Avec Today we live, la scénariste belge Emmanuelle Pirotte signe un premier roman touchant et marquant. Le Cherche Midi a parié dessus pour la rentrée littéraire 2015 et le livre a été depuis dans la liste de plusieurs prix littéraires.
L’histoire de Today we live se déroule dans les Ardennes belges, alors que les Allemands sont en train de perdre la Seconde Guerre Mondiale. Un soldat allemand d’élite est infiltré chez les Américains. Il se voit confier une petite fille juive et n’a d’autres choix que de la fusiller. Le doigt sur la gâchette, il se retrouve happé par le regard franc et intrépide de la petite Renée. Il se retourne alors contre l’autre soldat qui l’accompagne et l’abat, s’ensuit alors une fuite en avant de ces deux personnages sauvages et attachants. Ils se cachent dans une cabane en pleine forêt, qui semble être leur habitat naturel. Ils se retrouveront également dans la cave de paysans belges, témoins de la vie mouvementée et bouleversée de civils pendant la guerre.
Renée est juive, en fuite permanente, dure et ensorcelante. Mathias est allemand, ancien trappeur canadien et infiltré des forces spéciales nazis. Ces deux-là n’étaient pas faits pour se rencontrer et pourtant un lien fort et inexplicable se noue entre eux. Emmanuelle Pirotte nous embarque dans une Belgique que l’on connait peu, celle de la campagne et de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Où Allemands et Américains jouent au chat et à la souris dans le chaos le plus total et l’épuisement des civils.
Le roman est une adaptation d’un scénario co-écrit par l’auteur, et le déroulement narratif est effectivement très cinématographique. L’écriture de Today we live est efficace, bien qu’un peu naïve. Le recours au patois wallon est truculent et l’on est facilement attendri par les personnages des vieilles paysannes. Le tout se lit d’une traite et sous tension. On se laisse facilement envouter par la petite Renée et le beau Mathias. On se demande comment ces deux-là vont s’en sortir…
Un premier roman à découvrir !
Renée se demanda quelle tête avait le soldat qui allait la tuer, l’autre, celui qui restait en arrière,celui dont elle avait entrevu les yeux dans la jeep, celui à la voix très grave. Elle voulait le voir. Elle voulait qu’il la voie. Elle commença à pivoter sur elle-même, lentement, et ses yeux rencontrèrent les siens. Ils étaient clairs et froids. Et brusquement, ils furent traversés d’une lueur étrange, les pupilles se dilatèrent. L’Allemand tira. Renée sursauta. Elle ferma les yeux une seconde et, quand elle les ouvrit, l’autre soldat gisait dans la neige, avec une expression effarée. Renée mit un temps avant de comprendre qu’elle n’était pas touchée. Elle regarda l’homme abattu, puis de nouveau l’autre, qui semblait aussi surpris qu’elle. Il tenait toujours son arme à bout de bras, et restait rivé à Renée, toute maculée du sang de l’homme à terre.