Avec Quatre cœurs imparfaits, Véronique Ovaldé nous propose un drôle de petit livre sous forme de conte. Illustré par Véronique Dorey, il est paru en octobre aux éditions Thierry Magnier.
L’objet est charmant. Petit format, couverture sobre et inquiétante, qui donne le ton pour la suite. Tout comme la phrase de présentation :
« Rosa Luisa avait eu trois sœurs.
La plus jeune était folle, la deuxième était pute, la troisième était morte.
J’étais la fille de la troisième et j’habitais avec Rosa Luisa, l’aînée des sœurs. »
L’histoire est courte, mais glaçante. Quatre cœurs imparfaits raconte le destin de quatre sœurs et de la fille de l’une d’entre elles. Aux côtés de Mamina, l’intendante de la maison, qui l’élève depuis la mort de sa mère, la petite fille vit dans l’ombre de cette dernière et de ses tantes, dont le destin est devenu légendaire. Dans cette maison isolée, elle se construit malgré la fatalité qui plane au-dessus d’elle. Sera-t-elle folle ? Pute ? Morte ? La jeune fille restera-t-elle cloîtrée dans ce terrible héritage familial, ou finira-t-elle par prendre son destin en main ?
Une version précédente de ce texte avait été publiée dans Télérama en 2006… Excellente idée que de lui redonner une seconde vie dans ce très joli livre, admirablement illustré. Quatre cœurs imparfaits se lit d’une traite. On est happé par l’objet plus que par l’histoire, qui reste plutôt en surface des sujets qu’elle aborde. Véronique Ovaldé emploie la forme du contre en y insufflant un ton triste, mécanique et mystérieux. Ces femmes nous font peur et on a pitié de la pauvre jeune fille, élevée dans cette atmosphère terrible. Les illustrations de Véronique Dorey sont parfaites : on a parfois l’impression qu’Ovaldé s’en est inspirée pour écrire, et non le contraire.
On aurait aimé un peu plus de longueur, davantage de densité. Le sujet est fort, le livre est réussi, mais c’est trop court. On reste sur notre faim concernant les histoires de ces sœurs. Fascinantes, deséspérantes, terrifiantes, elle traversent ce livre comme des fantômes, des images insaisissables. Un bon point cependant pour cette alliance efficace du texte et du dessin, qui permet de donner naissance à tout un univers et de nous le faire ressentir avec cette petite dose d’effroi pas désagréable.