Spider-Man Homecoming : le seuil de l’acceptable (sans spoilers)
Apres l’échec critique des deux derniers films, Spider-Man est de retour chez Marvel Studios avec un nouvel acteur, un nouvel univers. Les films de Webb étant détestés par le public qui commence aussi à reconsidérer les intouchables de Raimi, Spider-Man Homecoming est une tentative importante qui va définir l’avenir du personnage au cinéma. Et, oh dear, we are in trouble.
Ça ne va pas. Pas du tout. Difficile d’écrire cette critique sans tomber dans le ressentiment, la colère subjective mais c’est vraiment le premier sentiment qui vient suite au visionnage de Spider-Man Homecoming. Difficile de rester calme quand on a à ce point le sentiment que les créateurs d’une œuvre n’ont plus de respect pour leur public et ne parlent qu’à la nouvelle génération en taclant méchamment la précédente. Effrayant de voir que mes 21 ans, devant ce genre de film, me donnent déjà le sentiment, totalement absurde vu le nombre d’années ridicule, d’être « trop vieux pour ces conneries ». En effet, le film de Jon Watts fait partie de ceux qui n’ont pas d’autre raison d’exister qu’un cynisme brutal, sans concession, qui écrase tout sur son passage pour ne garder qu’un humour bas du front et odieux avec ceux qui attendent le film depuis quelques années déjà. Au fond, le sentiment d’un film écrit sans aucune considération pour un autre public que sa « cible », pour peu qu’on soit ici capable de la définir.
Spider-Man Homecoming va assez loin dans la trahison. Ce n’est pas la première fois chez Marvel, quand Iron Man 3 proposait un film presque dénué d’action réelle en armure pour Stark, ou quand Thor débarquait sur Terre et se ridiculisait par ses coutumes archaïques. La politique du MCU a toujours été, au cinéma, celle d’une désacralisation de mythes un peu usés avec le temps. Mais ça va trop loin, quand chaque passage enfonce un peu plus ce qui pourrait être l’esquisse de drames humains, d’instances forts, d’enjeux redoutable, dans la parodie facile. Au fond, le film passe son temps à ridiculiser son personnage principal, que ce soit dans sa physique (quand Spider Man se prenait deux panneaux puis parvenait à voltiger chez Raimi, il se casse ici littéralement la gueule à chaque scène, même importante comme lors d’un combat avec le Vautour) ou dans son écriture (sa relation avec Tante May est totalement sacrifiée jusqu’à un gag final honteux qui crache sans aucune retenue sur des dizaines d’années de Comics), aucun passage ne vient remonter l’intérêt d’un film qui n’a au fond que pour lui que certains gags assez bien trouvés. Pour autant, beaucoup de répliques de Spider-Man Homecoming tombent à l’eau puisque le film tente de faire rire avec une assez grande vulgarité (vous trouviez les vannes sur la beauté de Marisa Tomei et sa relation avec Stark dans Civil War lourdes ? Vous n’êtes pas prêts pour ce film).
Ce souci de personnalité, d’identité forte, est présent partout dans le film. Cet aspect là est totalement impardonnable, on est face à un personnage qui depuis près de 15 ans a toujours été caractérisé par ceux qui l’ont animé, exception dans un monde de blockbusters interchangeables réalisés par des Yes Man, et tout à coup plus rien n’existe. Exemple tout bête mais qui fait sens, le score musical de Michael Giacchino pour Spider-Man Homecoming est si peu inspiré qu’il est allé piocher, pour agrémenter son Spidey Theme sans âme ni caractérisation, dans le générique de la série animée consacrée au personnage pour faire son beurre.
Quand un film se sent obligé de lancer des appels du pied pour montrer son originalité artificielle, il y a un problème quelque part. Au delà de ça, le film applique à outrance la recette Marvel, met des gags partout quand certaines réussites comme Guardians Of The Galaxy Vol 2 savait agrémenter son intrigue de vannes tout en conservant une intensité dramatique. On est un peu face à un Deadpool bis, dont l’aspect outrageusement humoristique ne serait plus excuse par le passé déjà subversif du personnage. Rien n’est accordé à Spider-Man pour se définir.
Ce n’est pas sans compter, pourtant, sur Tom Holland. L’acteur propose une performance franchement solide, son charme tient du prodige tant le rôle est indigent et on se surprend souvent à sourire et à ressentir une certaine empathie pour ce personnage somme toute attachant. Seulement, rien dans son opposition avec le Vautour (Keaton interprète sans peine mais sans passion un personnage franchement sous exploité dans son but de « revanche du peuple sur les puissants) ne tient puisque leur relation est constamment mise de côté par une ambiance inconsistante et un assemblage de séquences sans vraie logique. Spider-Man Homecoming a ce problème assez profond d’être moins un film qu’un ensemble de scènes plus ou moins bien attachées entre elles. Aucune évolution ne se fait sentir, dans aucun personnage, et le statu-quo de fin de film est quasiment le même qu’au début. Sur le MCU, il y a fort à parier que le film n’aura aucune influence.
Pourtant, si il y a une chose qui est assez réussie dans Spider-Man Homecoming (qui manque somme toute le choche dans la plupart des domaines), c’est justement la place qui est faite au film dans son univers. Une des toutes premières séquences est très réussie, montrant en quelque sorte les coulisses du fameux combat à l’aéroport de Civil War. On y voit un Spider-Man enjoué, peu sûr de lui, et l’attachement est quasi-immédiat. C’est d’ailleurs le cas de beaucoup de choses de la première partie du film, notamment lors des interactions entre Peter et Happy, le majordome de Stark, qui sont souvent hilarantes dans cette moitié. On craignait un Stark trop présent, il n’en est rien et on peut reconnaître au film d’être un véritable stand-alone dédié au personnage de Spider-Man. Seulement, les choses se gâtent quand on comprend que ce ton goguenard, qui sied encore une fois assez bien au début du film, ne s’évanouira jamais par la suite. On comprend alors que le temps sera très long avant la fin, et plus grand chose ne fait rire. Sony (puisqu’il sont toujours, malgré les droits revenus à Marvel, derrière la licence) semble avoir appris des précédents films en évitant l’accumulation de méchants et de personnages, mais le film n’en est pas pour autant plus réussi, bien loin de là.
Le bât blesse également dans l’écriture du personnage de Peter, au delà de son alter ego masqué. Spider-Man Homecoming nous propose un personnage principal en stéréotype de geek total (bonjour la cohérence de l’adolescent qui, après avoir parlé de L’empire contre attaque comme un « très vieux film » dans Civil War, est comme un enfant quand il construit une étoile noire en Lego dans ce film…), son entourage ne s’en sort pas mieux tant le film résonne comme une feuille dont on cocherait les cases une par une pour que tout soit rempli (le camarade enveloppé mais sympathique ? Check ! La jolie jeune fille que le héros voir au ralenti tant elle est belle ? Check !), le film va jusqu’à faire de Flash, rival éternel de Peter, un personnage sans aucun charisme pour qui personne n’a d’intérêt … Au fond, le film pêche par un manque total de compréhension de l’œuvre dont il s’inspire, et il se contente de la recréer en zappant totalement les fondamentaux.
La vraie colère est au fond celle d’avoir eu pour toute remplacement de la vision, certes imparfaite, mais originale et passionnée de Webb, ce pur produit franchement cynique et médiocre qu’est Spider-Man Homecoming. Le succès promis à ce film lui fera sans doute bénéficier de nombreuses suites, tant mieux pour ceux qui aimeront. On continuera à rêver à un film Spider-Man …
AMD
Paragraphe spoiler de Spider-Man Homecoming pour les gourmands.
Stan-Lee est facilement repérable au début du film et propose une vraie ligne de dialogue avec des voisins de Spidey, qui en font un vieil homme aigri mais assez drôle.
MJ Watson, dans un miscast total, se révèle en fait être Zendaya…
et le gag scandaleux de fin de film montre la Tante May qui découvre que Peter est Spider-Man et lâche un « what the fuck » coupé après le F (je vous jure que c’est vrai, c’est bien la fin du film).
Deux scènes post générique, la première montre le Vautour en prison rester fidèle à Peter en refusant de dévoiler son identité aux prisonniers, et la seconde est la suite d’un gag récurrent du film qui montre un spot TV de Captain America qui se moque des gens restés à la fin du générique.
4.5