Suite, remake, reboot

Shang-Chi : Drama chinois à la sauce Marvel

« Shang-Chi et la légende des Dix Anneaux » est le dernier blockbuster de la licence Marvel, réalisé par Destin Daniel Cretton, et sorti en France le 1er Septembre 2021. Il met en scène un super-héros un peu moins iconique du MCU, en mobilisant cette fois-ci l’univers de la Chine. Est-ce que ce long-métrage en vaut la peine, suite à la polémique de « Black Widow » ? Est-ce que ce film était bien ? Smallthings est allé le voir pour vous.

Une première partie de film réussie

Shaun est un Chinois réfugié à San Francisco pour des raisons obscures. Il est voiturier et travaille aux côtés de Katy, incarnée par la pétillante Awkwafina. Ces deux derniers mènent une vie somme toute assez banale jusqu’au jour où ils se retrouvent attaqués par des hommes armés. Ces derniers ordonnent à Shaun de leur remettre son pendentif en pierre de jade, et ce dans un chinois quasi parfait. Ils connaissent donc Shaun, de son vrai nom Shang-Chi, mais pourquoi en ont-ils après lui ? C’est là que le héros déploie ses grandes connaissances en matière de combat, au grand étonnement de Katy.

Shang-Chi-et-la-Legende-des-Dix-Anneaux-Nouvelle-Affiche (2)

Nous pouvons reconnaître une grande qualité à ce film, c’est que ça démarre très fort. Le long-métrage s’ouvre sur une belle scène d’introduction, racontant l’histoire de Wenwu, un puissant chef de guerre chinois rendu immortel grâce à Dix Anneaux dotés de pouvoirs. Celui-ci, âgé de 1000 ans, est devenu un grand criminel international à l’époque actuelle. Cependant, il tombe sous le charme de Jiang Li, une gardienne du Royaume caché du nom de « Ta Lo ». Dotée de pouvoirs occultes, elle est la seule à réussir à vaincre Wenwu, et celle-ci, s’étant mariée avec lui, donne naissance à Shang-Chi et à sa sœur Xialing. Mais Jiang est décédée, et Wenwu, incarné par le magnifique Tony Leung Chiu Wai, n’a plus qu’une obsession destructrice : ramener sa femme du monde des morts, quitte à réduire en cendres le Royaume de Ta Lo. Tout ce commencement ressemble à un magnifique drama chinois. Tous les codes y sont : la légende d’un royaume ancien avec des scènes de bataille, de la magie, des animaux féériques, et des scènes d’arts martiaux aériens dans une forêt de bambous, le tout débouchant sur une histoire d’amour.

Shang-Chi-et-la-Legende-des-Dix-Anneaux-Nouvelle-Affiche (2)

Ensuite, le déroulé de l’histoire à San Francisco nous plonge dans un univers tout aussi intéressant. L’intrigue dans la ville ressemble beaucoup à ces films de kung-fu à l’ancienne, en particulier dans la scène de combat très réussie dans le bus. Ce genre de séquence nous rend nostalgique des longs-métrages à la Jackie Chan, pour son côté spectaculaire et un brin humoristique. En parlant d’humour, l’actrice Awkwafina rafle toute la mise dans le rôle de Katy, la meilleure amie du héros. Il est très rare de croiser un side-kick féminin dans un film d’action, et qui soit en même temps un comic relief ! Et l’actrice, de par sa personnalité pétillante et tout en justesse, incarne à merveille ce rôle comique, le tout sans en faire des caisses et en se fondant très bien dans l’intrigue ! Et rien que pour ça, chapeau.

Tout un background asiatique est mis en place de manière cohérente : nous retrouvons le respect filial, le respect des ancêtres disparus, et la pression familiale liée au mariage. Là encore, ce sont des clichés habilement intégrés à l’histoire et qui ne font pas tache, et on sent la volonté de Marvel de plaire au public chinois. Tout un hommage est fait aux films de kung-fu, à l’univers urbain de la Chine ou de Hong-Kong, et cet hommage atteint son apogée dans la scène des combats clandestins qui ont lieu à Macao. Notons au passage le caméo de Wong, un personnage important, acolyte de Docteur Strange.

Shang-Chi

Une mythologie chinoise sous-exploitée

Hélas, la deuxième partie est bien moins réussie que la première. Wenwu récupère Shang-Chi et sa sœur, ou plutôt les kidnappent à Macao, et leur fait part de sa volonté de retrouver sa femme disparue, prétendument enfermée dans le Royaume de Ta Lo. S’ensuit donc une quête dans un monde mythique qui n’a plus rien à voir avec le monde réel où se déroulait le début de l’intrigue. On est passé d’un film de kung-fu se déroulant en milieu urbain, pour finir sur un conte de fée… ! C’est là que plus rien ne va. Ces deux genres narratifs ne vont pas ensemble, le tout étant dysfonctionnel. Là où le film de DC Comics « Aquaman » réussissait très bien à faire le parallèle entre la vie réelle et les créatures mythiques sous-marines (avec là aussi, la quête de la mère disparue), « Shang-Chi » peine à convaincre avec deux univers opposés qui ne vont pas du tout ensemble. Et là, nous devons faire une comparaison avec « Black Panther », et son un Royaume coupé du monde. Dans ce film, le Royaume de Wakanda est resté également très longtemps invisible du commun des mortels, et ce pour une bonne raison : sa technologie avancée ne devait pas tomber entre de mauvaises mains. Mais sa non-implication lorsque le peuple noir a été réduit en esclavage est largement abordée dans le film, et ce de manière très intelligente. L’antagoniste de Black Panther repose largement sur cette problématique. De plus, le Royaume de Wakanda n’est pas uniquement « magique », il est basé sur une technologie avancée qui est cohérente avec le reste de l’intrigue se déroulant à l’heure actuelle et dans un milieu urbain.

Shang-Chi

Pour le Royaume de Ta Lo, on ne voit pas trop l’utilité de ce lieu. A quoi sert-il ? Quelles questions soulèvent-ils ? Pourquoi est-il resté caché aussi longtemps ? C’est juste un bric-à-brac de jolies choses magiques qui sert à « garder la Porte des Ténèbres ». Moui. Et pire encore, cet endroit n’est pas si joli que ça : un filtre très gris a été rajouté sur les lieux sans qu’on sache pourquoi. La Chine est pourtant un pays très coloré, avec beaucoup d’éléments du décor qui auraient pu être rouge pétant, ou plaqué or. Là, c’est très terne : même le dragon, soit « La Grande Protectrice », n’est vraiment pas intéressant à regarder, et il vole bien trop vite pour qu’on puisse le voir. La CGI n’est vraiment pas du plus bel effet. Et plus étonnant encore, le monstre des Ténèbres ressemble au diable le plus classique qui soit, entouré de ses démons. Ce type de monstre est issu de l’Enfer judéo-chrétien, et ça n’a pas vraiment sa place en Extrême-Orient. Cette créature serait largement mieux dans le Seigneur des Anneaux ou dans un univers lovecraftien ! D’autant plus que dans la mythologie chinoise, les monstres, et bien il y en a plein ! Ne serait-ce que le renard immortel à neuf queues qui est connu pour dévorer des humains (il y a bien des renards à neuf queues au royaume de Ta Lo, mais ils sont uniquement décoratifs !). Pourquoi ne pas se servir de ça comme d’un parallèle avec Wenwu, qui est lui aussi immortel jusqu’à en être fou ? Ou encore « Nian », un monstre connu dans le folklore chinois et qui est repoussé lors des rituels du Nouvel An. Il est assez terrifiant à lui-seul pour faire peur au diable en personne. Le folklore chinois regorge de spectres, de fantômes, de vampires même. Il existe même un Enfer chinois très riche, et Marvel semble complètement être passé à côté !

Shang-Chi

Le Monstre « Nian » qui n’a même pas été utilisé dans le film

Bref, une mythologie chinoise qui n’a pas été exploitée, c’est un coup dur. Et que dire de la créature magique qui indique aux héros où se trouve « Ta Lo » dans la forêt de bambous ? Elle n’a pas de visage et ça n’a pas l’air de poser de problème. Juste : comment elle fait pour manger et respirer ? On ne sait pas.

Des personnages sous-exploités et des incohérences inexpliquées

Pour Katy, jusque là un personnage très attachant, les choses se gâtent quand elle entre dans le Royaume de Ta Lo. Là elle apprend à tirer à l’arc, parce que « ça l’aide à se focaliser sur ce qu’elle veut vraiment ». Or, Katy n’a vraiment pas besoin de ça pour s’affirmer. Dès le début du film, c’est elle qui a l’ascendant sur Shaun, et elle sait même faire des rodéos en voiture. En quoi lui apprendre à tirer des flèches va l’aider ? Et plus incompréhensible, on ne la voit pas tirer de flèches au moment fatidique où elle doit abattre le Démon des Ténèbres. On voit Shang-Chi et sa sœur s’accrocher au Démon avec désespoir, puis il y a un focus sur une flèche qui l’atteint à la gorge. Comme si c’était « acquis » d’avance que Katy devait réussir. Mais avoir cuté le processus où elle parvient à tirer, c’est vraiment dommage car on ne voit pas le personnage lutter pour réussir. Quel est l’intérêt si l’on montre le résultat final sans les péripéties ? Mais il y a pire : Katy et Shaun se sont toujours considérés comme les meilleurs potes du monde, et BIM, à la fin du film, ils se mettent en couple ! Là encore, c’est un peu étonnant, sachant que je n’ai jamais ressenti la moindre alchimie amoureuse entre eux qui aurait pu les faire passer de l’amitié à l’amour. Encore une fois, c’est un résultat final servi sans explications.

Plus problématique encore : l’acteur qui joue Shang-Chi, Simu Liu, est totalement transparent dans le film. Il joue bien et on sait qu’il sait se battre. Mais mis à part ça, c’est un acteur que je trouve oubliable, pour ne pas dire quelconque. Même Awkwafina brille plus à côté, alors qu’elle n’est même pas l’héroïne. Or, c’est un très gros problème quand on doit incarner un super-héros que l’on reverra par la suite ! Il n’a pas vraiment de charisme, comparé au défunt Chadwick Boseman.

Quant à sa sœur, sortie tout droit d’un film à la Kill Bill, ok elle sait se battre. Mais elle ne sert à rien dans l’intrigue : elle n’héritera jamais des Dix Anneaux et elle aurait pu avoir son propre film en parallèle de celui-ci que ça n’aurait pas déranger. Elle sert surtout de prétexte pour mettre en avant le féminisme. Mise de côté lors des entraînements au combat par son père, elle est reconnue comme combattante une fois à Ta Lo. C’est complètement à côté de la plaque, sachant que des écoles de combats pour femmes existent déjà en Chine, et ce depuis bien longtemps. Donc même ce message féministe tombe à plat.

Shang-Chi

Le personnage le plus réussi demeure Wenwu, incarné par le magnifique Tony Leung Chiu-Wai, qui crève l’écran par son seul charisme. C’est le genre de méchant torturé qu’on aurait aimé avoir une meilleure conclusion. Mais il existe plusieurs zones d’ombre autour de lui : qu’est-ce qui s’est passé durant ces mille ans d’existence ? En mille ans, il n’a pas rencontré une autre femme avec qui avoir des enfants ? Quand on est un chef de guerre invincible, il va sans dire que de nombreux gouverneurs, voire l’empereur lui-même ont envie de créer une alliance avec lui, et qui dit alliance, dit mariage. Il doit avoir bien des centaines de descendants, et ce n’est jamais abordé dans le film.

Autre incohérence : un personnage de bouffon est enfermé dans les geôles avec la créature magique qui connaît le Royaume de Ta Lo. Pourquoi Wenwu et ses sbires n’ont pas ordonné au bouffon de demander le chemin du Royaume BIEN AVANT ?

Enfin, dernière lacune dans le film et pas des moindres : on ne sait rien des Dix Anneaux. D’où ils viennent, ni comment Wenwu les a découvert, ni comment il a fait pour ne pas se les faire voler (avec les nouvelles technologies du XXème siècle, c’est très étonnant). Shang-Chi n’hérite des anneaux qu’à la toute fin du film, et il n’en fait encore rien, sauf détruire le Monstre des Ténèbres. Ça aurait été beaucoup plus cohérent de montrer le fils se battre contre le père au beau milieu de sa propriété, sans un Royaume magique creux et sans saveur, et surtout sans créature démoniaque somme toute inutile pour montrer que « désirer des choses sans les aimer, c’est pas biennnn. » Pour la subtilité, on repassera.

En Conclusion : Ce film n’est pas du tout mauvais, mais il n’est pas incroyable non plus. On a vu bien mieux, comme « Black Panther » qui reprend presque la même trame narrative, mais bien mieux traitée. Vous pouvez y aller si vous voulez du spectacle, mais pas si vous voulez quelque chose de marquant dans le temps.

Shang-Chi

SPOILER scène post-générique : Katy et Shang-Chi ont un rendez-vous avec Wong qui essaye de déterminer la nature des Dix Anneaux. Il n’en sait pas plus et dit que ces artefacts sont bien plus vieux qu’ils n’en ont l’air. Ils sont en conférence holographique avec Bruce Banner et Captain Marvel. Les Anneaux ne sont pas faits en vibranium, ce qui écarte tout lien avec le lore de « Black Panther ». Ah oui, et Captain Marvel reçoit un bip et doit s’éclipser. Merci, Captain Marvel. A croire que ce personnage féministe jusqu’à en être caricatural ne servira jamais à quelque chose dans le MCU. Selon Wong, un signal est émis par les Anneaux, et il s’agit sans doute d’un artefact fabriqué par les Eternels, censés combattre les Déviants. Alors que Shang-Chi rejoint officiellement les Avengers, ils finissent tous les trois avec Wong au karaoké.

Deuxième scène post-générique : Nous voyons Xialing, la sœur de Shang-Chi, hériter de l’armée de son défunt père. A l’origine entièrement masculine, cette armée accueille désormais des femmes. Mais comme je le précisais plus haut, des écoles d’arts martiaux pour femmes existent en Chine depuis belle lurette, et Xialing aurait pu de toute façon faire ce qu’elle veut du bastion de son père vu qu’elle en est l’héritière ! Je ne vois pas en quoi où est le mérite. On dirait que le film a voulu forcer le trait sur un message féministe, alors qu’il est assez creux une fois de plus : car bien qu’elle représente les Dix Anneaux, Xialing ne les possède pas, c’est son frère qui les utilise. Ils auraient pu faire moitié-moitié et en garder 5 chacun. Là, on aurait pu parler d’équité.

Du coup, une dernière question se pose : est-ce que l’organisation du crime de Xianling ne deviendrait-elle pas un futur antagoniste pour les Avengers ?

 

Sources :

Rebecca

Juste une Otaku qui a chopé le virus de la Japanimation et qui ne guérira jamais ! Egalement incurable en ce qui concerne le cinéma, les blockbusters, les comics et la littérature

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *