On a terminé

Coin-coin et les z’inhumains: pizza de arte

Aujourd’hui, je vais vous parler de cet ovni télévisuel dont la diffusion vient tout juste de se terminer sur arte : « Coin-coin et les z’inhumains », une série créée par Bruno Dumont, hauts-de-français de son état.

Cette série fait suite au « p’tit Quinquin » mettant en scène les mêmes personnages. Vous pouvez retrouver notre critique qui date de 2014.

Nous suivons donc quelques personnes au sein d’un village du nord de la France. Le petit quinquin devenu « coin coin » avec ses amis, ainsi qu’un commissaire et son lieutenant. Le village fait soudain face à des phénomènes étranges : une pluie d’une sorte de pétrole qui pue (ils appellent ça du « brin » , mot picard et chti signifiant « merde ») et qui provoque la duplication des gens du village.

Si vous voulez essayer de comprendre à quoi rime toute cette histoire, passez votre chemin. Cette série n’est pas une histoire avec un début, des péripéties, et une conclusion. On est face à une sorte de tableau burlesque, avec une fin à la Monty Python. De l’absurde érigé au rang de personnage principal de la série. Là où certains hauts-de-français y voient une peinture déformée de ses habitants; ils poussent le clichés du chtimi/picard très très loin, ils sont tous à la limite du cas social; les nombreux spectateurs amusés y voient, eux, une peinture totalement absurde, sans lien apparent avec la réalité. Car c’est bien ce dont il s’agit.

L’histoire, d’abord, est totalement fantastique, dans le sens littéraire du terme : des grosses flaques d’une sorte de pétrole tombent du ciel, un grand ciel bleu, jamais filmé. Et la nuit, ou quand ils ne sont pas regardés, le pétrole se transforme en une lumière sonore (le bruit ressemble pas mal à un bruit de drone en vol !) et rentre dans la peau du premier venu pour le faire « accoucher » de son clone. Une sorte d’invasion par le remplacement. (tiens ? Le « grand remplacement », ça rappelle un petit quelque chose, ça, non ?)

Mais l’intérêt n’est pas dans cet aspect fantastique, qui n’est qu’un ressort de plus pour faire briller le personnage « absurdité » de cette série.
Chaque personnage est totalement foutraque, parfois idiot, parfois avec une lueur d’intelligence, avec un accent à couper au couteau. Car, oui, c’est très marqué par l’accent du nord, et je pense sincèrement qu’un marseillais par exemple aura parfois du mal à suivre les mots particulièrement mâchés par le commissaire !

Il est important de préciser que Bruno Dumont a choisi de ne faire jouer que des gens du crus, dont ce n’est pas le métier. Et malgré les maladresses parfois visibles des acteurs et actrices, Dumont réussi le pari de rendre chaque acteur attachant, et du coup, de nous donner un résultat qui sert l’absurdité de la série.

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Mon préféré restera ce fameux commissaire, avec de faux airs de Groucho Marx (mais sans le cigare), des tics sur le visage, un accent picard/chti très prononcé et une répartie bien placée (le running gag du « vous faites un AVC, là ? » : je crois que je vais le garder !). Pourtant, là aussi, Dumont a précisé que l’acteur, ayant du mal à retenir son texte, jouait avec une oreillette, et c’est un fait qu’on peut la remarquer dans certaines scènes, même si l’oreillette est couleur chair. Mais malgré cette difficulté supplémentaire, le résultat est plus que splendide, et je ne serais pas étonnée qu’on finisse par le voir dans d’autres productions, s’il est bien entendu prêt à changer de carrière !

Le rythme de la série est plutôt lent. Je ne crois pas avoir déjà vu une série comique aussi lente. Cela peut être déroutant et faire perdre des spectateurs dès le début, mais la lenteur participe au tableau général de la série. Beaucoup de plans qui laissent s’installer la scène. Même les fins de scènes, quand l’action est finie, mettent du temps à se poser. On respire avec cette série.

La série est difficile à décrire, car c’est comme si l’on nous demandait de décrire Guernica ou le radeau de la méduse. Tellement fourmillant de détails qu’on a peur d’en oublier quand on en parle. Il n’y a pas de morale, pas de chute, pas vraiment d’histoire même, en y regardant bien, on a juste une peinture absurde ou burlesque de la vie, que l’on choisit de regarder avec plaisir ou à laquelle on ne veut/peut pas adhérer. Sauf qu’on ne peut s’empêcher de voir une résonance avec l’actualité, la montée des extrêmes, le renfermement sur soi qui pullule dans le monde entier.

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Une substance foncée (brune ?) surnommée « les z’inhumains » se met à envahir les humains, ça devient « l’apocalypse », une « invasion » et même la « fin du monde » selon les mots du commissaire (et de son double). Sans donner de leçon, Dumont nous présente un ovni absurde qui démontre peut-être l’absurdité de notre monde bien connu. Ou pas. Je ne veux pas prêter de faux messages à son créateur. Mais c’est toujours passionnant de réaliser qu’après avoir ri, on peut déceler une forme de critique, un message sous-jacent, tout comme on peut se contenter de ce qui nous a fait rire, et bien vivre avec.

Pour ma part, je me suis beaucoup amusée en regardant cette série mais elle n’est pas à conseiller à tout le monde. L’absurde est un art un peu particulier et n’est pas toujours compris au premier abord. Surtout lorsqu’il s’agit d’un film. L’absurde passe peut-être un peu mieux avec un dessin animé par exemple. Sans compter l’accent picard qui peut ne pas être compris par tout le monde.

Mais soyons fous : une fois après avoir lu cette critique, vous pourrez regarder cette série ! Apprenons à découvrir de nouvelles choses, à décoder des formes d’humour, à sortir du rythme classique des séries américaines, des séries françaises classiques ou des séries nordiques.

Cette série a le grand mérite d’exister, de faire rire ceux qui veulent bien la comprendre, et de proposer un vrai bol d’air frais face à l’abondance des séries que l’on nous propose au quotidien.

Iris

Picarde, 2e des 3 fans français de Dr Who, sériephile, dessinaniméphile, x-phile et motion designer de métier

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