Nip/Tuck : Check-up complet de la saison 6
La saison 6 de Nip/Tuck est presque une résurrection douce mais la série s’affranchit d’un second degré pesant et d’intrigues qui ne mènent à rien.
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On est en droit de douter sur la teneur de cette saison quand on voit qu’elle sera constituée de 19 épisodes soit le plus gros ratio produit. Il y a une raison à cela. Si la saison 5 a été coupée en deux à cause de la grève des scénaristes et a, finalement, offert quasiment deux saisons à part entière, la saison 6 récupère les 9 épisodes de la « saison 7 » déjà en boite.
La série devait se terminer en 2011 mais F/X, sûrement devant les mauvaises audiences, a préféré diffusé les 9 derniers épisodes à la suite des 10 autres.
La première chose qui choque est le recast assez violent du personnage du Dr. Theodora « Teddy » Rowe, la love interest de Sean. Jouée par Katee Sackhoff en saison 6, Teddy se voit désormais incarnée par Rose McGowan, échappée de Charmed. L’actrice de Battlestar Galactica ne pouvait plus se libérer pour tourner les épisodes puisqu’elle devait s’engager pour la nouvelle série de Dick Wolf de l’époque, Lost and Found, série évidemment annulée après son pilote.
Deux saisons en une, deux fois moins d’idées
Nip/Tuck saison 6, ça donne une série revenant aux fondamentaux mais telle une personne défigurée par la chirurgie, la série revient marquée par les épreuves. Ce n’est plus la même série mais on la reconnait quand même.
Alors pour réussir à combler les 19 épisodes, la série va piocher dans ce qu’elle a déjà fait : remonter les cadavres et les transformer en pantins. On revient donc à cette histoire de faillite du cabinet dans les premiers épisodes, Christian fricote encore avec Kimber. Et Matt ? On y reviendra.
Nip/Tuck n’a jamais été forte dans la cohérence de la psychologie de ses personnages. Ils n’apprennent jamais de leurs erreurs. Ils sont conscients du passé mais n’apprennent rien. On a donc des personnages qui évoluent finalement peu. Et on en parlera à la fin, mais les hommes sont moins bien logés que les femmes.
Christian, diagnostiqué d’un cancer, s’était rapproché de Liz, seule femme assez stable pour lui mener une vie facile jusqu’à sa mort. Patatra, Christian apprend qu’il va mieux. Le cancer lui avait donné une fragilité bienvenue. Celui qui se croyait invincible et sans défauts, ni faiblesses, était au pied du mur. Redevenu le « mâle » en puissance, Christian se rapproche de nouveau de Kimber et la série redevient graveleuse. Rapidement, les scénaristes se rendent compte que Christian peut être autre chose qu’un macho et devient simplement un salopard. Il deviendra d’une toxicité exemplaire pour Kimber qui ne se libérera de son emprise que par le suicide.
Pour Sean, on vide le tiroir à idées. L’arc Teddy se termine sur un quasi coup du sort avec l’attrapeur attrapé. C’est encore malsain et glauque mais ça sied à la série. Les fils rouges de ce type ont été les plaisirs un peu coupables de la série. Et le prochain arc remet en selle Julia, revenue après quasiment une saison d’absence. Elle s’accompagne de sa mère qui veut garder les enfants de Sean et Julia. Elle retrouve une seconde jeunesse en la personne du cliché italien Renaldo. En revoyant Erica, la mère de Julia (Vanessa Redgrave, vraie mère de Joely Richardson qui joue Julia), on se rappelle de sa fausse mort quand sa fille la croyait brulée et au bout de sa vie. Nip / Tuck étant, les conséquences de cet acte seront invisibles. Ce Renaldo ne fera pas bonne figure longtemps. Ce qu’on redoute arrive et la série qui n’avait jamais encore traité ce thème fait dans la non-subtilité mais on ne lui en veut presque pas. Pour Sean, cette saison est celle où il subit plus qu’il n’agit. De chantage en désillusion, il se retrouvera à tenter de surnager.
La série tente de parler de sujets de société tout en y apportant une touche Nip/Tuck. Dans le double épisode Alexis Stone, on parle d’identité et de genre avec ce personnage qui veut redevenir un homme et qui affole la sexualité de Christian. Et comme on le sait depuis longtemps, le docteur Troy est assez violent verbalement quand il s’agit d’homosexuels, de transsexuels ou autres personnes qui est loin de son image d’hétéro alpha. On retrouve une série qui se moque de la morale et qui arrive à garder un sérieux appréciable, loin de la fantasque saison 4.
L’épisode Lola Wlodkowski nous prouve que la nudité féminine n’a pas sa place dans la série. Des derrières de messieurs ont été exposés à foison et des poitrines féminines ne l’ont été que de façon détournées. Soit avec sparadrap et en pleine opération, soit sans téton comme dans cet épisode, soit sur des hommes par deux fois (Matt et le personnage joué par J.K. Simmons). Jamais un personnage féminin (pas même Kimber, la plus frivole) ne se montrera nue. Dans cet épisode, des patients veulent être Barbie et Ken, les plus asexués et les plus stéréotypés représentants de l’homme et de la femme. Cet épisode est une sorte d’acte final de la démonstration des propres limites de la série.
On est presque à la moitié de la saison (ou plutôt à la fin de la saison 6) et on se plait à se dire que cette sixième année est plutôt correcte, lissant les défauts et prenant le pari de redevenir une série de mœurs. Cependant, l’épisode 9 prouve que la série n’a plus de cartouches. Après le bec-de-lièvre de Sean, voici une autre chose de son passé qui surgit de nulle part : un frère. L’épisode est d’une bêtise lourde, surtout quand on ajoute à ça, une sombre histoire d’inceste qui fait revivre à Christian un passé refoulé et oublié. C’était bien trouvé pour cette intrigue mais c’est venu trop tard dans la série et, couplée à l’histoire du frère, donne un épisode bancal.
La frustrée et frustrante Kimber se retrouve au cœur d’une grossesse non désirée qui plonge Christian dans ses démons d’alpha mâle. En plus de ça, Matt revient sur le devant de la scène. Alors que ses pères étaient contents de l’envoyer au trou, les voici presque à ses pieds pour le sortir… On sait que Matt est un personnage défouloir et on accepte que la connerie qui l’entoure soit « excusable ». La fin de l’épisode nous remet une couche sur le douche-bagisme de Matt qui, comme Sean et Christian, n’apprend rien.
Il n’y a donc guère que Kimber qui procure une certaine empathie. Elle est comme Matt mais avec une douceur et une attention autres. Son départ est presque une libération pour celle qui n’a pas eu une vie facile.
La saison 7 commence à l’épisode 11 et redevient une série noire. On parle de déportation, de vieux démons, de suicide. Nip/Tuck semble régler les derniers dossiers en cours. Au courant de sa propre déviance, la série se conclut presque sagement avec un choix justifié : la séparation de Sean et de Christian.
Les hommes de la série finissent mal alors que les personnages féminins semblent trouver une porte de sortie (qu’elle soit sordide comme pour Kimber ou salvatrice comme Julia).
Parlons de Matt..
Même en réfléchissant et en pariant, on ne pourrait pas trouver la nouvelle obsession de Matt en ce début de saison 6 : le mime.
D’un ridicule…
On le sait, cette passion va le mener à la catastrophe. Alors qu’il fait du mime sur le trottoir, il se fait voler sa stéréo… il va alors braquer des magasins en « mimant » une arme. Du génie. Ni une, ni deux, il sera responsable d’une fusillade, de la mort d’un homme, sera blessé. Ses deux pères en on tassez et l’envoie en prison non sans avoir eu une petite rencontre avec Kimber, toujours dans les bons coups, elle aussi. En prison, il devient le jouet sexuel de son collègue de cellule. Il demande alors à Christian… de lui mettre des implants mammaires ! Il tue son collègue après avoir essayé de le droguer, il finit au tribunal, il fait des faux témoignages, il sort.
Fiou.
Il rencontre Ramona, une fille qui semble trop bien pour lui. Evidemment, tout va bien mais Ava Moore (Famke Janssen) revient ! La relation tortueuse reprend. Et pas de happy end pour Matt puisqu’il finit avec Ava sans une once d’amour de sa part pour lui.
Dernier épisode
Le dernier épisode est finalement assez sobre. On offre au duo une séparation intelligente qui remet au centre leur relation et nous offre des hommes conscients de ce qu’ils sont et ont toujours été. En mettant comme ultime patient, un acteur porno vieillissant qui meurt en plein plaisir, la série adresse un message clair. On ne peut pas durer éternellement et si on doit partir, ce sera avec joie.
Check-Up
L’ultime chapitre de la série semble se livrer à la facilité (l’épisode de la rêverie de Christian est un exemple parfait) mais après 6 ans, Nip/Tuck n’avait plus rien à prouver si ce n’est de se trouver une ultime tonalité. Les péripéties étant ce qu’elles sont, on ne pouvait plus accuser Nip/Tuck de quoique ce soit. Elle était une série qui ne se mettait aucune barrière pour dresser le portrait de personnages coincés dans des rôles qui ne leur suffisaient pas. Tantôt pionnière dans l’approche de certains sujets, tantôt borderline, Nip/Tuck a surtout bousculé le genre en osant presque tout. Le sujet de la chirurgie était original, les personnages n’étaient pas tout blanc, le ton était ciselé. Si elle n’a jamais vraiment réussi à maintenir son audace dans une qualité appréciable, la série n’a pas vieilli, elle reste même encore pertinente à de nombreux égards. Mieux, elle reste encore une série audacieuse. En demandant systématiquement Qu’est-ce que vous n’aimez pas chez vous ? à ces patients, McNamara et Troy nous demandaient surtout qu’est ce qu’on aimerait faire d’audacieux. La série a osé, a loupé le coche parfois, a touché au bout souvent et n’a jamais renoncé à chercher des idées dans le thriller, le soap ou le mélo. Si les personnages ont été sacrifié sur l’autel de la cohérence psychologique, on ne peut pas oublier ce défouloir scénaristique réjouissant. Et puis Matt McNamara restera l’un des plus gros losers de la télévision.