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Le Royaume Solitaire dans le Miroir : mieux que Silent Voice ? (Spoilers)

Le Royaume Solitaire dans le Miroir  (かがみの孤城; Kagami no kojō) est un roman écrit par Mizuki Tsujimura. Adapté en animé par Keiichi Hara et sorti le 13 septembre en France, il est passé relativement inaperçu jusque-là.

 

QUELLE ERREUR ! Cette œuvre est tout simplement magistrale, indispensable, sous-cotée. Courez vite le voir au cinéma !

 

Attention, bien que cet article ne dévoile pas la fin, il comporte quelques spoilers sur Le Royaume Solitaire dans le Miroir. Vous êtes prévenus !

 

Kokoro est une élève de 5e. Victime de harcèlement scolaire, elle ne parvient plus du tout à sortir de sa chambre. Un jour, son miroir s’illumine et en passant à travers lui, elle se retrouve dans un mystérieux château. Là, elle est accueillie par une petite fille en robe rouge, affublée d’un masque de loup. Celle-ci l’amène dans la grande salle d’entrée, où elle découvre que six autres élèves de son collège l’attendent. La mystérieuse petite fille leur explique qu’ils doivent chercher une clé leur permettant d’exaucer n’importe quel vœu. Seulement, ils ne peuvent rester dans le château que de 9h à 17h, soit la durée d’une journée scolaire. S’ils dépassent l’heure, un loup les dévorera. Peu à peu, les élèves devront s’entre-aider et affronter leurs démons intérieurs, avant que le rêve ne s’achève au bout d’une année scolaire.

 

conte - Le Royaume Solitaire dans le Miroir : mieux que Silent Voice ? (Spoilers) Louve

 

Un monde magique qui n’en est pas un

              

Au début de Le Royaume Solitaire dans le Miroir, le spectateur ne s’attend à rien : une anti-héroïne de plus qui se réfugie dans son monde imaginaire ? Quoi de plus banal. Mais au fur et à mesure, on s’aperçoit vite que ce n’est pas le propos du film. La petite fille masquée n’est pas là pour leur apporter des réponses. Elle ne peut que les amener à détecter des indices, rien de plus. Ce sera à eux d’apprendre à faire connaissance avec les autres, mais aussi… avec eux-mêmes. Et de mettre un mot sur leur mal être, à tout ce qui ne va pas dans leur vie. Peu à peu, les langues se délient. Kokoro, exclue des autres, va pouvoir se faire des amis sûrs. Elle finira même par se confier… à sa mère, avec qui elle n’a jamais pu parler de ses problèmes !

C’est ce que j’ai le plus aimé dans Le Royaume Solitaire dans le Miroir : on pense qu’il s’agit d’un simple isekai de plus, mais ce n’est pas le cas. Qu’est-ce qu’un isekai ? Ce sont des histoires où, en gros, un homme otaku, toujours puceau à 30 ans et méprisé de tous, meurt dans un accident et se retrouve réincarné dans un monde d’héroïc-fantasy. Là, il est beau, toutes les femmes sont à ses pieds, et il a des super-pouvoirs dès la naissance. Vous voyez le genre. Je craignais que « Le Château… » soit de cette trempe… et bien NON. Contrairement à un isekai qui cloisonne complètement l’ancienne vie du héros et la nouvelle, ce qui correspond à une fuite en avant, le monde magique a un impact dans la vraie vie. Ce monde de l’autre côté du miroir ne permet pas de fuir le réel : il permet d’AFFRONTER le réel, ce qui en fait une histoire bien plus puissante. C’est une « safe place », un lieu de confidences thérapeutiques où les adolescents peuvent se ressourcer. Rien ne nous est épargné : le réel est froid, tragique et très dur par moments. Et les héros n’y échappent pas. En quittant le monde du miroir, les adolescents le subissent de nouveau de plein fouet, mais avec un peu plus de ressources qu’avant.

 

Le Royaume Solitaire dans le Miroir

 

L’importance de la symbolique

             

Cet animé, en plus d’être très réaliste dans la souffrance des personnages, fourmille de petits détails et d’une grande symbolique. Les contes de fée, d’abord. La fillette en robe rouge ne peut être que le Petit Chaperon Rouge, mais ce n’est pas tout. Il y a aussi un côté « Belle et la Bête » avec une bête féroce cachée dans un château, de même qu’il y a une référence à Cendrillon avec l’heure à respecter (« Après minuit, le charme sera rompu ! »). Bien sûr, « Alice au Pays des Merveilles » s’invite au voyage, avec la référence « De l’autre côté du Miroir ». Mais la plus grande référence demeure « Le Loup et les 7 chevreaux », un conte des Frères Grimm. Les 7 chevreaux représentant les 7 élèves qui doivent se cacher pour ne pas être dévorés à la fin. Dans le conte original, seul le septième chevreau survit à l’attaque du loup, car il s’est lui-même caché dans un meuble surélevé, dans « un lieu inaccessible »… Kokoro devra elle aussi atteindre cet « inaccessible », ce qui est « enfoui », « secret »… afin de sauver ses amis. Car jusqu’au tout dernier jour où elle peut rester dans le Château, elle ne connaît toujours rien d’eux : elle ne sait pas à quel point ils ont été harcelés comme elle, qu’ils ont été maltraités dans leur famille, voire même pire encore…

              Et nous n’avons même pas encore parlé du fait que l’œuvre nous perde dans un jeu de pistes qui suscite encore plus de questions. Pourquoi ces élèves ont-ils tous été réunis ? Viennent-ils de mondes parallèles ? Vivent-ils à la même époque ? Dans le même pays ? Ce que Kokoro a pu vivre, est-ce qu’elle l’a vraiment vécu ? Et ce château, on l’a pas déjà vu quelque part ? Les indices n’existent pas seulement de l’autre côté du miroir, mais aussi dans la réalité. Car après tout, les deux mondes sont intimement liés, et se reflètent l’un l’autre…

              D’ailleurs, les élèves constatent une récurrence tous les 7 ans… L’année 1999 est mentionnée, ce qui correspond à l’année chinoise du lapin. Et ce long-métrage est sorti… en 2023, soit l’année du Lapin d’eau. Simple coïncidence… ?

              Dernier petit clin d’œil : une boîte à musique revient souvent dans le film. Il s’agit d’une ancienne boîte à manivelle qui joue « Träumerei » de Schumann. Or ce compositeur a eu une vie tragique, marquée par une tentative de noyade avant qu’il ne finisse ses jours dans un asile psychiatrique… Et le titre Träumerei, signifiant « rêver » en allemand, n’est pas sans évoquer le mot « trauma »…

Un chef d’œuvre incompris

Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler, mais c’était une splendeur. Bien plus fort que « Your Name » (qui ne fait que survoler les problème scolaires des élèves) et bien plus efficace que « A Silent Voice ». Car dans ce dernier film, la jeune fille harcelée ne donne jamais son avis sur le calvaire qu’elle a subi : elle ne semble pas en vouloir à son ancien agresseur, chose qui m’a beaucoup frustrée. Mais Kokoro, elle, en PARLE, et cette différence est énorme. D’ailleurs, cet animé encourage de possibles enfants harcelés d’accéder à la parole et de se confier sur leurs tourments. C’est pourquoi je vous conseille vivement d’aller le voir ! C’est fort, tragique, et aussi plein de douceur, de bienveillance, de psychologie… On pourrait lui reprocher d’avoir des longueurs, mais justement, l’œuvre prend son temps et nous amène à réfléchir. C’était une merveille. Bien au-dessus de mes attentes. Et ça change de derniers ratages comme « Les Enfants de la Pluie » qui était trop plat et qui manquait de vrais enjeux. Alors s’il-vous-plaît, laissez tout tomber et courez le voir. Ne laissez pas ce film tomber dans l’oubli…

 

 

Rebecca

Juste une Otaku qui a chopé le virus de la Japanimation et qui ne guérira jamais ! Egalement incurable en ce qui concerne le cinéma, les blockbusters, les comics et la littérature

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