Pour son premier roman, paru aux éditions Mosaïc le 28 octobre, Karma Brown n’a pas choisi le sujet le plus évident. Dans Des Millions de larmes et de rires, elle aborde le drame de la perte d’un enfant à naître avec toutes les conséquences que cela peut engendrer au sein d’un couple et d’une vie. Avec une habileté d’écriture qui force le respect, elle sait pourtant réinventer le sujet et éviter le pathétique pour nous traîner hors des sentiers battus.
Chaque jour, Tegan s’enfonce un peu plus dans la dépression dans laquelle l’a plongée la perte de son enfant à naître. Pour combattre ce deuil qui la ronge et qui menace de briser leur couple, son mari lui fait alors une proposition inattendue : partir pour réaliser trois de leurs vœux de couple. Un voyage insolite qui s’apparente à une quête de soi et qui va les mener, d’un continent à l’autre, bien plus loin qu’on ne pourrait l’imaginer.
Choisir comme point de départ le deuil d’un enfant à naître pour un premier roman est un sacré challenge. On doit pourtant admettre en refermant le livre que Karma Brown s’en sort avec brio. Jouant des allers-retours temporels, elle navigue, à travers le regard de Tegan, entre les souvenirs heureux du couple et ce présent sombre et désespérant. Entre des millions de larmes et de rires. Par ce biais, elle parvient à souligner toute la noirceur de la situation, sans pourtant sombrer dans un pathos émotionnel envahissant, qui pourrait être le piège d’un sujet si peu évident.
Ce choix d’écriture a aussi un effet inattendu : on se surprend à être frustré, dérouté, agacé parfois des réactions perpétuellement retenues, ou plutôt de l’absence de réaction de Tegan et de Gabe. Dans la tournure véritablement dramatique que prennent les événements, on attend l’explosion de la colère de Tegan. L’accident qui la prive de son enfant se produisant alors que Gabe est au volant, on s’attend à voir un couple qui explose en vol, rongé par la culpabilité et la colère. Or il n’en est rien. Si les sentiments de Tegan sont exprimés, jamais ils ne déferlent comme on pourrait le redouter. Comme on l’attendrait presque. Comme on le voudrait presque tant est profonde la dépression dans laquelle elle se noie.
Et c’est là toute l’habileté de Karma Brown dans Des millions de larmes et de rires. Par ce tour de main, elle parvient presque à susciter chez le lecteur cette rage qu’on voudrait voir sortir chez Tegan. On se met à porter les émotions de cette héroïne qui parait renoncer tandis que, subtilement, l’auteure nous mène vers un dénouement complètement inattendu. Que rien n’aurait laissé présager. Bluffant !
« Sur l’enveloppe, j’ai écrit une citation trouvée sur une carte que Rosa m’a remise après la cérémonie funéraire.
La mort laisse un chagrin que nul ne peut guérir : L’amour, un souvenir que nul ne peut ravir. »
Elle m’a dit que ça venait d’une pierre tombale irlandaise et, pour moi, cela résume tout. »
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