The Bear, saison 4 (Disney+) : indigeste
Avec sa quatrième saison, The Bear continue de déchaîner les passions auprès de la critique et d’accumuler les récompenses prestigieuses. Pourtant, derrière cet unanimisme lors des cérémonies, la série semble avoir perdu en route ce qui faisait son sel lors des deux premières saisons : la spontanéité et l’intensité qui avaient marqué la saison 1.
Si The Bear domine les récompenses au rayon impensable de la comédie, deux problèmes apparaissent : pourquoi Diable la met-on en comédie, et pourquoi Diable la série se perd dans des dramas sans saveur ?
Le fil conducteur paraît désormais s’être effiloché, à mesure que les épisodes s’enlisent dans des dialogues surécrits, presque pompeux, qui peinent à masquer un certain vide narratif. Plus bavards qu’inspirés, les échanges entre les personnages ressemblent parfois à des improvisations anecdotiques, où l’on tente – en vain – de recréer la tension et la finesse d’écriture originelles.
Fan-service de table
Ce qui contribue le plus à la déception, c’est l’absence flagrante de… cuisine ! Alors que la série puisait jadis sa force dans les coulisses haletantes d’une brigade, la saison 4 délaisse entièrement les fourneaux au profit des tourments existentiels de ses personnages. La frénésie des dressages, les ordres lancés en cuisine, le rythme effréné d’un service sont remplacés par des scènes introspectives. Le bruit caractéristique des couteaux claquant sur les planches à découper, le ballet des casseroles, la tension électrique de l’ouverture des portes, du service en retard manquent cruellement. Les états d’âme des cuisiniers n’ont plus guère d’impact sur leur art, désormais relégué au second plan, presque invisible. Même les fragments de vie captés en cuisine disparaissent au profit de longues tirades solitaires.
Tout est centré sur des séquences quasi théâtrales, où chaque acteur peut briller façon Actors Studio. Mais est-ce bien ce que l’on attend d’une fiction culinaire ? On regrette l’alchimie de la brigade, les conflits savoureux autour d’un ingrédient, l’ambiance survoltée du passe ou la tension palpable d’une commande en retard. À la place, la saison s’épuise dans une introspection souvent indigeste.
Et côté intrigues ? Carmy devient presque un personnage secondaire. Sydney hésite, éternellement, à partir ou non. Marcus fait des desserts et refuse de voir son père (une seule scène). Richie a, possiblement, une intrigue : accepter le mariage de son ex. Tina doit préparer ses pâtes en moins de trois minutes (c’est littéralement l’arc de son personnage sur dix épisodes)… et ne fera que répéter ce geste toute la saison. Quant aux sandwichers, ils suivent une trajectoire plutôt positive et intéressante… mais dont on ne connaîtra jamais l’issue. Frustration maximale.
Au final, comme lors de la saison 3, domine l’impression que rien n’a véritablement été proposé. L’intrigue piétine, refuse de trancher, et laisse le spectateur sur sa faim. La prouesse des acteurs ne suffit pas à masquer l’absence d’enjeux et le goût d’inachevé. Faut-il se contenter d’applaudir une série qui, à force de courir après les prix, semble avoir oublié la recette même de sa magie et l’arôme si singulier de ses débuts ?


