Critiques de films

Le Monde après nous (Netflix) : ailleurs, la fin du monde

Sam Esmail est connu pour être derrière Mr. Robot et être Mr. Emmy Rossum (l’enfoiré), mais avec Le Monde après nous, il propose un long-métrage sur une fin du monde intimiste.

ATTENTION SPOILERS SUR LE FILM (notamment sa fin)

Sam Esmail est connu chez moi pour être avec Emmy Rossum, je vous l’avais déjà dit ?), mais aussi derrière Comet, avec Emmy Rossum. Cette rom-com sibylline nous emmenait entre les réalités pour un bel exercice de style.  Le Monde après nous est seulement son second long-métrage. Il est disponible sur Netflix.

Amanda (Julia Roberts) et Clay (Ethan Hawke) louent une maison dans un coin reculé du Long Island pour y passer des vacances paisibles avec leurs deux enfants. Un soir, les propriétaires, Ruth et G. H. (Myha’la Herrold et Mahershala Ali), reviennent en urgence, affirmant qu’une coupure électrique a paralysé les alentours. Sans téléphone, télévision, ni internet, les locataires plongent dans l’incertitude. Peuvent-ils vraiment faire confiance à leurs hôtes ?

Le Monde après nous (Leave the World Behind) est une adaptation du roman du même nom publié en 2020 par Rumaan Alam. L’histoire commence comme un home invasion classique pour virer dans un thriller plus psychologique que spectaculaire.

Sam Esmail semble apprécier le travail de M. Night Shyamalan tant son film respire la Shyamalanerie. Ce n’est pas péjoratif tant que réalisateur de Signes arrive à capter des ambiances pensantes créées par une mise en scène inspirée. Ici, Esmail se sent pousser des ailes et écarte toute contrainte de décor pour balader sa caméra à travers vitres et mûrs. C’est fluide, malin, un peu vain, mais c’est toujours un gimmick appréciable qui nous sort des mises en scène plan-plan.

le monde après nous, sur Netflix

Outre ces effets de caméra, on retrouve un casting plutôt solide avec une Julia Roberts, productrice du projet également, qui joue une mère de famille qui hait les gens. Elle le dit dès le départ du film. Mettre autant d’antipathie chez un personnage est plutôt osé. Pourtant, on ne peut qu’être d’accord avec elle. Et si ce trait de personnages ne transparait que timidement dans l’histoire, il permet un regard un tantinet intéressant en fin de film, quand il faut tirer les leçons de tout ça.

Car oui, Le Monde après nous n’est pas qu’un banal film de fin du monde bobo. On l’a eu avec Don’t Look Up (disponible également sur Netflix), ce genre de films qui empêche tout effet divertissant (destruction-porn j’entends) pour brosser une société en déclin qui est son propre ennemi et qui ne se sauvera jamais. Le terme bobo rappelle juste que nous sommes face à des films qui se posent beaucoup de questions mais qui n’apportent pas vraiment de solutions. Ce n’est pas un mal tant le film se suffit à lui-même avec cette ambiance tendue et cette fin pessimiste qui veut tout dire.

Le spectaculaire est quand même présent sans en faire trop. Outre la première scène avec le pétrolier, plutôt bien fichue, on tique déjà sur le fait que seuls les personnages principaux sont la cible des événements. Le pétrolier fonce sur eux, les Tesla aussi, l’avion également et le drone ! Outre ces malheureux hasards, le film offre quelques séquences marquantes. Celles citées sont toujours mises en scène avec élégance. Bémol, cela dit, sur la scène de l »‘attaque des Tesla » qui sonne faux. 

Nous sommes vraiment dans un film qui rappelle fortement les œuvres de Shyamalan. Et pourquoi pas ? 2h20, c’est beaucoup pour un film qui prend son temps. Nous sommes entre quatre personnages dans un lieu unique. L’exercice est intéressant, intrigant et plutôt pertinent. Savoir que la fin du monde est là, en dehors de nos mûrs est souvent plus efficace que de la montrer frontalement. Les menaces invisibles ou lointaines, que l’on a vu dans Signes, Phénomènes pour ne citer que les films de Shyamalan, ou encore The Mist, sont celles qui se matérialisent dans notre imaginaire et qui forge nos peurs et nos angoisses.

On ne peut que saluer cette tendance à montrer un monde en déclin face à des cyberattaques ou la chute d’une société, seulement si on apporte un regard intelligent et, pourquoi pas, salvateur. Ce qui manque dans Le Monde après nous est une vision. Pessimiste ou optimiste, il faut qu’on ait un peu de réflexion. Là, c’est plutôt un état de faits. L’homme se pourrit lui-même. C’est à force d’être dépendant de technologies, d’habitudes, de routines, que l’Homme se perdra quand ses dépendances ne pourront plus être assouvies.

le-monde-apres-nous-white-lion-bateau

C’est d’ailleurs déroutant de voir que cette quête de sens transparaît dans le personnage de la fille, jouée par Farrah Mackenzie. Elle qui ne peut pas terminer Friends sur sa plateforme de streaming, faute de réseau, cherche désespérément à terminer la série. C’est au détour d’une scène qu’elle explique que Friends l’aide à voir un monde qu’elle idéalise, et qui lui donne du bonheur. Bizarrement, elle ne souhaite pas se pencher sur les anciens épisodes, elle veut terminer la série. Et dans la conclusion du film, elle trouve son salut dans un bunker où des DVDs de la série sont gardés. Elle insère le DVD du dernier épisode et le lance. Les Rembrandts. Fin du film.

Alors que la ville brûle sous le regard des protagonistes, une ado qui ne jure que par les écrans, se retrouve devant un autre, moins connecté. Mais on n’ira pas plus loin. « I’ll Be There For You » résonne alors que le générique de fin défile. Le personnage de Julia Roberts parlait de l’individualisme, celui de Myha’la Herrold du vivre ensemble. Mais cette scène finale nous rappelle juste qu’il faut rester maître de ses actions en quelque sorte.

le monde après nous sur Netflix

Le Monde après nous est un film solidement mis en scène et qui est clairement la face B de Don’t Look Up. Netflix propose deux films sur notre place dans le monde. Ce n’est pas anodin. La réflexion se fait plus après le film que pendant. Ce n’est pas un mal. C’est possiblement frustrant pour un film qui doit nous questionner sur la société en devenir. Mais comme Don’t Look Up, on se félicitera d’avoir un film qui bouscule un peu mais pas trop notre réflexion. Et on ira sur autre chose deux minutes plus tard. Tristesse.

Tom Witwicky

Créateur de SmallThings, 1er Geek Picard de la planète Exilé dans le 92

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