Doctor Who – The Star Beast (Disney+): Le début et la fin (SPOILERS)
Plus de Jodie Whittaker, pas encore de Ncuti Gatwa : David Tennant est de retour pour trois épisodes spéciaux, aux côtés de sa complice Catherine Tate, sous la houlette d’un autre revenant, Russell T Davies. Il y avait tout pour partir en vrille, mais comme souvent, Doctor Who a encore touché dans le mille.
ATTENTION SPOILERS : Même si nous tâcherons de révéler le moins d’éléments possibles, il est préférable de voir l’épisode avant de lire cet article.David Tennant.Catherine Tate
. Sous la plume de Russell T Davies. Devant la caméra de Rachel Talalay. Sur une musique de Murray Gold. Nous ne sommes pas en 2010, mais bien en 2023, et il souffle un air de déjà-vu sur Doctor Who. Mais déjà-vu ne veut pas dire « même chose », pour cette série qui a toujours su jouer avec le temps et l’espace – ou peut-être devrions-nous dire les temps et les espaces. Avec les visages, également, source de l’éternelle jeunesse d’une série qui ne fait clairement pas ses soixante ans.
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C’est l’histoire d’une histoire inachevée. Fraîchement régénéré mais avec un vieux visage (eh oui, David Tennant a désormais 52 ans, même s’il ne les fait pas !), le Docteur est ramené à Londres et tombe nez à nez avec… Donna Noble. Oui, la Donna Noble qui a été brièvement la Doctor Donna, mi-humaine, mi-Seigneur du Temps, qui a sauvé le monde. La Donna Noble qui ne se souvient pas, qui ne doit pas se souvenir du Docteur, sous peine de mourir consumée par l’énergie gallifreyenne. Donna, désormais mariée, maman d’une adolescente trans nommée Rose, qu’elle défend comme la prunelle de ses yeux, et qui vit toujours avec sa mère, laquelle joue à plein le rôle de garde-fou que le Docteur lui a confié : éviter que Donna ne se remémore quoique ce soit de sa vie interstellaire. Commence alors pour le Docteur une partie de cache-cache à ciel ouvert, tout en essayant de résoudre l’arrivée sur Terre d’un gremlins de l’espace, nommé le Meep, avec d’adorables petits yeux qui feront fureur dans le commerce… ou pas – spoilers !
Cette histoire de Meep n’importe finalement que peu. On nous a déjà annoncé Neil Patrick Harris en grand méchant de ces trois épisodes spéciaux et on comprend que le petit extraterrestre à fourrure blanche n’est qu’un prétexte. Non, l’important, c’est tout ce qu’il y a autour : autour du personnage du Docteur, qui récupère un visage qu’il a déjà eu, autour du duo Docteur/Donna, et autour d’une série à la croisée des chemins et des époques. Donna le dit dès le préambule de cet épisode : il lui manque quelque chose. Comme si on lui avait volé une partie de sa vie. Malgré son fort caractère toujours bien affirmé, malgré l’amour qu’elle porte à sa fille moquée parce que trans, elle est de nouveau sans emploi, elle est de nouveau sans le sou depuis qu’elle a donné sa fortune à des œuvres caritatives, et elle manque surtout de sens. Comme si le pont se faisait avec sa première apparition dans The Runaway Bride et son retour dans Partners in Crime. Et à travers elle, Russell T Davies de nous dire : l’histoire de la flamboyante rousse n’est pas terminée. Celle de son ami « l’homme de l’espace » doit aussi s’achever : le showrunner a d’ores et déjà annoncé qu’après ces épisodes spéciaux et l’arrivée de Ncuti Gatwa dans le rôle, nous repartirions sur une saison 1, un « new new Who » avec un Quinzième Docteur dans lequel novices et initiés se retrouveront main dans la main.
Pour mettre un point final à cette époque de Doctor Who, Russell T Davies a choisi de ramener le duo le plus iconique de son premier mandat, peut-être le plus populaire, aussi, depuis qu’il a ressuscité la série en 2005. Ce faisant, il relance le destin de Donna, effaçant ce qui était un adieu aussi magnifique que déchirant. Inutile de dire que Tennant et Tate sont brillants, et ont retrouvé leur rôle sans aucun problème : c’est comme s’ils ne les avaient jamais quitté. Non, la crainte dans tout cela, c’était de tomber dans le fanservice pompier, sans âme ni fond. Du fanservice il y en a, mais la communication a toujours été claire : David Tennant n’est pas le Dixième Docteur. Enfin si il l’a été. Mais aujourd’hui, il est le Quatorzième Docteur, entre Jodie Whittaker et Ncuti Gatwa. Il est une incarnation à part entière. Et puis près de quinze ans sont passés. Ce n’est pas tout à fait le même personnage, ce qui se voit à son costume notamment. Ce n’est pas tout à fait la même Donna non plus : elle s’est enfin mariée, et elle a eu un véritable enfant, contrairement à ce qui lui arrivait dans The Runaway Bride et dans Turn Left. Les réminiscences sont là, ne serait-ce que dans le choix de sa fille de s’appeler Rose, comme Rose Tyler. L’humour, aussi, cet humour british qui joue sur les décalages, marque de fabrique du trio Davies/Tennant/Tate, bourré d’autodérision, un humour réconfortant qui n’a pas de genre.
Mais rien n’est tout à fait pareil. Durant ces quinze ans, Russell T Davies a été occupé, notamment avec Years and Years, où il dépeignait un monde gangrené par la montée de l’extrême droite puis plongé dans le chaos. Les problématiques sociales et sociétales ont changé : à l’époque, c’était la crise de 2008. Aujourd’hui, c’est la transphobie. Les protagonistes de ces épisodes spéciaux de Doctor Who ont vieilli, le monde avec, et même si on peut s’appuyer sur quelques bases (comme la Proclamation de l’Ombre), rien ne sert de vouloir de nouveau sauver le monde avec les mêmes méthodes. C’est pourquoi Donna se donne corps et âme pour le bonheur de sa fille. C’est pourquoi elle n’est plus surprise par le surgissement de l’extraordinaire dans sa vie : elle lui fait même la nique à la fin de l’épisode, sorte de réponse au « ta gueule c’est magique » (ou plutôt « ta gueule c’est de la science-fiction ») par « ta gueule c’est humain ». Reste maintenant à savoir la finalité interne et purement science-fictionnelle, la poupée russe dans la poupée russe : à travers ses retrouvailles avec Donna, qu’est-ce qui se joue pour le Docteur ?
C’est pour ces multiples niveaux de lecture, pour le tableau de ces acteurs et de leurs personnages en mouvement, aux prises avec le destin et leur destin en même temps, que cet épisode est une véritable réussite. Un peu à la manière de Matrix Resurrections (le doigt d’honneur métaphorique à l’industrie du cinéma en moins), Doctor Who choisit de jouer avec les codes, avec ses codes. Elle envoie un message aussi : elle seule est la maîtresse de l’espace et du temps, et de ce qui arrive à ses personnages. Si elle choisit de ramener Russell T Davies, David Tennant et Catherine Tate, ce n’est pas pour revenir en arrière, c’est au contraire pour mieux aller de l’avant. Qui de mieux qu’un trio aussi fort, aussi uni, aussi symbolique de la réussite de la série, un trio qui l’a ramenée au firmament, pour faire la jointure entre les époques et les valeurs ? Ce n’est pas le tout d’avoir casté la première femme (Jodie Whittaker) puis le premier acteur noir (Ncuti Gatwa) dans le rôle du Docteur, mais aussi la première actrice transgenre (Yasmin Finney), une actrice handicapée (Ruth Madeley) ou encore, bientôt, une drag queen (Jinkx Monsoon). Il n’est pas question d’une simple représentation symbolique de communautés : il est question d’évolution au travers des époques, mais surtout, d’inclusion. Au moment de prendre le prochain tournant, personne ne doit être laissé sur le bord du chemin. C’est la plus grande force de Doctor Who. Et ça fait du bien. Et c’est pour ça que ça fait soixante ans que ça dure.
La suite de Doctor Who dans Aux Confins de l’Univers et Le Fabricant de Jouets.
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