Heroes Reborn : le monde ne suffit pas
C’est la pause pour Heroes Reborn ! A l’issue de l’épisode 10, la série s’est mise en veille jusqu’à début janvier, à partir de quand elle diffusera ses 3 derniers épisodes…
ATTENTION SPOILERS INSIDE. LA LECTURE DE CET ARTICLE SE FAIT A VOS RISQUES ET PERILS
Après s’être replongé doucement mais sûrement dans l’univers de Heroes grâce au pilote réunissant les deux premiers épisodes, il était temps de passer aux choses sérieuses et voir de quoi il était réellement question dans ce revival. Ainsi, Noah Bennet court après ses souvenirs (et bien plus encore), Luke Collins après son identité, Miko Otomo après sa quête de vérité, Tommy après son destin, Carlos Gutierrez après son neveu José, Quentin Frady après sa soeur, et Malina après la raison de se trouver dans cette série (pour le moment). Tout ce petit monde est mobile par les projets un schouïa mégalos d’Erica Kravid, qui face à une prochaine inversion du champ magnétique terrestre cherche à se servir des Evos (notamment de Hiro) afin de non seulement acquérir la confiance de la population, mais aussi de construire un pont à travers l’espace et le temps afin de faire pérenniser l’espèce humaine dans le futur…
Ce projet du « méchant » de la série est non seulement alambiqué, mais en plus il met du temps à véritablement s’éclaircir à nos yeux : c’est à l’épisode 10 qu’on apprend pour la ville du futur qu’Erica a crée, Gateway ! Auparavant, nous avons surtout une femme légèrement narcissique qui utilise notamment Molly Walker pour avoir des yeux et des oreilles sur les Evos, alors qu’elle-même a des Evos (Harris le resucé de l’Agent Smith en tête) sous son contrôle. C’est assez représentatif de ce que Heroes Reborn tente de nous proposer : beaucoup de bonne volonté, des efforts pour faire original et complexe, mais qui reste au stade du minimum syndical et des bonnes intentions. Au final, pas mal de choses sont soulevées par la série (la thématique du voyage dans le temps et des effets papillons étant la plus intéressante), mais n’arrivent jamais à atteindre un véritable niveau d’excellence, se cantonnant au statut d’agréable divertissement entre l’encéphalogramme plat et le coeur d’un coureur kényan, avec parfois quelques soubresauts véritablement intrigants (les deux épisodes June 13th). Des Heroes se battant pour la revendication de leurs droits et de leur fraternité avec les humains, tout en ayant la mission de sauver le monde, il ne reste plus qu’une lutte interne, un conflit d’intérêt bateau et épuré sur la destinée tant la série manque, paradoxalement, d’explosivité.
Phénomène interloquant et assez décevant : la série a fait des promesses au moment de son pilote, et même avant d’être diffusée, avec notamment les murs tagués « Where are the heroes », et laissait planer une ambiguïté bienvenue sur l’identité et les motivations profondes des personnages, rendant par cela floue l’identification et l’adhésion du spectateur. Il n’en est plus rien : la série s’est rapidement transformée en une lutte manichéenne où même le changement de camp de Quentin Frady après le double-épisode June 13th n’y a rien fait, et où les connexions s’établissent peu à peu autour de Noah Bennet et tous ses mouvements pour sauver le monde, les Evos, et même les enfants de Evos (Tommy, Malina, José…), afin de grossir les rangs contre la belliqueuse Erica Kravid qui est clairement la seule à avoir des intentions néfastes. Pour un peu on s’associerait à elle, par compassion, vu comment tout le monde lui tourne le dos de manière plus (Quentin devenu un traître, mais qui se remet à douter dans l’épisode 10, tout ça pour ça…) ou moins (Mohinder Suresh seulement venu pour faire « coucou, je suis là, je dois faire quoi ? ») incongrue… Tout le volet de l’inscription des Heroes dans la population est vampirisé par les événements en eux-mêmes, comme s’ils se déroulaient en circuit fermé (la seule réaction populaire à un Evo est à la toute fin de l’épisode 10 quand Malina… les sauve). Heroes Reborn n’est en rien insipide, bien au contraire, il est plaisant de retrouver tout ce qui faisait le charme de la série d’origine, mais il est dommage, alors qu’il semblait que la maturité fût là, que Tim Kring ait fait de son jouet favori, comme il l’a déclaré en interview, une « dixième saison », mélangeant les quêtes (Miko), recherches (Malina) et autres retournements de vestes (Luke) dans un but de jouissance, elle-même non-répartie équitablement puisque des arcs ne deviennent utiles que très tard (Malina, Carlos), le tout au lieu d’en faire un pur revival coupé de tout.
Car en effet, l’un des écueils majeurs de Heroes Reborn, qu’elle ne pouvait pas éviter (pas comme dans Dr Who, qui se contente de références à la série de 1963, mais fonctionnant par arcs indépendants, et n’établissant comme pont global que la quête de Gallifrey), c’est le poids de la série d’origine. A partir du moment où elle a décidé de s’appeler Heroes Reborn, la série ne pouvait véritablement éviter le télescopage contrôlé avec Heroes. Et si elle aussi part d’un postulat commun (le « hero coming out » de Claire Bennet), elle demeure dans un équilibre fragile, et visible, sans ses Heroes d’origine. Déjà de prime abord, Noah Bennet. Il est le connecteur entre les deux séries, un élément-clé sans lequel tout le projet ne serait rien. Alors soit : pour fédérer l’ensemble, il n’y avait que lui. Mais dans le pilote, le Haïtien tentait de le tuer, avant de finalement être tué. On croyait ainsi, puisqu’en plus il le laissait dans la nature sans souvenirs, que le cordon était coupé ; erreur, puisque le Haïtien est de retour, à la faveur de l’effet papillon, témoignant de la difficulté à tuer ses personnages. Cela se retrouve avec Hiro, certainement le personnage le plus cool de toute la mythologie, qui est une vraie bouffée d’air mais aussi un poids, puisqu’il bouffe l’écran dans les deux épisodes les plus intéressants, June 13th, revenant sur les événements tragiques d’Odessa, multipliant les ponts et rencontres en forme d’origin stories avec une dextérité remarquable. Et quand il se retrouve seul, vieilli de 16 ans, face à 3 Harris, on s’imagine bien qu’il pourrait y rester, mais la série ne prend pas la responsabilité de le faire. Enfin, que dire aussi de Molly Walker, aussi anecdotique qu’utile, puisque comme Hiro elle a été capturée par Erica, la méchante actuelle ; ou de Micah Sanders, lui aussi manipulé par la patronne de Renautas (qui en soit est un spin-off de Primatech) ? C’est Angela Petrelli, qui élève Malina (qui ressemble presque trop à Claire), et Hiro, encore, qui élève Tommy (dont le vrai nom est Nathan et qui a le même pouvoir que Peter). Autant d’éléments structurants de l’intrigue, et si on ne boude pas notre plaisir de les voir revenir, ces détails associés au fait qu’on ne semble voir qu’un divertissement rendent Heroes Reborn assez frustrant sur la forme et sur le fond. Cela se voit sur les audiences : elles sont quasiment été divisées par deux entre le pilote et l’épisode 10, et les partisans du « Heroes Reborn fanfiction de Heroes » ont de l’eau à leur moulin… Seule l’idée de rendre Matt Parkman méchant, jouant sur sa tourmente perpétuelle de savoir s’il peut sauver sa peau et ses pouvoirs mentaux, est une idée très intéressante qui sauve à peine l’édifice
Indirectement découle un autre problème de Heroes Reborn : son traitement des personnages. Si les vieux de la vieille n’ont eux plus rien à prouver (Masi Oka fait un délicieux Hiro, Cristine Rose semble toujours à l’aise en Angela Petrelli, Greg Grunberg est impeccable dans son nouveau costume), les petits nouveaux, eux, ne sont, tous, pas franchement à la hauteur, ce qui tire quelques balles dans les pieds de la série. Celui pour lequel on pourrait s’arracher les cheveux est Quentin Frady. Si ses intentions de réunion familiale sont louables, elles étaient un schouïa inintéressantes, et le transformer en traître avait du bon. Le problème, c’est que non seulement l’acteur surjoue en permanence, mais en plus il a des remords deux épisodes plus tard ! Tommy le talonne : s’il n’était pas défini par Hiro, qui l’a élevé et lui a transmis (malgré lui) le flambeau de l’espace-temps, le gamin (qui joue tout aussi mal) se perd dans une amourette aussi énervante que dispensable avant d’avoir une vraie origine (là encore, et littéralement, une filiation de Heroes) un véritable but à partir de l’épisode 9… S’ajoutent à cela les personnages inutiles jusqu’à l’épisode 9, Carlos et Malina, qui semblent perpétuellement se demander pourquoi on les a embauchés. La palme de la grosse incompréhension revient à Luke : non seulement Zachary Levi ne sait pas jouer le tragique, mais le détourner de sa voie pour choisir l’option ultra-prévisible comme quoi ce serait un Evo torpille toute l’attention portée à son personnage, qui en devient un boulet pour Jack Coleman, seul personnage crédible portant tant bien que mal beaucoup (trop) de responsabilités sur ses épaules. La série fait même dans le cliché avec Miko, la caricature de caricature de japonaise de conte cherchant à accomplir sa destinée, flanquée du bouffon de service Ren, une sorte d’Hiro en moins cool et sans pouvoir. Et on ne parle pas de Hachiro « à chaque seconde je prends une décision différente » Otomo… Reste Erica Kravid, le stéréotype de la méchante ultra-coincée dans son tailleur serré, honorable mais sans plus, et surtout le personnage le plus digne d’intérêt, Caspar, relativement bien développé dans sa mystique gestuelle jusqu’à sa mort regrettable, injuste, et bien trop grandiloquente… Tous ces personnages maintiennent tant bien que mal le bateau Heroes à flot, mais éprouvent les pires difficultés à se transcender, d’où leur relégation au second plan face au poids des anciens…
Il reste trois épisodes, que l’on imagine détonants, auquel cas les avoir conservés pour après Noël soulèverait encore plus de cris au scandale. Espérons qu’Heroes Reborn finira fort, afin de transformer un essai encore trop litigieux.
Vous oubliez de parler du Black, le bras droit d’Erika.
Il a la classe !
Si si, deuxième paragraphe, je le mentionne (« resucé de l’Agent Smith ») 😉 Après, oui, il a la classe, mais c’est un pion, quoi :p