Dans la jungle est le nouveau roman d’Agnès Vannouvong, paru comme les précédents au Mercure de France. Tandis qu’Après l’amour et Gabrielle se penchaient sur la quête amoureuse homosexuelle féminine, Dans la jungle tranche et nous entraîne sur les pas de May, elle-même sur les pas de son meilleur ami disparu en Thaïlande.
Dans la jungle commence fort. On fait la connaissance de May en plein cœur de la jungle thaïlandaise. Accompagnée de son guide, elle a entamé un périple afin de mieux comprendre ce qui est arrivé à Stéphane, son meilleur ami, apparemment mort d’un accident de la route dans le pays. La jungle est agressive et la météo n’est pas clémente. A plusieurs reprises, on perd May de vue, tant elle est dépassée par cet environnement et par les éléments. On la croit perdue, tout comme son guide, et en fait non, ils vont bien, ils reprennent leur route…
Ce périple est un voyage initiatique à plusieurs quêtes : découvrir ce qui est arrivé à son ami, mais aussi en apprendre davantage sur le pays qui la vue naître et où ses parents se sont aimés. Car May est métisse, de mère thaïlandaise et de père européen. Tous les deux se sont fréquentés alors que le père était déjà marié. Le bébé devait être le fruit d’un arrangement afin de contenter tout le monde, mais les choses se sont passées autrement…
Agnès Vannouvong aborde les différentes étapes du voyage de May avec beaucoup de pudeur et de poésie. Cette dernière, conduite au bout du monde par l’irrépressible besoin de partir, ne sait pas bien ce qu’elle veut, désormais, pour elle-même. Mais elle semble parvenir à se trouver, petit à petit, au sein de ce peuple qui aurait pu la voir grandir. Alors que May a souvent souffert de l’ennui et du poids du quotidien, aux côtés d’un mari qu’elle n’aimait plus depuis longtemps, à cinquante ans, elle redécouvre le plaisir charnel et compose avec le regard des autres. Pourquoi est-elle seule ? Pourquoi n’est-elle pas en couple ? May reconnecte avec son corps et son âme, après des années de passivité.
May nous prend par la main et on découvre avec elle ces contrées lointaines. On fait irruption dans ces paysages de carte postale. Au fil de ces pérégrinations à la fois contemplatives et introspectives, la question récurrente ressurgit de temps en temps. Mais qu’est-il arrivé à Stéphane ? Car May a le pressentiment que toute la vérité n’a pas été faite sur cette mort accidentelle. Certains passages de Dans la jungle nous donne à en apprendre plus sur cet homme qui n’était pas tout à fait tel qu’il paraissait. Cet homme qui, à l’autre bout du monde, s’est laissé aller à de nouvelles expériences… pour le meilleur et pour le pire.
Loin du ton parfois corrosif et cru d’Après l’amour et de Gabrielle, Agnès Vannouvong surprend avec ce petit bijou surgit de nulle part, qui nous touche personnellement. Ce récit plein de poésie et de mystère qui met en scène un personnage aux contours finalement toujours un peu flous, semble nous concerner et l’on se laisse porter à faire, nous aussi, par procuration, un petit voyage intérieur.