The Mist : brouillard brouillon
La série basée sur l’histoire écrite par Stephen King a débarqué sur Netflix et c’est l’occasion d’une petite critique honnête.
SPOILERS BALISES EN ITALIQUE
The Mist, c’est d’abord une nouvelle, Brume, de Stephen King. C’est ensuite un film de Frank Darabont daté de 2007, qui a floppé à sa sortie mais qui est devenu un film qui se transmet sous le manteau.
Et Brume est désormais adaptée en série pour Spike, chaîne peu spécialisée en séries et qui nous a offert la très différente Blue Mountain State.
The Mist propose un postulat de départ simple. Dans la petite ville de Bridgeville, un brouillard étrange s’installe avec des créatures tout aussi étranges au milieu. Et quand les habitants se retrouvent coincés dans une prison ou un centre commercial, leurs querelles prennent des proportions importantes.
Ce résumé prend en compte les petites histoires entre les personnages car il est évident que ce genre de série mise sur les relations plus ou moins enthousiastes entre eux pour faire durer le suspens. A l’instar de Walking Dead, on étire au mieux les interactions entre chacun pour étoffer les personnages plutôt que d’étoffer l’univers. Et c’est le problème de ces séries qui n’osent pas raconter une histoire mais qui essayent plutôt d’installer une ambiance. SI les zombies sont un prétexte pour faire une étude sociale de communautés dans la série d’AMC, The Mist se sert du brouillard pour mettre en exergue les différences et les conflits.
Alors sur trois épisodes, on pardonne. Sur une saison entière (même si elle ne fait que 10 épisodes), on souffle et soupire assez souvent.
Si Walking Dead a réussi à installer des personnages plutôt forts, The Mist peine à proposer des figures charismatiques. On cherchera souvent la cause du peu de crédibilité et d’attention que l’on porte aux personnages. On trouvera que le casting est peu engageant à l’image d’un Morgan Spector (Boardwalk Empire) qui se demande ce qu’il fait dans cette galère. Les autres acteurs sont véritablement des têtes à claques. Le problème est peut-être physique (des regards vides chez les 3/4 du casting, ça commence à faire beaucoup), toujours est-il que l’écriture des personnages est fait à la truelle pendant les 2 premiers épisodes et on sent alors les intrigues téléphonées et frelatées débarquer.
SPOILERS : Quand la fille de l’héroïne se fait violer et qu’on accuse le joueur de foot, on comprend aisément qu’ils vont se retrouver coincés au même endroit et que les querelles intestines vont exploser. On se doute aussi que la prisonnière va aider le héros et trouver une rédemption assez tôt dans la saison.
C’est d’ailleurs elle, Mia (Danica Curcic), qui se révèle le meilleur personnage. Forte, bazardée entre plusieurs sentiments, utile, elle est néanmoins sous-utilisée par rapport à d’autres personnages qui n’en demandent pas tant. La série a beau avoir Frances Conroy (Six Feet Under, American Horror Story), son talent n’arrive pas à élever son personnage de femme mystico-insupportable à un rang acceptable. Elle maîtrise son jeu mais est très mal servi par l’écriture de son rôle. Elle se retrouve alors dans des situations incompréhensibles. Autre acteur qui semble sous-exploité : Erik Knudsen. Celui qu’on a vu dans Scream 4 a un rôle de chien fou assez jouissif mais est totalement laissé pour compte. Son sort semble réglé mais son retour fait du bien au show… jusqu’à ce que les scénaristes l’oublient maladroitement et dans un contexte incohérent…. On rage.
SPOILERS : Il faut la voir gambader nue dans le brouillard pour faire corps avec lui, l’entendre sortir des phrases brouillonnes qui veulent dire trop de choses pour les esprits super-ouverts… Wouah.
The Mist fait donc traîner son intrigue sans oser aller plus loin, du moins pendant 7 épisodes. Fin de saison oblige, les choses s’accélèrent dans les 3 derniers épisodes en offrant de belles avancées dans les intrigues de personnages mais on n’utilise toujours pas le brouillard comme il se doit. Il faut oublier l’adaptation très monstrueuse du film puisque la série préfère faire du brouillard un endroit où les peurs primales vous feront mourir, où vos démons intérieurs se matérialiseront. Et c’est en allant sur cette piste savonneuse de l’imaginaire criminel que la série se plante. A trop vouloir faire dans la psychologie, on en sort plus avec les idées brumeuses qu’autre chose. La menace n’impose aucune intrigue et sert effectivement de prétexte à ce que les conflits entre les personnages explosent. Trahisons, confiance, non-dits, mensonges, tout y passe jusqu’à la révélation du dernier épisode qui pioche dans les meilleures idées de soap pour donner de l’épaisseur à des personnages qui n’avaient pas spécialement besoin de nouvelles mauvaises idées. En s’y penchant d’un peu plus près, cette idée est très maladroite, bottant en touche sur tout le slut-shaming que ce personnage se prend.
Il y a un cas narratif très intéressant dans The Mist concernant Adrian, joué par Russell Posner. Avec sa tête de nerd, Posner joue un adolescent mal dans sa peau, meilleure amie de l’héroïne, qui n’arrive pas à vivre avec son homosexualité. Et cette quête d’identité propose les meilleures scènes. Avec force et fracas, Adrian se dévoile dans des séquences brutales qui tranchent avec le ton de la série. Si la série arrive à être violente à de rares occasions, le cas d’Adrian est du niveau au-dessus.
Il y a une scène où il fait face à son harceleur du lycée. Et quand l’intimité et le mensonge se lient avec la violence psychologique et physique, on se retrouve devant une scène marquante.
SPOILERS : Adrian est face à son harceleur qui l’insulte de tapette, de fiote. Il le frappe violemment mais Adrian s’approche de lui, sait qu’il cache le même secret et l’embrasse. Sans l’en empêcher, il rend le baiser à Adrian…. pour le frapper à nouveau, trouvant refuge dans son propre mensonge.
Adrian se retrouve aussi au cœur d’une révélation assez forte en fin de saison qui donne encore plus d’importance à son personnage et qui ouvre les vannes de beaucoup de questions. Il se retrouve alors coincé entre son image d’homme perdu, de martyr et de salopard. Les coups qu’il se prend ont alors un goût étrange pour le spectateur. Après tous ces épisodes plan-plan, limite ennuyeux, The Mist joue enfin avec son public et ça fait du bien. C’est d’ailleurs dans les dernières scènes qu’on se prend enfin à réagir au sort de chacun. On se trouve rassurés de voir des décisions prises alors que tout le long de la saison, on ne comprenait pas la moitié des actions.
C’est dans la maladresse de ses intrigues que The Mist perd beaucoup de points. Loin d’être aussi immersif que Walking Dead, la série gâche un potentiel solide. Le manque de moyens bride t-il l’ambition? Avec 23 millions de dollars pour la saison de 10 épisodes, on ne peut pas dire qu’ils sont fauchés… Les effets gores sont saisissants, les décors plutôt crédibles, il faut alors travailler le reste, le coeur de la série : son intérêt. Rien ne nous indique qu’il faudra être là en saison 2, le suspens se perd dans les méandres d’intrigues fumeuses.
SPOILERS : On espère que la saison 2 se concentrera sur Arrowhead, ce projet militaire qui semble avoir un lien avec le brouillard. Et s’être débarrassé de certains lieux et décors qui enfermés et les personnages et les intrigues vont permettre d’explorer de nouvelles pistes.