Paranormal Activity 5, Ghost Dimension : que reste-t-il du found footage ?
Il y a quelques années maintenant sortait Paranormal Activity. Réalisé par Oren Peli, le film était une véritable bombe horrifique et avait le mérite relatif de relancer la mode du found footage. Alors qu’Oren Peli a l’air de s’acharner à prouver que son chef d’oeuvre n’était qu’un coup de chance (coucou Chroniques de Tchernobyl !), et que la licence a sombré dans les suites sans intérêt, et ce malgré deux bons spin-offs, la saga s’achève enfin avec un cinquième opus, qui promet de répondre aux questions. C’est l’heure du bilan.
ATTENTION : faisant office de bilan de la série entière plus que d’une unique critique du dernier film, cet article contiendra des spoilers évidents non seulement sur les autres films de la saga, mais aussi sur celui-ci. Il est donc vivement conseillé pour vous d’être à jour avant de lire cet article. Merci !Paranormal Activity
aurait pu, à l’instar de REC (malgré un dernier opus presque réussi), n’être que la saga d’un seul film. Les suites se sont donné le mot pour épuiser le concept, avec un second film sans aucun intérêt, et deux autres suites sans grand attrait non plus, malgré une bonne idée mal exploitée par film (la caméra tournante pour le 3 et la vision entre le termique et l’infrarouge de la console pour le 4). Les spin off, eux, ont su faire vivre la saga, entre le lien inspiré de The Marked Ones avec la fin du premier film (c’est là que l’on comprenait que tout était lié avec la sorcellerie et l’occulte, d’où un cadre d’origines pour notre démon) et les idées terrifiantes de Tokyo Night (dont Insidious 3 s’est d’ailleurs inspiré cette année). On était en droit de douter de la viabilité de ce Paranormal Activity, les créateurs épuisés lâchant leur dernière carte : une nouvelle caméra permettant de voir les esprits, dernier concept qui aurait aussi pu être le dernier rempart brisé vers l’annihilation de la peur de l’inconnu, de l’invisible, essentielle à la série depuis son commencement.
Pourtant, et ce contre toute attente, le film de Gregory Plotkin clôt plus que correctement la saga. Ne gâchant pour une fois pas son idée de concept, le film sait utiliser celui-ci avec une certaine originalité, les spectres (ou plutôt le spectre) ont un look assez inédit, et même plutôt effrayant dans l’hypothèse où le spectateur est souvent le seul à les voir. Au vu de certaines scènes, le spectateur habitué des salles pourra même y voir une affinité, étrange puisque les films ont été tournés simultanément, avec le dernier film de Guillermo Del Toro, à savoir Crimson Peak : l’apparence des fantômes est ici aussi toute en volutes étranges de matière liquide, entourant comme un voile la silhouette imprécise du démon. Bien sûr, on peut objecter à ces idées qu’elles ne sont pas de la première cohérence avec les traces de pas apparues dans la farine du premier film, mais il est toujours possible en étant indulgent d’estimer que l’esprit, comme on peut le voir par ailleurs dans cet opus, a la capacité de changer de forme.
Au niveau scénaristique (il est difficile, en parlant d’une oeuvre aussi calibrée, de raisonner autrement qu’en phases classiques visuel/scénario et autres…), loin de se contenter du schéma lambda « arrivée dans la maison-phénomènes étranges-mort des protagonistes-cliffanger », fer de lance de la série, ce dernier opus répond de manière assez crédible et cohérente aux questions que l’on pouvait se poser, sans pour autant être trop procédural ou prévisible dans sa démarche. Le tout du film est très cohérent d’un point de vue scénaristique, et ce malgré des dialogues qui, toujours aussi plats et sans intérêts, relèvent pourtant d’une certaine exigence de réalisme : pas de scènes sorties de nulle part comme l’attaque de possédés incompréhensible à la fin du 4, ici Ghost Dimension permet au spectateur de se rendre avec confiance et compréhension du point A au point Z, de sorte que le film puisse très bien être vu indépendamment des autres. Pour résumer très grossièrement, le fantôme, Toby, auxquelles Katie et Kristi avaient été confrontées enfant, est bien responsable de la mort de Kristi et des autres protagonistes entraperçus, et commettait tous ces actes dans le but, enfin, d’accéder à une forme humaine (ou en tout cas corporelle) en fin de série. Vous avez bien lu, Paranormal Activity, après des années de disette et de cliffangers ultra-convenus, s’autorise ENFIN une vraie fin, et celle-ci est méchante, pessimiste et met le spectateur plus mal à l’aise qu’il ne l’a jamais été devant n’importe quel opus de la saga. Preuve de la surprise et de la réussite du film, le silence pesant se fait sentir dans la salle à l’issue de la projection, le spectateur a du mal à croire ce final des plus acerbes, et des plus osés pour un produit à ce point commercial.
On ne tarit pas d’éloges sur le film, mais Paranormal Activity 5 : Ghost Dimension n’est pourtant pas sans défaut. Si l’utilisation d‘acteurs amateurs pour jouer dans ce succès financier en s’assurant une économie de moyens n’a jamais été aussi discutable (ce n’est pas l’exigence de leur jeu, qui semble absente quel que soit le personnage, qui les fera connaitre les acteurs), on relève surtout que le film, usant et abusant de la 3D, en fait parfois beaucoup trop pour interpeller le spectateur, et ce surtout en fin de film (la main démoniaque et numérique qui essaie d’attraper la caméra…pitié !). L’économie de moyens est, on le sait, le fer de lance de la saga initiée par Oren Peli, mais cela devient beaucoup plus gênant dès que les esprits sortent de l’ombre, pour nous offrir un nouveau genre de Poltergeist, le style en moins. La bande son, on ne peut pas le reprocher au film puisqu’il est un found-footage, est bien sûre inexistante, mais le fameux bourdonnement révélant la présence d’esprits depuis le début est ici omniprésent, ce qui rend vite l’aspect sonore des nombreuses scènes de flippe un peu agaçants.
Que reste-il de Paranormal Activity ? Quatre bons films et trois médiocres. Pour le meilleur et pour le pire, le filon a été exploité jusqu’à la corde, et Blumhouse essaie maintenant tant bien que mal de se relever avec les suites réussies d’Insidious, la suite réussie de Sinister, mais aussi celles de Ouija, voir d’Unfriended si on en croit les bruits de couloir. L’innovation, quand à elle, reste souvent au rendez vous chez Jason Blum, qui semble pour l’instant ne pas se reposer sur ces lauriers. Que reste-il du found-footage ? Il est partout aujourd’hui, dans beaucoup de films se réclamant du genre horrifique, et amène parfois de bonnes choses quand les films savent aller plus loin que leur concept de peur subjective. Le filon financer, quand à lui, restera tant que le genre marchera, ou permettra en tout cas aux producteurs de rentrer dans leurs frais. Aux spectateurs d’agir avec la lucidité qu’on leur connaît, et d’y trouver, ou non, leur compte.
AMD