On a terminé

Slip (Roku) : non orgasmique

Pour ceux qui connaissent Zoe Lister-Jones, ses deux côtés, l’un indé, l’autre plus mainstream, sont deux facettes couvrant tout le talent de l’actrice. Slip est possiblement son projet le plus personnel, et le moins accessible.

Zoe Lister-Jones est un nom qui ne vous dit rien ? Alors, vous avez sûrement vu son visage. On l’a connu dans Whitney (2011), Friends with Better Lives (2014), New Girl (2015) et Life in Pieces (2015). Elle est très à l’aise en comédie mais c’est plutôt dans la dramédie qu’elle semble se préférer.  Son premier film scénarisé, réalisé et incarné par elle est Band Aid en 2017. Elle avait co-écrit la comédie Lola Versus en 2012 et elle a tenté le full indé avec How It Ends (2021). Curieusement, on la retrouve derrière le script et la caméra du remake de Dangereuse Alliance daté de 2020…

Qui est Zoe Lister-Jones ? On pourrait la penser touche-à-tout, elle est surtout de cette génération qui est symbolisée par Phoebe Waller-Bridge : des femmes qui veulent parler d’elles et qui le font bien.

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Venons-en à Slip, sa dernière création. Cette série, proposée par Roku, raconte comment Mae se retrouve dans des réalités alternatives à chaque fois qu’elle couche avec quelqu’un. Slip est le projet le plus personnel de Lister-Jones. Et à y voir de plus près, on ne peut pas le nier, elle est de toutes les scènes, elle a écrit les 7 épisodes et les a tous réalisés !

Slip aurait pu être cette petite pépite indé qui nous parle, nous touche, nous bouscule. Mais Slip ne semble être qu’une manière pour Lister-Jones de se faire une thérapie créative. En effet, rien n’est plus facile et difficile de se raconter à travers sa propre création. Si Slip peut amuser par moments, elle agace aussi fortement. Le concept proposé de voyager dans des réalités alternatives (ne parlons pas de dimensions parallèles, c’est un terme qui laisse imaginer beaucoup de possibilités à la limite du SF, ce que la réalité alternative permet de lisser comme propos) est un prétexte pour une banale psychanalyse « Sundance ». Mae a 37 ans, elle vit une routine agaçante avec son mec, et elle n’en peut plus. Son premier orgasme, avec un autre homme, la transporte ailleurs, dans un monde où elle est avec cet homme. Et à chaque nouvelle aventure, et nouvel orgasme, elle se retrouvera avec ce coup d’un soir.

Si le fait d’utiliser l’orgasme comme portail dimensionnel est un bon point, il est maladroitement exploité. La cohérence du propos ne tient plus. Où se trouve le pourquoi du comment? Est-ce dans l’acceptation du désir personnel ? Si oui, comment fait-elle pour être si réceptive, si rapidement précoce dans le plaisir ultime ? Est-ce souligné par une quelconque retenue qu’elle avait avec son mec ? Rien n’est vraiment dit. Est-ce dans le simple plaisir ? Alors dans ce cas, elle aurait dû préserver le gimmick formel qui voyait Mae se réveiller dans le même état que durant son orgasme. Car la mise en scène de Zoe Lister-Jones est plutôt maitrisée. Elle aime, dès les premières minutes, montrer la routine par des plans successifs similaires. La montrer en plein plaisir puis dormir dans la même expression (bouche ouverte) était un effet de montage pertinent. Elle laisse ça de côté rapidement au fil des épisodes, ne permettant plus de créer une quelconque cohérence dans le propos.

Pire, on aurait pensé qu’elle trouve son plaisir dans la libération, dans le lâcher-prise. Mais cette scène dans la voiture, où le plaisir n’avait pas sa place, et où on la voit hurler, est définitivement la preuve que ce projet n’est pas aussi délicat qu’il n’est. Il reste les variations dans les constantes, comme avec son amie Gina, petite bouffée d’air frais de la série…

https://www.youtube.com/watch?v=Xg2Lynfu0Qw

Slip s’enfonce de plus en plus dans la tentative de raconter du soi avec du moi. On ne comprend plus le personnage de Mae. Les réalités se suivent et les prises de conscience sont pauvres. Quand la série plonge dans l’abstrait, avec deux Mae, un décor minimaliste, une démonstration chantée sur du Sting, elle devient une caricature. Mais la série semble être consciente d’être une gigantesque auto-satisfaction. Preuve en est cette scène où Mae rêve d’elle-même et se réveille en train de se masturber. On nage, comme dirait un personnage d’un épisode de X-Files, en pleine auto-satisfaction para-masturbatoire. Et à lire les interviews de l’actrice, on n’en apprend pas plus sur le fond du projet.

La conclusion de Slip est à l’image du projet, bancale. C’est d’une facilité exemplaire, court, frustrant. On ne voit pas comment un projet aussi intéressant n’a pas exploité correctement tout son potentiel. Un « tout ça pour ça » est inévitable. Si on apprécie la mise en scène inspirée de Zoe Lister-Jones, son talent d’actrice, ses thématiques, on a du mal à trouver en Slip une série marquante. Elle avait tout pour plaire, elle est restée muette. Comme un coitus interruptus.

La série restera sûrement confidentielle en France, et s’arrêtera sur Roku aux Etats-unis.

Tom Witwicky

Créateur de SmallThings, 1er Geek Picard de la planète Exilé dans le 92

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