Nip/Tuck: 15 ans après, la magie des deux chirurgiens plasticiens opère-t-elle toujours ?
C’est 15 ans plus tôt, le 27 juillet 2003, que 3,7 millions d’américains ont pu découvrir le début des aventures du cabinet le plus côté de Miami sur FX et ce, pendant 6 saisons avant de tirer sa révérence en mars 2010 devant 1,8 million de curieux.
En effet Nip/Tuck, de par ses idées novatrices et ses thématiques taboues, a su marqué à sa manière la télévision et le monde sériel au travers de ses 8 années d’épisodes hauts en couleurs. Créée par le grand, talentueux et prolifique Ryan Murphy, il signe ici sa deuxième série et certainement l’une de ses plus réussies grâce au ton si particulier qu’il lui donne, son ambiance mature tantôt lourde, tantôt sexy sans oublier de réelles séquences de pures émotions concoctées à la sauce Nip/Tuck, sublimées par sa panoplie de personnages aux problèmes psychologiques toujours poussés à l’extrême. Bref, un véritable phénomène lors de sa première diffusion sur les écrans américains mais qui aujourd’hui tend à tomber dans l’oubli pour notre plus grand dam ! C’est donc plus d’une décennie plus tard que j’ai enfin décidé de lancer le pilote de cette grande série qui s’annonçait déjà culte à mes yeux et je n’ai pas été déçu du voyage ! Chaque nouvel épisode était une claque supplémentaire encore plus frappante et marquante que la précédente. Mais le show a-t-il réussi à garder sa qualité exceptionnelle des débuts jusqu’au Series Finale ? Pour fêter son anniversaire (avec un peu de retard soit), revenons ensemble sur 6 saisons d’intrigues plus délirantes, totalement folles et déjantées les unes que les autres et tâchons de découvrir si la recette fonctionne encore dans cette aire actuelle de la télévision où les séries ont de plus en plus tendance à s’inscrire dans une continuité de programmes similaires et partageant toutes les mêmes codes.
Si certains d’entre vous ne connaissent pas encore ce chef d’œuvre du début des années 2000 ou si vous l’avez vu à l’époque de sa diffusion originale et que vous n’en gardez que de vagues et bribes souvenirs, voici un petit résumé pour vous remettre de l’ordre dans vos idées. Le postulat de départ est des plus banals : en effet, nous suivons les histoires professionnelles mais également personnelles des deux gérants du cabinet à succès de chirurgie esthétique McNamara/Troy situé à Miami. Si Sean McNamara s’efforce à croire qu’il mène une vie parfaite avec sa femme Julia et ses deux enfants Annie et Matt, c’est pour plus facilement occulter à quel point son couple bat de l’aile. Sexuellement insatisfait et développant des relations de plus en plus conflictuelles avec son jeune ado, le très respecté chirurgien plasticien tentera le tout pour le tout pour sauver sa famille d’une fatale dislocation. Des valeurs ancrées dans un processus moral, il souhaite préserver le petit monde qu’il s’est créé mais ce, sans compter sur ses nombreuses maladresses qui lui porteront pour la plupart du temps préjudice. Son caractère est à l’opposé de celui de son associé et meilleur ami Christian Troy. Véritable playboy vivant dans une garçonnière avec une (voire plusieurs !) femmes occupant ses draps chaque nuit, Christian, lui, n’a aucun sens de ce qui est juste ou pas.
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Prenant souvent les mauvaises décisions, leurs répercussions sont généralement terribles pour son entourage les détruisant à de nombreuses reprises. Cependant, ces deux personnalités bien distinctes se retrouvent et se complètent pour former l’un des duos les plus talentueux de toute la Floride. Ensemble, ils se jurent d’accepter tous les clients, même ceux aux demandes les plus farfelues. Et pour cause, leur bureau sera l’occasion de prononcer à chaque épisode, et non sans humour quelques fois, leur phrase culte : « Tell me what you don’t like about yourself? » (Dîtes-vous ce que vous n’aimez pas chez vous ?) et d’assister pour nous spectateurs à de nombreux et délicieux dialogues entre les personnages secondaires/guest-stars et nos deux chirurgiens préférés. Avec un parler épicé, nous découvrons l’histoire des patients aussi hilarantes qu’émouvantes pour certaines, tout ça dans le but de nous proposer un éventail d’opération toujours extrêmement travaillée grâce à une réalisation spécifique pour chaque scène et sa musique unique rendant le tout encore plus profond et scotchant. Attention cependant aux âmes sensibles car comme toute série du câble qui se respecte (encore plus chez Ryan Murphy), le sang est à l’honneur dans ces séquences et on ne lésine pas sur les gros plans et les petits détails très alléchants qui vous mettront de belles images en tête juste avant de vous endormir. Autre point important à préciser, la série est connue pour sa sexualité dépravée et nous propose donc des scènes d’amour endiablées qui démontre toute la folie des personnages à la vue de certaines situations.
Mais là où certaines séries iraient jusqu’à incorporer ce genre de scène uniquement parce qu’ils sont attendus au tournant (Game of Thrones…), Nip/Tuck réussit à intégrer de façon permanente le sexe jusqu’à pouvoir le considérer comme étant un personnage à lui tout seul. Il est d’ailleurs très souvent la cause de nombreux problèmes dans les intrigues et il est intéressant qu’elles aient réussi à dépeindre tous ces caractères sexuels différents. Dernier point de présentation : outre tous les sujets traités (dont la teneur de certains sont osés et remarquables mais qui font plaisir à voir pour une fois à la télé !) qui corrompent avec un malin plaisir les mœurs tout au long des 100 épisodes de la série, il semble intéressant de noter l’importance que le show a pris dans la communauté LGBTQI+. Rappelons que parler de transsexualité à la télévision en 2003 était très loin d’être courant. En ce sens, Ryan Murphy nous livre un message de tolérance des plus importants à travers des chirurgies mettant en scène des clients aux sexualités diverses et variées. La sexualité est donc au cœur même du programme et en est une composante fondamentale pour mieux comprendre les personnages, un vrai tour de force depuis Sex and the City !
Novatrice et captivante, Nip/Tuck nous dresse des personnages aux cellules psychologiques torturées et terriblement complexes dont il est difficile de cerner toutes les subtilités. Avec un jeu de grande qualité, les acteurs parviennent à nous faire ressentir toute la détresse de leur personnage et à quel point ils sont au fond du gouffre aussi bien émotionnellement qu’amoureusement. Mention particulière à Joely Richardson (Julia) qui arrive à briller dans absolument toutes ses scènes par une interprétation tellement réaliste que nous percevons et ressentons son mal-être avec elle. Il ne faut pas oublier pour autant Julian McMahon (Christian) qui a eu l’occasion de nous montrer toute sa faiblesse et sa fragilité lors de magnifiques scènes en saison 2 notamment, certainement parmi les plus marquantes de toute la série. Il en est de même avec les personnages secondaires qui s’avèrent tous extrêmement bien travaillés. De Mrs. Grubman à Gina en passant par Megan, Kate sans oublier Natasha, Teddy et bien entendu la fabuleuse Ava Moore (jouée par la géniale Famke Janssen), la série sait comment mettre en valeur ses femmes toutes plus souffrantes les unes que les autres. En général, elle parvient à peindre des portraits psychologiques et physiques bien propres et singuliers pour chacun de ses nouveaux personnages et en ça, nous délivre une véritable réflexion sur la réelle nécessité de la chirurgie esthétique et de son impact dans la vie de tous les jours. Elle n’oublie à aucun moment son pitch de départ et parvient constamment à se renouveler quant à la vision qu’elle porte sur les différents liftings et autres liposuccions requises par les nombreux clients. Ainsi, la vision traitée en saison 3 par exemple, diffère de ce que la série montrait au début mais n’est non pas moins intéressante.
Mais si la série a su briller de façon phénoménale lors de ses 4 premières salves d’épisodes, le show a connu un changement plus ou moins radical dès le début de la cinquième saison. Alors que la boucle était bouclée (avec de nombreuses références au pilote) au terme de la saison 4 et aurait pu servir de conclusion générale, les producteurs ont décidé de déménager le lieu de l’histoire à Hollywood pour apporter un vent de fraîcheur dans la vie de nos deux héros, pour le meilleur et pour le pire… Si les deux dernières saisons ont énormément été critiquées surtout sur le fait que les intrigues n’avaient plus de sens et partaient trop loin, pour ma part le problème provient d’une autre source. Si les personnages et histoires insolites ont toujours fait partie intégrante de l’ADN du programme, il n’a été en rien dérangeant de découvrir de nouveaux horizons avec de nouveaux acteurs. Cependant là où la série a perdu en qualité repose en grande partie sur les apparitions anecdotiques de Julia et de Matt (surtout en saison 6). Sans eux, le récit n’a plus la même saveur voire même valeur car ils nous fournissaient à foison des performances et des états d’âmes parfaitement écrites, interprétées et ressenties. Également, certains développements laissent à désirer et certaines décisions demeurent encore incomprises… mais cela n’a-t-il pas toujours été le cas ? Si Ryan Murphy a su transposer à l’écran des trames narratives passionnantes, il n’a néanmoins pas toujours été capable de leur fournir une fin digne de ce nom. Parfois laissées en suspens ou alors tout simplement abandonnées au terme de l’épisode, on peut regretter ce manque d’attention porté à de super point du scénario. Cela ne veut pas pour autant dire que tout est à jeter dans la dernière partie de la série, bien au contraire ! Certains épisodes valent définitivement le détour que ça soit pour leur originalité ou leur écriture particulière, ils sauront vous marquer et vous plongez dans une ambiance nouvelle à quelques heures du grand final. D’ailleurs parlons-en du Series Finale ! Il ne plaira définitivement pas à tous les fans mais il se veut au moins relativement satisfaisant dans le parcours émotionnel des personnages. La saison 6 ne se termine pas de manière aussi définitive et radicale que la 4ème mais marque un profond changement dans ce que nous connaissons du show et ne frustre pas tant que ça quand nous prenons le temps d’y repenser, ce qui est un bon point. Elle n’avait pas d’autre choix que de se terminer sur cette note bien qu’une autre mise en scène aux répercussions encore plus dramatiques aurait pu être attendue. Au final, les derniers épisodes nous proposent tout un tas d’émotions toutes différentes les unes que les autres afin de conclure la série de la manière la plus « propre » possible non sans un certain ressentiment de précipitation qui peut faire tâche.
Nip/Tuck a su briller comme aucune autre série n’a jamais su éblouir le paysage télévisuel américain en ce qui concerne ses propres spécificités. Véritable phénomène à sa sortie, elle a su mettre sur le devant de la scène des sujets brisant la moralité à plus d’un titre et a façonné des personnages aux multiples personnalités délivrant un vrai puissant message de tolérance. Il en est d’autant plus marquant quand nous contextualisons la série et que nous nous rendons compte que les personnages transsexuels à l’écran étaient d’une rareté incroyable en 2003. Ryan Murphy, comme pour absolument toutes ses productions, traitent des mêmes sujets mais non sans employer des formes différentes pour nous sensibiliser. Autre trait commun à ses séries, la musique absolument incroyable qui nous transportent et nous fait vivre les scènes proposées de la manière la plus puissante qu’il soit. Sans aucune fausse note, il ne rate aucune de ses séquences de chirurgies musicales ou toute scène impliquant la nécessite d’une bande son. Mais malgré des hauts et des bas, la série a quand même su garder un très grand niveau de qualité et ce, même dans les épisodes les plus faibles (qui sont très peu nombreux par ailleurs !). On pardonnera certaines maladresses d’écritures, élément récurrent chez Murphy, par ses idées farfelues et jubilatoires, autre formalité de ses séries. Il reste intéressant de voir comment il compose sa perception de la chirurgie esthétique, vision assez peu présente dans les séries actuelles, et comment il la met en scène. À n’en pas douter, il ne faut pas oublier les séries d’antan et celle-ci fait définitivement partie des pépites de la télévision à découvrir et à déguster rapidement et sans modération !
15 ans plus tard, Nip/Tuck n’a pas à rougir d’un certain coup de vieux totalement inexistant grâce à sa question de la propriété de notre corps encore très actuelle et se doit d’être regardée pour nous ouvrir encore plus l’esprit sur toute la diversité qui nous entoure. Une série qui vous charmera sans problème, au moins pour ses premières saisons si vous n’adhérez pas au concept des dernières. Et si tel est le cas, alors permettez-moi de vous demander « qu’est-ce que vous n’aimez pas chez Nip/Tuck ? ».
Moi j’ai vachement bien aimé cette série..sexe, chirurgie, pognon, excés…beaux gosses …tout ce qui fait que cette série etait vraiment bien!! Merci pour ce rappel
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