Sur une majeure partie de la France, du romancier et photographe Franck Courtès, est paru en janvier aux éditions JC Lattès. Il s’agit du second roman de l’auteur du très remarqué recueil de nouvelles Autorisation de pratiquer la course à pied.
Quentin et Gary sont nés dans un petit village de la Brie qui semble coupé du monde. C’est un lieu de paix plongé dans les profondeurs de la France rythmé par les cycles de la nature. Quentin est le fils du garde-chasse. Le château en ruine et les forêts avoisinantes sont son terrain de jeu, c’est là qu’il puise sa force. Gary gère son énergie autrement : sa sauvagerie à lui est brutale. En grandissant, les enfants prennent des chemins différents : posé pour l’un, violent pour le second. À l’adolescence pourtant, leurs routes se croisent à la faveur des premiers émois. Anne s’éprend de Quentin, ce garçon si gentil, mais rêve d’un avenir plus excitant.
En quelques 300 pages, Sur une majeure partie de la France nous entraine au cœur de la vie d’un village qui verra son quotidien bouleversé. Avec l’exode vers les grandes villes et l’arrivée de l’industrie alimentaire, ce sont tous les codes qui doivent être revus, les habitudes qui vont changer. À la faveur de ces (r)évolutions, Franck Courtès nous présente deux adolescents que tout oppose. Leurs destinées n’en seront que plus différentes. Au fil des pages, il nous décrit un univers aujourd’hui perdu et nous raconte l’histoire de l’adolescence, du toujours difficile passage à l’âge adulte. L’auteur profite de ce cadre propice pour croquer des scènes ou des personnages qui à eux seuls valent le détour et distiller des paroles sages, parfois empruntes d’une philosophie du bon sens.
« Tout et là, Quentin, déjà donné, le Bien est là, autour de nous. Dieu ne dit pas ce que tu dois penser, encore moins ce que tu dois bouffer ou pas. Tu peux l’insulter, il entend pas. C’est pas quelqu’un. Il t’aime autant que le brin d’herbe, autant que les piafs, et c’est déjà énorme. Dis merci dans ta tête de temps en temps, tu auras fait quatre-vingt-dix-neuf pour cent du trajet vers lui. Laisse les religions s’entretuer pour le un pourcent qui reste, ces rentiers et leur titre de propriété ! On a besoin de foi, pas de religion. Dieu à jamais parlé aux curés, alors les curés n’ont rien à nous dire ! »
Si les 50 premières pages de Sur une majeure partie de la France ne m’ont pas entrainée dans l’univers de Franck Courtès, la suite de ce roman a fini par m’envoûter. L’alternance de personnage au fil des chapitres n’aide peut-être pas pour entrer véritablement dans l’histoire. Mais au fur et à mesure que le récit se déroule, les événements s’imbriquent et on voit se dessiner le parcours précis que voulait nous faire découvrir l’auteur. La plume est assurée et égale, ce qui rend la lecture agréable mais n’est sans doute pas favorable à une entrée en matière plus fracassante. Sur une majeure partie de la France est un très bon livre pour les amateurs de tranches de vie. À découvrir sans plus attendre.
À la lumière des (très) récents événements qui ont secoués Bruxelles (et Paris avant ça) et que l’auteur ne pouvait pas anticiper, un passage a particulièrement retenu mon attention.
« Le diable est au travail partout où les hommes faiblissent. Cette fois, il s’en prend aux musulmans. Il utilise les plus bêtes d’entre eux, les plus faibles, les moins éduqués pour les rendre haïssables. Ce n’est pas l’islam qui attaque l’Occident, c’est le diable qui attaque l’islam. »