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H-Man sur Arte : interview du réalisateur Joseph Cahill

La saison 1 (et sans doute unique saison) du programme court « H-Man » touche à sa fin ce soir sur Arte. Retour avec son réalisateur Joseph Cahill sur un drôle de projet au long cours, où le chanteur Arthur H se prend pour un superhéros qui fait face aux plus grands problèmes sociaux de notre monde… sans vraiment trouver de solution.

Enfoui dans la grille de programmation d’Arte depuis quelques semaines, le samedi soir en troisième partie de soirée, il y avait « H-Man ». Un drôle de superhéros, plutôt stoïque, incarné par Arthur H. Il a affronté les plus grand maux et ennemis de notre siècle : la crise grecque, le flot noir, l’énergie franco-allemande, en rencontrant une palanquée de guests artistes triés sur le volet, dont Jacques Higelin en pape, Annie Cordy ou encore Fiona Apple en improbable « Bio-Frau. » Le projet a mis très longtemps avant de voir le jour : initialement développé pour Canal +, avant d’échouer sur Arte, et a en réalité mis un an pour sa post-production avant de débarquer à l’antenne en mars dernier. On est longuement revenus sur la genèse du projet avec son réalisateur, les cliffhangers en guise de « non-sequitur » et les réactions du public à certaines projections publiques d’épisodes…

Quelle est la genèse du projet et du personnage de H-Man?

Joseph Cahill : D’une vidéo en 2008 que j’avais fait pour « Dancing With Madonna » d’Arthur H. C’était la première apparition de H-Man, et une de mes préférées, mêlant les absurdités politiques aux personnage de superhéros. Il y avait quelque chose d’original dans ce traitement sarcastique. D’avoir un superhéros dans une usine en Chine avec des enfants à faire des jouets… J’ai grandi à New York, une ville qui est toujours détruite dans des comics comme « Avengers », un archétype, un symbole. C’était drôle de voir d’autres références que ça. En créant ce personnage, on s’est découvert beaucoup de points communs avec Arthur, et c’est pour ça que j’aime travailler avec lui. Je le considère un peu le Tom Waits français.


Ce qu’il y a d’intriguant avec ce projet, c’est que vous avez mis 3 ans à le finaliser. Vous l’avez proposé à Canal +, qui l’a refusé. Depuis quand vous le développez pour Arte?

Difficile à dire, surtout pour des projets comme ça. Arthur H avait vu un de mes projets de court-métrage pour le site de Marvel, qui ont été avortés car ça n’avait jamais pris, c’était un peu de l’entre-deux entre animation et live action. Il l’a aimé, et on a commencé à faire un truc autour de H-Man. On a parlé de plusieurs formats : 52 mn, 26 mn, et on avait quelque chose de plus musical, avec des invités qui chantent sur 30 minutes. Mais Canal + trouvait ça trop cher et bizarre. Y avait moins d’éléments comiques qu’aujourd’hui c’était très surréaliste. H-Man était plus une sorte de détective, avec un ton plus sombre. On a écrit ensemble sur plusieurs mois, avec d’autres projets. Puis on a rencontré Marianne Lère, la productrice de la série, qui l’a envoyé à Arte, pour les créations courtes.

Tout ce que vous avez tourné avec les guests remonte à l’été 2012?

C’était à l’été 2012, avec un an de post-production. On a travaillé avec la chaîne pour voir la structure qui leur plaisait, et juste après j’ai tourné un moyen-métrage pour Canal + avec Arthur H, Mylène Jampanoï… Après le tournage, ça s’est plutôt désorganisé. Le budget était extrêmement serré, à peu près un budget de clip. C’est facile d’avoir une liberté artistique avec des clips, comme avec la pub, de raconter une petite histoire. En fait, la société d’effets spéciaux était très douée, mais très petite. Et pour un clip ça peut fonctionner, mais moins sur un projet avec 50 minutes en tout. C’était un problème de production pour un projet très ambitieux. Le défi, c’était de trouver le style de la série : Mais au final, sur ces 10 épisodes, je dirais que 6 reflètent quelque chose dont je suis satisfait.

A un moment, tu as aussi fait appel au financement collaboratif via Touscoprod. C’était à quel moment?

Vers la fin de la post-production, mais ça n’a pas marché. Parce que c’était un projet d’Arte, les gens pensaient que tout allait bien, mais la réalité était très différente. Depuis 1 an, j’étais sur autre chose, mais j’étais obligé de revenir sur la post-production tout le temps, d’une manière jamais planifiée. Beaucoup de personnes liées au projet n’avaient jamais organisé quelque chose de cette envergure auparavant, et ils étaient détachés sur d’autres choses à faire en même temps.

Quel est le rôle de Jordan Mintzer, votre coscénariste? Est-ce qu’il vous a aidé à structurer la série? La structure est un peu la même, prégénérique, menace, tentative de règlement de la situation… 

Il aide énormément. C’est quelqu’un de très drôle, qui habite en France depuis plus de 10 ans. Il est très informé, toujours sur « Le Monde », c’est une sorte de journaliste, presque. J’ai plus le côté visuel et l’expérience avec le montage d’un projet… En général, les sujets de chaque épisode, j’ai construit l’épisode, et Jordan m’a aidé sur les dialogues. On l’a fait en rigolant : des fois ça passait, des fois non, c’était trop trash. J’avoue que le format était une des choses les plus difficiles pour moi.

A chaque fois, y a des cliffhangers, et j’ai l’impression que la punchline c’est  : les problèmes affrontés par H-Man sont beaucoup trop graves et profonds pour qu’il puisse les régler ». 

C’était une idée entre moi et la productrice. J’aime beaucoup l’idée de subvertir l’image d’un superhéros. Ou d’un héros, car on peut dire que toutes les histoires fonctionnent selon les règles de la tragédie grecque. Ça me fait chier quand je vois que le héros suit le même chemin déjà tracé dans les autres formes. Avec H-Man, j’ai joué avec ce concept de héros trop passif. En même temps, c’était difficile d’établir une identité propre à H-Man, parce que c’était proche d’Arthur. H-Man c’est une sorte de capsule pour les sujets qu’il traite dans ses chansons, avec la touche poétique d’Arthur.

Y a des comicbooks qui parlent de sujets très politiques, mais « H-Man » a un regard très particulier sur les évènements politiques et sociaux. Quel est le regard porté par H-Man? Est-ce que c’est uniquement une satire?

C’est une satire qui peut dire quelque chose de sérieux. C’était d’avoir quelque chose de si absurde qui arrive à dire quelque chose d’important. Les épisodes les plus réussis arrivent à faire ça. Les émeutes en banlieue, je pense qu’on a eu du mal à le finir, car on fait des caricatures. Des gens étaient contents d’avoir une grande scène de danse à la fin. C’est un truc qu’on a vu 1 milliard de fois. J’ai trouvé ça marrant d’avoir une solution mal écrite, et j’ai rajouté des références aux émeutes de Los Angeles et aux incidents suivant la mort de Rodney King, en plus de celles aux émeutes de 2005. Y a beaucoup de dédoublements des danseurs dans cette scène, dû au manque de moyens pour les figurants.

Ca m’a amusé de mettre ses références, car je suis né à New York, j’ai vécu plusieurs années à Prague, depuis 7 ans je vis ici… Je me sens un peu comme un extraterrestre qui fait une sorte de collage entre plusieurs expériences sociales.

L’épisode du couple franco-allemand et de l’énergie nucléaire, c’est un des seuls épisodes où y a une résolution à peu près positive. C’est aussi l’épisode où apparaît Fiona Apple. Comment ça s’est passé pour mobiliser les guests comme elle? Ils sont tous venus à peu près au même moment?

Pour la résolution de l’épisode, c’est le seul à avoir une fin, et sans doute mon épisode préféré à cause de ça. C’est résolu de manière très Gainsbourienne, qui joue avec l’image d’Arthur : en réalité, il a un charme incroyable qu’il dégage. L’idée qu’un superhéros français un peu déglingué a cette sex bomb d’ex-copine allemande, dans ce costume de Bavière, peuvent sauver le monde en faisant l’amour, ça me plaît beaucoup. Je suis content de la finition de l’épisode et des thèmes, de faire quelque chose de si absurde, et de visible dans les deux pays.

Fiona Apple est une amie d’enfance. Elle m’a demandé de faire son clip (pour « Every Single Night », ndr), et son apparition était une sorte d’ « extra ». J’étais avec Fiona dans un studio avec Zach Galifianakis et Jon Brion et ils ont écrit une des chansons les plus stupides que j’aie jamais entendu. Elle a un très bon sens de l’humour, ce que les gens ne savent pas comme sa musique est très mélancolique. Je lui ai expliqué qu’une terroriste allemande va se transformer en plante géante, Bio-Frau. Elle parle pas allemand : l’allemand dans la série est une misère! C’était une sorte d’Allemand Google.

Le générique a été fait par un autre studio. Y a un T-Rex dans le générique?

J’ai eu envie de faire quelque chose style vieux comics, comme « Buck Rogers », « Flash Gordon », d’animé à la main. Ils ont eu une touche dessinée. Le plan final, c’est tous les personnages et H-Man. Le générique a été fait avant la fin du tournage de la série. Le T-Rex est dans « Le Flot Noir », c’est une marionnette que j’ai acheté dans un marché viêtnamien, un truc totalement horrible.

J’ai vu une apparition et un hommage à Serge Bromberg dans la série, qui coproduit aussi la série via Steamboat Films. Est-ce qu’il vous a aidé sur ce projet?

Marianne Lère, notre productrice, travaille pour Steamboat avec lui. Il n’y a que deux personnes qui ont vu le projet H-Man après Canal + : Luc Besson et le deuxième, c’était Serge Bromberg. Eux, ils ont eu envie d’essayer quelque chose de nouveau, et moi j’ai eu envie de travailler avec eux car ils ont fait des choses que j’adore, comme la restauration de « L’Enfer » de Clouzot.

 Sur la programmation : « Pour moi, au-delà de l’horaire, l’ordre de programmation des épisodes est illogique. Y a un côté très douloureux avec « H-Man », mais tout le monde est content que ça existe. Y aura pas de suite, en tout cas pas avec moi.

Comment a réagi le public aux épisodes, notamment au festival de Luchon? Quels sont les retours?

On a très peu montré la série jusqu’à présent. Et le festival de Luchon, on côtoyait la venue de séries comme « Scènes de Ménages », alors que notre humour est très alternatif. J’ai beaucoup apprécié ça. Les épisodes comme celui avec Mathieu Amalric ont eu une bonne réaction, et que ça marche aussi. Le sujet aussi, avec Jérôme Kerviel, les gens ont compris ça. Et pour l’épisode sur le mariage gai, j’ai eu une réaction du public que je n’avais pas vu : les gens étaient mal à l’aise, commençaient à parler entre eux… Ce qui est bizarre, parce que je vois « H-Man » comme une série presque pour les enfants, pas tellement choquant. Je viens d’une culture « South Park », où on prenait des risques, et les enfants regardaient quand même.

Joseph Cahill travaille actuellement à l’écriture de trois projets différents pour le cinéma, dont un d’anticipation. Tous les épisodes de la série sont visibles sur la chaîne YouTube d’Arte. Le site officiel : hman.fr

 

 

 

 

 

 

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