons là… Sans compter les autres énumérations de clichés hallucinants que l’auteur prête à son héroïne. Géniale vision de la jeunesse ! Et le summum, c’est quand Mia décide de rejeter les avances du footballeur Chet, star du lycée, et qu’elle se dit TEXTO :  » J’avais beau lui dire qu’il ne se passerait rien entre lui et moi, et passer pour la tarée de service auprès de 99,9% des femelles du lycée (les 0,01% restant étant les grenouilles des aquariums du cours de sciences naturelles) ». Déjà, c’est vraiment une vision réductrice des filles de lycée dans leur totalité, et en plus, celles qui ne courent pas après les garçons, sont comparées à des grenouilles. Qu’est ce que cela veut dire ? Tout ça parce qu’elles ne sont pas superficielles ? Et que cela sous-entend qu’elles sont laides ?

Jeremy Behm

Jeremy Behm

Et cela ne s’arrête pas là… Jeremy Behm ne fait pas preuve de beaucoup de tendresse envers ses personnages, qui ne sont jamais vraiment incarnés, et dont les clichés sont ici tellement figés qu’on ne peut pas adhérer. C’est très regrettable, car Mon ami Arnie est destiné aux young adults à partir de 15 ans. Pas idéal pour le jeune lecteur de se voir placer ainsi dans une case. Dommage.

Bref. Je me suis dit qu’après tout, il fallait être indulgente, que le livre se voulait sans doute plus léger qu’il n’en avait l’air et qu’il fallait, pourquoi pas, suivre l’action en tant que telle. Et là, surprise ! À partir du moment où l’auteur met en scène « The Pretender », le ton change. Plus de fautes, plus de clichés. La froideur psychopathe du « méchant » est très bien rendue, et le milieu du livre consacré au paroxysme de l’action, est bourré du suspens. Mais sans doute trop tard. C’est d’autant plus dommage que Mon ami Arnie s’achève sur un moment de tension horrifique complètement inattendu, et que tout ceci appelle une suite. Car Arnie n’est pas celui qu’on croit. Et n’est pas Quentin Tarentino qui veut.

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