Legends of Tomorrow : tout un paradoxe
Legends of Tomorrow, le mash-up super-héroïque de la CW vient de conclure sa deuxième saison et malgré des audiences relativement faibles (moins de deux millions) pour le coût de la série, elle a été renouvelée pour une saison 3. Histoire de prolonger un plaisir nanardesque où on finit par s’y prendre.
ATTENTION SPOILER INTEGRAL SUR TOUT LEGENDS OF TOMORROW. LECTURE A VOS RISQUES ET PERILS.
Dans la saison 2 de Legends of Tomorrow, pour résumer un peu le bordel que la plus grande équipe de tocards au grand coeur a causé : devenus en quelque sorte les garants du Temps après avoir aplati les Maîtres du Temps, les Légendes ont perdu Rory dans une explosion nucléaire. Désormais menés par Sara Lance, ayant récupéré Vixen et Citizen Steel, ils ont par la suite rencontré la Justice Society of America, mais, entre deux rencontres incongrues, ont dû faire face à une alliance de vieux ennemis : Damian Dahrk, Malcolm Merlyn et Eobard Thawne, dite Legion of Doom. Les deux groupes se disputent alors la Lance du Destin, un artefact si puissant qu’il permet de réécrire la réalité elle-même…
On l’admet, nous étions assez consternés devant la première saison et même les premiers épisodes de la deuxième saison de Legends of Tomorrow : toujours plus d’exacerbation, de libertés avec le temps, de manières de se servir dans l’immensité de l’Histoire au service d’histoires assez grotesques, voire ridicules, pour ne pas dire pathétiques (à commencer par la royauté française dans le season premiere). Cette saison, George Washington, Albert Einstein, JRR Tolkien, George Lucas, Al Capone, Ulysses Grant, rien que ça, entre autres, ont eu les honneurs d’une visite des plus grands fouteurs de bazar que le Temps ait jamais connu. Et puis, par un certain miracle, après avoir bafouillé sa créativité artistique pendant une bonne moitié de saison, Legends of Tomorrow a fini par trouver son rythme de croisière : celui d’une série qui s’éclate, complètement, qui, enfin, assume sa non-éloquence pour proposer quelque chose de plus fun. On a l’impression, et ç’a été confirmé par Dominic Purcell (qui joue toujours aussi mal, et ça se voit d’autant plus qu’il a un rôle prépondérant cette saison), que les acteurs se sont réellement fait plaisir et se sont paradoxalement dégagé de la marque « voyage temporel » accolée sur leurs aventures. Il suffit de voir les 5 derniers épisodes, qui sont toute l’essence de leur combat avec la Legion : retourner dans le temps en 1916 pour récupérer Tolkien qui a écrit un manuscrit non-publié qui dirait que le sang du Christ existe réellement, et donc aller le récupérer sur le champ de bataille. Toute cette spontanéité absurde (les Légendes de Demain VS La Légion de l’Apocalypse, ca en jette, non ?) fait de Legends of Tomorrow une série qui se regarde, paradoxalement, bien : plus c’est gros, plus ça passe. Mick Rory, le plus débile de tous, le bandit au grand coeur, vraiment ?
Qu’on ne s’y méprenne pas : en termes artistiques, la série est encore loin du compte. Entre des acteurs qui ont oublié de jouer (Nick Zano a été insupportable les deux tiers de la saison, Maisie Richardson-Sellers à peine moins limitée que Ciara Renée, Brandon Routh en roue libre, entre autres), des histoires à l’eau de rose (ils n’ont pas pu s’empêcher de coller une love story bidon entre Amaya et Nate, façon « le temps nous sépare mais l’amour nous réunit »), des dialogues nullissimes (« nous sommes contraints par l’immuabilité du temps, mais nous sommes plus forts que ça »), des trucs complètement invraisemblables (sur Tolkien, mais on oubliera pas aussi le voyage dans la tête de Rip Hunter où il embrasse une version matérialisée de Gideon), sans compter les plagiats de la pop-culture et surtout un manque d’originalité (ou comment faire du recyclage avec un trio maléfique Thawne/Merlyn/Dahrk, histoire de donner envie de revoir Flash et Arrow), Legends of Tomorrow est un modèle de beaucoup de choses à ne pas faire. Mais son plus grand succès, c’est d’avoir réussi à se faire aimer pour ça. En osant quelque chose de sincère malgré le manque d’originalité, dans une idée de sublimer cette dichotomie qu’elle porte en elle. Legends of Tomorrow, entre les deux parties de saison, est passé du statut d’aberration à celui d’objet cinématographique non identifié, dépassant complètement son statut de célébration pour essayer d’accoucher de quelque chose de scénaristiquement viable, et réussissant à moitié. Oui, parce que c’est bien plus jouissif, avec quelques idées bien vues ; non, parce qu’on ne peut pas décemment se contenter d’une série condensant un tel nombre de clichés, de portes ouvertes, d’idées reçues et de fonds verts. Le destin du monde qui repose sur l’envie de George Lucas de réaliser des films, réellement ?
Dans la saison 1, Vandal Savage était juste un espèce de running gag ambulant, un Docteur Gang qui s’échappait à chaque fois, au gré des époques. Cette fois, la série a fait constamment agir la Legion of Doom, de sorte qu’il y avait une opposition constante aux Légendes, et pas juste un espèce de maître criminel. Surtout, et même si c’est un personnage qu’on a déjà vu, Eobard Thawne s’est trouvé être bien plus terrifiant que son prédécesseur, volant la vedette à Damian Dahrk jouant les bras droits et à Malcolm Merlyn jouant les utilités. Peut-être parce qu’un vrai super-pouvoir comme la super-vitesse, ça change tout. Certes, on a eu droit à du recyclage et à des ennemis clichés sûrs d’eux face à des héros touchés mais jamais coulés : mais en sublimant pleinement son côté CWverse, Legends of Tomorrow a proposé quelque chose, a réussi à atteindre le stade où une série explore ses possibilités et attire le spectateur. Outre la vilenie de Thawne, bien plus cruel que dans Flash et réussissant à captiver par son imprévisibilité, l’idée notamment de rendre Rip Hunter méchant et le retourner contre son équipe, avant de réitérer avec Leonard Snart, a été l’une des trouvailles d’une série qui s’est aussi donné la peine de créer une vraie tension. Passer dans la tête de Rip (Arthur Darvill, surnageant parmi les cabotins), le personnage le plus intéressant et la matrice de la série, a permis une première ébauche de réflexion sur celle-ci : il est celui qui sait, auquel on se réfère, l’espèce de point névralgique stratégique donnant corps aux enjeux (les Légendes sont perdues sans lui à son bord, et quand il tourne mal, tout tourne mal, forçant à agir plus à l’instinct que dans les règles), enclenchant le second souffle de l’équipe, finissant même par être en retrait. C’est d’ailleurs son retour en deuxième partie de saison qui permet à la série de repartir : espérons que la saison 3, sans lui a priori, ne retombe pas dans ses travers, surtout vu le season finale (où pour une fois la série a pris en compte un vrai impact temporel majeur). Parce que Einstein en vipère lubrique, sérieusement ?
Legends of Tomorrow a opéré une sorte de mue bizarre. Et pourtant, malgré nos réticences cinéphiliques, elle fait du bien. Legends of Tomorrow reviendra pour une saison 3.