Entourage (Pass Warner) : bromance à Hollywood
Dans une ère post-MeToo, difficile de regarder Entourage sans une once de réflexion sur le degré de supportabilité et de crédibilité de l’ensemble. La série inspirée par la vie de l’acteur de Ted, Mark Wahlberg, semble venir d’une autre époque. Et c’est le cas.
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La série est créée et développée par l’inconnu Doug Ellin, qui s’occupera de la quasi-totalité des scénarios de la série… Elle a duré 8 saisons pour un total de 96 épisodes et un film. Entourage est basée sur l’entourage de Mark Wahlberg, l’ancien chanteur appelé Marky Mark et acteur dans Transformers, qui, après une remarque de son assistant qui voulait filmer son quotidien et celui de ses amis, s’est dit « ma foi, why not ! » Pour être plus clair, chacun y va de sa petite phrase pour se donner la paternité du projet dans l’entourage de l’acteur. La source la plus pertinente serait bien son ami Donnie Carroll, dit Donkey qui se confesse dans le livre From the Hood to Hollywood: A Soldier’s Story, sous-titré « ‘histoire qui a inspirée Entourage », l’histoire d’une trahison…
Entourage, une série sur rien ?
Entourage suit le quotidien de 4 amis dont la star montante, Vincent Chase, joué par Adrian Grenier. On le connait tous pour son rôle dans Le Diable s’habille en Prada et son apparition dans le clip Crazy de Britney Spears (qui est aussi le titre du film dans lequel il joue). Mais globalement, peu de gens l’ont vu ailleurs… On l’a vu récemment dans la série Netflix, Clickbait.
Vincent n’est pas vraiment le personnage principal de la série, du moins dans les premières saisons. Ses trois amis auront plus de matière à exister. Nous avons Eric « E » Murphy, joué par Kevin Connolly. Il est apparu dans la sitcom, peu connue en France, Unhappily Ever After pendant 5 saisons ou encore Friends with Better Lives, sitcom avec James Van der beek qui n’a duré qu’une saison. Eric est le manager et plus proche ami de Vincent. Il est inspiré par le producteur de Whalberg, Eric Weinstein, et son manager, Stephen Levinson. Johnny Drama est le frère de Vincent. Joué par Kevin Dillon (frère de Matt), acteur plutôt tourné vers les séries B, Drama est un acteur sur le retour qui tente de percer à nouveau. Ancienne gloire de la série Viking Quest, il veut se montrer à la hauteur de son frère. Turle est joué par Jerry Ferrara que l’on a vu ensuite dans Power. Il est directement inspiré par le fameux Donnie Donkey Carroll. De Donkey à Turtle, ce personnage est un ami proche de Vincent. Il vit à son crochet. Pour la petite histoire, Donnie lui-même a auditionné pour le rôle. Il mourra d’une crise d’asthme en 2005, un an après le début de la série…
Enfin, outre son manager, Vincent a un agent, Ari Gold, joué par le fantasque Jeremy Piven. Connu pour son rôle dans la sitcom Ellen, il est assez méconnu en France malgré ses trois saisons à la tête de la série historique Mr Selfridge. Il avait tenté de revenir dans la série Wisdom of the Crowd en 2017. Durant la même époque, il a été accusé par plusieurs actrices de comportements abusifs… Sa série est annulée à la suite de ces accusations. Depuis, et malgré des démentis et un test au détecteur de mensonges, Piven semble avoir été cancelled.
Des personnages féminins pauvres
Et ces faits font drôlement écho à ce qu’Ari Gold, son personnage, subit dans les dernières saisons d’Entourage où son comportement hautement abusif, forceur, vulgaire et grossier lui revient en pleine face. Mais c’est aussi toute la série qu’il faut revoir avec un regard différent puisqu’Entourage est vraiment un regard masculin sur le monde d’Hollywood et les femmes en particulier. Vous ne verrez aucun rôle féminin fort durant la majeure partie de la série.
Malgré leur position souvent haute dans la hiérarchie comme le personnage joué par Constance Zimmer ou celui de Carla Gugino, elles se font laminer par un Ari Gold, jamais vraiment à l’aise avec l’autorité extérieure. Il n’y a bien que sa femme, jouée par Perrey Reeves, qui a un peu de pouvoir, et encore, elle est vraiment compréhensive envers son mari. Sloane, qui est présente tout au long de la série, est une love interest qui n’a d’intrigue que via le prisme d’Eric. Elle ne vivra jamais en paix tant qu’il est là.
Entourage a mûri contrairement à ses personnages
Tout au long des premières saisons, Entourage ne racontera rien si ce n’est le quotidien un peu clinquant des 4 amis. Entre casting, rencontres d’une nuit, soirées, Vincent, Drama, Eric et Turtle n’ont pas vraiment de choses bien intéressantes à raconter. La plupart du temps, on verra les 4 mecs marchaient dans les rues de L.A., avec, toujours, des figurantes top modèles.
Mais ce quatuor est déséquilibré. Vincent est transparent les quatre premières saisons, avant d’être un peu plus développé. C’est vraiment Eric et Drama qui sont au centre des attentions. Eric, d’abord, vit une histoire à la Ross et Rachel avec Sloane, jouée par Emmanuelle Chriqui, vue dans Détour Mortel. La belle brune est la fille d’un millionnaire et elle ne semble pas vraiment être sur la même longueur d’ondes qu’Eric. Drama, lui, est le petit rigolo un peu lourd de la bande, pas plus macho que les autres mais il ne joue que là-dessus. Il veut exister, il veut être de nouveau célèbre pour son talent et non son passé ou son lien avec Vince. C’est le personnage qui ressort le plus de la série. D’ailleurs, c’est lui qui conclut le film tiré de la série en 2015…
Et du côté d’Ari Gold, c’est lui aussi qui assure les moments les plus vivaces de la série avec l’énergie communicative de Jeremy Piven qui sera récompensée par ses pairs avec 3 Emmy de suite pour le meilleur acteur secondaire dans une série comique en 2006, 2007 et 2008.
8 saisons intéressantes ?
Chroniques d’une vie dissolue, Entourage n’a que 8 épisodes dans sa saison 1. Et 8 épisodes de 30 minutes, ça passe très vite. On ne retiendra pas grand-chose de la saison si ce n’est la facilité à aligner les guests, qu’elles soient fugaces comme Jessica Alba ou Scarlett Johansson, ou en personnage secondaire comme avec Val Kilmer.
Plus la série avancera, plus les personnages auront des intrigues plus longues, plus développées. La série perdra cet aspect « série qui ne parle de rien », et gagnera en consistance et en identité. Si la plupart du temps, les épisodes se concluaient un peu à l’arrache, les trois ou quatre dernières saisons sont mieux maîtrisées, avec des fils rouges intéressants. Vince prend du galon, Turtle également et Entourage se permet le luxe d’être une série chorale rythmée, dense et fun.
Si la série est sur la camaraderie masculine, elle met surtout mal à l’aise concernant leur rapport avec les femmes. Objet la plupart du temps, même jusque dans la figuration où pas une seule n’est pas mannequin, la femme parait souvent ingénue, facile et oubliée. En plus d’avoir des rapports simplistes, dégradants et réducteurs, Entourage se lâche avec Ari Gold, boss alignant les réflexions envers son assistant gay, Loyd Lee.
Alors peut-on encore aimer Entourage ?
Ce serait la question que se poseraient certains sites en quête de buzz. Outre l’aspect rétrograde, de plaisir coupable que peut avoir la série dans ce sens, Entourage souffre d’un manque cruel de contenu durant sa première moitié d’existence. Même si la série était plutôt saluée, elle n’avait pas cette densité demandée pour être intéressante.
Si on peut aimer cet aspect décousu, ce sentiment d’être au milieu de leur quotidien sans drame, sans aspect de soap trop appuyé, il n’est pas interdit de vouloir possiblement un peu plus. Surtout, quand une série a un personnage principal qui n’est pas celui évoqué, on se permet de douter. Le générique nous mettait pourtant sur la piste avec Adrian Grenier relégué en second après Kevin Connolly, certes, plus célèbre.
Et on ne croit pas vraiment à cette hype autour de Vince tant il parait inconsistant, transparent, sans saveur, et sans charisme. Cet acteur sera donc en haut du box-office avec Aquaman, réalisé par James Cameron. Il sera aussi à l’affiche de Medellin, un biopic sur Pablo Escobar, ou encore Queens Boulevard, un film indé salué. Sa trajectoire est à souligner tant le personnage est un peu détestable tout le long de la série, surtout en saison 7 quand on lui refourgue une intrigue de drogue un peu facile, couplée avec une relation bancale avec une star du X, Sasha Grey dans son propre rôle.
La série accuse son âge de saison en saison, malgré une dizaine d’épisodes par fournée. Elle recycle toujours les mêmes situations. Ce n’est qu’en saison 7, qu’on essaye de bousculer un peu tout ça avec donc un Vince addict et un Ari Gold accusé de mauvais traitement. On rajoute à ça, Turtle et son business de Tequila, Eric et sa relation avec Sloane, Drama et sa série, cela donne une saison 7 riche en contenus.
Un film pour boucler la boucle
Annoncée comme ultime saison, la 8 permet à Doug Ellin se préparer également un film pour clôturer l’aventure Entourage. Après quelques problèmes de production, c’est en 2014 que le film se tourne pour une sortie cinéma en 2015.
Kevin Connolly, Adrian Grenier, Kevin Dillon, Jerry Ferrara et Jeremy Piven reprennent leurs rôles. Vince dirige son premier film dans lequel il tient également le rôle principal. Mais le film dépasse son budget et Vince doit demander au nouveau chef de studio Ari Gold plus d’argent.
Ce n’est pas un film râté, c’est plutôt même une bonne aventure d’Entourage. Seulement, pour un film, on aurait possiblement voulu quelque chose de plus étonnant. Mais c’est le lot des adaptations de séries au cinéma : pourquoi le faire ? Le seul vrai point négatif est l’intrigue d’Eric qui est juste une blague dans tous les sens du terme. Il ne reste alors que les caméos par dizaines et un ton relativement fidèle à ce qu’était la série. Le film sort en 2015 et rapporte 50 millions de dollars pour un budget de 40 millions. Un flop. Mais la série n’avait pas vraiment une fanbase énorme. Pour HBO, oui, la série était une bonne audience avec 2 millions de spectateurs. Mais pour un film cinéma, c’est relativement peu. C’est surtout une sortie de type égo trip, se faire plaisir…
Comme le soulignait James Poniewozik dans son article du Time en 2010 pour la sortie de la saison 7 : Entourage continue de naviguer dans la même zone d’inutilité aimable dans laquelle il a passé les dernières saisons. Tout se résume à : il y a des problèmes dans le showbiz, mais bon, ce sont des problèmes assez géniaux à avoir, tout va bien, où sont les femmes ?
Mais on aime cette vacuité à vrai dire, cette série d’un autre temps, légère dans son traitement, lourde dans sa réception. C’était plaisant à suivre, c’était devenu, de par sa tendance rétrograde, à être un peu coupable de son ton, de son genre. A vrai dire, Sex and the City cochait également toutes ces cases. Entourage reste une série de son époque, avec son univers, ses codes, son ton, ses références.
Et que ça plaise ou non.