SmallThings était à la rencontre de David Foenkinos avec ses lecteurs dimanche au Salon du Livre de Paris. 1h d’échange, d’anecdotes et d’analyse de son dernier roman La tête de l’emploi.
La genèse du roman
David Foenkinos, entouré de deux éditrices des éditions J’ai Lu, nous donne quelques précisions sur l’origine de son dernier roman. Le héros de La tête de l’emploi, Bernard, a été le personnage principal de l’une de ses nouvelles. David Foenkinos ne l’avait jamais oublié et a eu à cœur de développer son histoire en un roman entier.
L’éditrice de David Foenkinos rappelle que son auteur a été très influencé par Belle du Seigneur d’Albert Cohen. Il a appris de ce roman d’amour qu’humour et littérature ne sont pas incompatibles. David Foenkinos pense tenir d’Albert Cohen ce « goût excité du roman », dit-il, cette forme de folie.
David Foenkinos et son éditrice s’attardent sur ce prénom de Bernard, faisant rire toute la salle. « Ce roman a été le plus facile à écrire parce que le personnage s’appelle Bernard : on se doutait que pour lui, ça allait mal se passer ». Eclats de rire. « J’espère qu’il n’y a pas trop de Bernard dans la salle ! ». D’après Foenkinos, les personnages agissent comme le leur dictent leurs prénoms. Ainsi, sa Nathalie de La Délicatesse, avait un rapport à la nostalgie inhérent à son prénom. « Bernard n’est pas un prénom de gagnant ».
Plus sérieusement, Foenkinos avoue avoir un rapport ambivalent avec son personnage. « La difficulté, c’est le curseur », dit-il. Les difficultés de Bernard permettent de mettre en valeur sa poésie, sa sensibilité, ses qualités. Au départ, l’auteur se place dans la caricature, puis le personnage s’affine au fur et à mesure. Il aime à donner au lecteur plusieurs degrés d’interprétation possibles. David Foenkinos a cherché à écrire une comédie légère sur le thème de la crise. Le lecteur peut se construire sa propre opinion sur les profondeurs cachées de cette comédie.
Un roman générationnel sur la crise
La tête de l’emploi est un roman sur la crise qui, pour nous tous, implique un enchaînement de complications diverses, une multitude de choses qui peuvent mener à l’effondrement. C’est ce qui arrive à Bernard. Cette crise entraîne aussi un manque d’attention à l’autre, ce qui fait que l’on se retrouve seul.
Il y a un côté comique dans cet homme qui retourne vivre chez ses parents et se fait gronder parce qu’il ne s’est pas lavé les dents après dîner… Le tragi-comique, comme nous l’avions dit dans notre critique de La tête de l’emploi, est parfaitement maîtrisé. David Foenkinos revendique ce côté plus léger, même si le sujet du roman est lourd. Il choisit de raconter toutes les péripéties cocasses de Bernard. Ce qui, d’après nous, met diablement en valeur le drame sous-jacent de l’histoire.
Bernard est issu d’un Raymond et d’une Martine. Après l’histoire de leur rencontre, l’auteur écrit « Ensuite, la vie passa ». L’éditrice de Foenkinos tient à s’arrêter sur cette phrase, qui n’a l’air de rien tant elle est courte, mais qui résume tout de même 50 années. « Oui, c’est une sorte de tweet », plaisante Foenkinos, avant de préciser que Bernard porte une sorte de fragilité anthologique, puisqu’il a été conçu comme une expérimentation.
« La vie passa » : cette phrase est possible attribuée à Bernard, car c’est une question de génération. Il a été élevé dans cette certitude générationnelle où le confort était réel. La sécurité de l’emploi existait, les couples se séparaient moins… A cinquante ans, il se retrouve propulsé dans l’époque actuelle, où la donne est bien différente. David Foenkinos ajoute que oui, la société actuelle est brutale. Elle écarte les gens, et on n’a plus aucun moyen de se défendre. Bernard va devoir chercher lui-même les armes pour se battre. Il découvrira d’ailleurs ses propres ressources pour la première fois.
David Foenkinos tient à s’arrêter sur l’expression « refaire sa vie », souvent employée. Cette expression du langage commun signifie quelque chose de terrible. « On ne peut pas refaire les choses, on peut seulement les continuer avec l’expérience de notre ratage. »
Le prochain roman de David Foenkinos
Foenkinos nous annonce la sortie de son prochain roman en septembre chez Gallimard. Charlotte racontera l’histoire de l’artiste Charlotte Salomon et l’importance qu’elle a eue pour lui. Il se confie sur le rapport de liberté qu’il entretient avec la création : le fait de pouvoir écrire ce qu’il veut, et quand il le veut, sans s’obliger à quoique ce soit. Il se sent libre de passer de romans plus légers à des livres qui parlent de destins abîmés, comme celui de Charlotte. Finalement, la création est une chose absolument mystérieuse. On ne sait pas pourquoi on est capable d’en écrire un. C’est un « aller-retour permanent entre la facilité et la fragilité ».
Il termine par une anecdote inédite. Il nous raconte qu’avant d’aller porter son premier contrat signé aux éditions Gallimard, il a cherché un endroit symbolique où signer ce contrat, afin de s’en souvenir toute sa vie. Il a rencontré Bernard Henri-Lévy en chemin, et c’est devant ce témoin qu’il a tracé la signature sur le papier.
Merci Silvana de m’avoir invitée 😉
La fiche du livre sur le site des éditions J’ai Lu