LE SERPENT AUX MILLE COUPURES : RETOUR EN FORCE POUR TOMER SISLEY
Sud Ouest de la France, hiver 2015.Un motard blessé quitte les lieux d’un carnage.Le mystérieux fugitif trouve refuge chez les Petit, une famille de fermiers qu’il prend en otage. A ses trousses : des barons de la drogue colombiens, le lieutenant colonel Massé du Réaux, et un tueur à gage d’élite, qui sont bien décidés à le neutraliser, par tous les moyens. L’homme a déclenché une vague de violence dont personne ne sortira indemne…
Ce qui fait plaisir dans cette production c’est que le spectateur n’a jamais l’impression de regarder une œuvre à intention commerciale avec un casting pas vraiment bankable (pas mal d’acteurs inconnus), aucune sensation d’auto-censure et donc une vraie sincérité et un engagement de la part du réalisateur. Le public se fera facilement happer par l’histoire, le suspense est au rendez-vous, ainsi que l’hémoglobine.
Le racisme et les non-dits sont au cœur de l’intrigue, on pourra reprocher au métrage quelques clichés façon le stretch des chasseurs des inconnus et chaque ethnie a son lot d’image d’Epinal un peu trop appuyée qui nuit à la qualité de la production. « Le serpent aux mille coupure » est donc un melting-pot culturel où la mondialisation fait que tous les malfrats d’origines multiples se retrouvent en pleine campagne et bien entendu la situation dégénère évoluant en un huis-clos claustrophobique alternant avec une enquête policière. Des mafieux Italiens associé à un cartel Colombien viennent troubler la calme apparent des vignobles, mais vont devoir se dépêtrer des paysans antisémites.
Eric Valette a soigné son bad guy atypique en embauchant l’asiatique Terrence Yin, au regard d’acier . Un croque mitaine très bavard (ce qui est rare en général pour un militaire tueur à gage) qui sera surement le personnage le plus approfondi au niveau de ses anecdotes qui sont hélas pas des plus joyeuses mais qui permettent à ses victimes d’imaginer ce qui va leur arriver. La torture et les corps démembrés sont aussi au rendez-vous, Valette suggère parfois ces plans peu ragoutants mais ose montrer le principal (attention aux âmes sensibles). Terrence Yin convint clairement en mercenaire mystérieux et très professionnel qui arrive toujours à ses fins grâce à son sadisme sans limite, le physique charismatique et inquiétant de l’acteur joue énormément et sera clairement la révélation du film. Le titre du film est d’ailleurs inspiré d’une des histoires contées par ce protagoniste. Un méchant qui aurait assuré dans un épisode de 007.
Le rôle de Tomer Sisley est beaucoup plus traditionnel, héros ambigu solitaire dont on ne connait rien du tout, qui part comme il est arrivé. Une place importante de la narration s’attache à la relation qu’entretient le héros avec la famille où il atterrit et qu’il doit prendre en otage le temps de se soigner et de remettre les chose à plat. Dommage que cette partie rétention soit prévisible et ne nous épargne pas le syndrome de Stockholm, et ne nous donne même pas l’occasion au motard de se dévoiler a minima.
Même si le script est peu vraisemblable par moments (beaucoup trop de coïncidences), un final explosif et jouissif dans la lignée des chiens de paille avec une maîtrise de la tension indiscutable. Malgré une distribution constituée de comédiens peu médiatisés, les seconds couteaux offrent des prestations solides et crédibles. Dommage que certains soient un poil caricaturaux et colportent encore un message négatif sur l’aspect cosmopolite de la France à l’international et une image de la police frenchy à la ramasse.
Le serpent aux milles coupures est une série B sans concession, anxiogène qui gagne son pari tout en préservant une clarté et une simplicité d’exécution, tout en restant efficace.