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Le Monde de Dory : l’espoir de se retrouver

On fait une pause dans l’avancée de notre rétro ce soir pour notre petite journée Nemo : vous avez eu l’original ce matin mais il est temps à présent pour une petite exclusivité : Le Monde de Dory !

Il y a quelques années maintenant (on se sentira tous vieux si je vous dis combien) sortait Le Monde de Nemo, film de poissons sur l’abandon et les retrouvailles qui en avait ému plus d’un. Le film avait eu un impact délirant sur la pop culture (et un peu, aussi, sur l’écosystème vu la recrudescence de l’intérêt public pour les poissons clowns), et, Pixar, sans doute poussée par la grande Disney, appréciant de plus en plus jouer la carte des valeurs sûres, a eu l’idée somme toute logique d’en sortir une suite, rejoignant donc la liste qu’occupaient déjà Cars, Toy Story (avec, bientôt, un quatrième film) et Monsters Inc (oui, c’était un préquel). Comme avait pu le faire Cars 2, à ce jour seul Pixar ayant vraiment déçu son audience avec Le Voyage d’Arlo l’an dernier, Le Monde de Dory fait le choix risqué de faire reposer l’intrigue sur le sidekick rigolo du héros du premier épisode, le poisson à troubles de la mémoire immédiate Dory.

Etant très fan du premier film, telle ne fut pas ma surprise au cours du visionnage de celui-ci, qui m’a paru supérieur. Force est de constater, d’abord, que Pixar semble avoir appris d’erreurs qui lui ont été reprochées (l’intrigue policière absurde et hors sujet de Cars 2 par exemple) ou non (la dédramatisation systématique des enjeux que constituait Vice Versa ou encore, parfois mais bien plus rarement, Là-Haut), le projet de faire une suite au chef d’œuvre souvent proclamé de la firme pouvait inquiéter au vu de la baisse de régime que celle-ci ces dernières années. Mieux que ça, Pixar évite le choix (très payant vu la qualité du film mais peut être assez facile) qu’avait fait Monsters Academy de changer carrément de genre pour un film plus drôle et plus léger : Dory était un personnage complètement comique dans le premier opus, mais elle est à présent au centre de l’intrigue et c’est sous des yeux surpris que le personnage montre tout son intérêt dramatique.

Le Monde de Dory
Les parents de Dory !

Le Monde de Dory a tout de l’exercice de style : Dory, suite à un coup d’énervement et de prise de confiance en elle, part à la recherche de ses parents comme Nemo partait à la recherche de la reconnaissance. Seulement, elle aussi est enlevée par des humains qui ne veulent en quelque sorte que son bien (la mécanique est inversée, exit les méchants humains comme le dentiste, même si les enfants sont toujours des dangers publics), et c’est à Nemo et Marin de la retrouver. En un sens, le film d’Andrew Stanton fait le même choix que J.J Abrams pour son Star Wars, il reprend l’intrigue du film original, seulement ici cela passe aussi par un effort exceptionnel de réadaptation, sous couvert de raconter la même histoire, Le Monde de Dory prend vite ses marques, les personnages du premier film deviennent secondaires dès l’introduction (on voit la scène de rencontre entre Dory et Marin, du point de vue de Dory) et le film peut alors prendre son envol thématique.

Le Monde de Dory fait souvent pleurer. Pixar a le chic pour mettre les larmes aux yeux dès l’introduction, on se souvient encore tous de La-Haut ou même du premier Nemo. Ici, la toute mignonne petite Dory est abandonnée dans des circonstances qui nous seront révélées durant le film, le spectateur apprenant tout en même temps que Dory qui recouvre sa mémoire, elle erre seule durant des années en allant à oublier jusqu’à ce qu’elle recherche, c’est un ensemble d’éléments visuels et sonores qui iront jusqu’à lui faire se remémorer des bribes de souvenirs bien enfouis. Le classique choc sur la tête, ici, est psychologique et tient à l’environnement, psychanalytiquement le Monde de Dory est très juste et il est évident que l’anthropomorphisme est une fois de plus de rigueur chez Pixar.

Le Monde de Dory
Hank le poulpe, nouvel ami de Dory

On est impressionné par ce qu’arrive à accomplir le Monde de Dory en sachant d’où vient le film et quelle est sa principale vocation. La voie de garage était quasiment évidente pour le film, il s’agissait simplement de reproduire le succès du premier. De par certains détails, c’est le cas, visuellement par exemple le film est absolument formidable de par son traitement des profondeurs et des lumières marines (le film a été vu en 2D mais sera revu en 3D vu ma conviction personnelle que de la profondeur de champ apporterait pour une fois plus au film), mais la vérité est qu’à ce niveau là le film original était déjà d’une perfection quasiment totale dans le visuel des décors et des lumières et que, de ce fait, la surprise est passée. Au niveau de l’animation des visages, la chose est tout autre : les idées créatives sont là pour les particularités faciales des poissons (l’imitation d’un semblant de calvitie du père de Dory est hilarante) mais aussi et surtout pour la transmission des émotions, Dory est un poisson créé via ordinateur et arrive pourtant, autant par ses lignes de textes, les évènements de sa vie et ses expressions, à communiquer autant qu’une Alicia Vikander dans The Danish Girl.

L’émotion du Monde de Dory n’est pas que visuelle, elle est scénaristique, tient à l’intrigue principalement mais aussi à l’atmosphère du film en général. Quelques gags subsistent, on rit bien sûr beaucoup des lions de mer par exemple, mais le film d’Andrew Stanton n’a en vérité pas l’air d’être ici pour ça. De nombreux personnages loufoques apparaissent tout au long du film mais ne sont pourtant pas simplement des prétextes à quelques gags bien sentis, sont utiles à la narration et à l’avancée de l’intrigue (la baleine à grosse tête qui aide par son sonar à beaucoup de choses, les lions de mer qui permettent l’accomplissement de la scène finale) et parfois des facteurs de recouvrement de mémoire pour Dory (la baleine maladroite qui est son amie d’enfance, le poulpe qui assume à la fois la fonction d‘adjudant et d’aide mémoire, en n’oubliant pas d’avoir son propre drame à régler). Dans Le Monde de Dory, rien n’est là par hasard, tout existe pour une raison de construction scénaristique finalement assez complexe et intéressante, le gag même le plus absurde comme la voix de Claire Chazal, quasi intervention divine par moment, est un prétexte pour faire avancer l’intrigue !

Le Monde de Dory
Oui, Kev Adams double le truc blanc en VF et il est assez convaincant

Intrigue dont la construction scénaristique est pourtant assez simple : on a droit au schéma typique même si l’élément perturbateur arrive très tôt dans le film, le reste est vraiment de l’ordre du classique avec l’espoir de réussite, la rencontre des adjudants nécessaires, même le passage All is Lost est présent dans le film. Mais le film n’avait finalement pas besoin d’aller chercher plus loin, le schéma est utile pour raconter ce que le film veut dire de la perte de soi et de ses repères, dans Le Monde de Dory la maladie de Dory n’est plus, ou très rarement, un prétexte à rire, mais la force dramatique même du film ! Le résultat tient du miracle, Andrew Stanton surprend une fois de plus dans la confiance qu’il place en ses personnages, confiance qui est d’ailleurs un des maîtres mots du film, depuis le début tout repose la dessus (Nemo voulait montrer qu’il était fort comme les autres et Dory est très tôt dans ce second film montrée comme une outsider.

Le maître mot du film est bien de rester soi-même, ou de se retrouver. C’est un questionnement que je me pose souvent et de fait le film m’a particulièrement touché, le film pose la question du « qui suis-je », en cherchant ses parents Dory cherche l’appartenance à une communauté, elle se cherche elle même et c’est en cela que le film est si agréable et émouvant : il donne une réponse belle, simple, et rassurante.

AMD

Adrien Myers Delarue

Résidant à Paris, A.M.D est fan de Rob Zombie, de David Lynch et des bons films d'horreurs bien taillés. Sériephile modéré, il est fan de cultes comme X-Files, Lost, ou DrHouse, ou d'actualités comme Daredevil ou Bates Motel.

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