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Doctor Who (1963-1996) – Colin Baker, Le Sixième Docteur

Quand il devient le nouveau visage de la série, Colin Baker n’est pas un visage inconnu dans Doctor Who…

Le premier Doctor William Hartnell

Le second Doctor – Patrick Troughton

Le troisième Doctor – John Pertwee

Le quatrième Doctor – Tom Baker

Le cinquième Doctor – Peter Davison

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L’ère Colin Baker (1984-1986)

Dans Arc of Infinity, il incarnait le personnage le plus en vue de l’épisode, Maxxil, un général gallifreyen chargé de surveiller le Cinquième Docteur accusé de haute trahison. Il se déclara donc surpris quand on lui proposa d’interpréter le rôle-titre, un peu plus d’un an plus tard.

Jamais cette incongruité ne sera explorée (contrairement à Capaldi plus tard). Jamais ne sera questionné le fait que le commandant Maxxil de Arc of Infinity a la même tête que le Sixième Docteur. Pire encore : dans l’arc Trial of a Time Lord, les Seigneurs du Temps lui collent un procès pour trahison (oui, encore) puis génocide. Personne, là encore, ne remarque que Maxxil et le Sixième Docteur se ressemblent étrangement, personne ne lui demande pourquoi le Docteur a, selon lui, ce visage. Peut-être que les scénaristes se sont dits que, la question de l’identité étant très relative sur Gallifrey, bien au-delà du dualisme homme/femme chez les humains, elle a été acceptée et intégrée et ne souffre d’aucune discussion. Mais si tel est le cas, ils oublient leur public, surtout qu’entre l’apparition de Maxxil dans Arc of Infinity et celle du Sixième Docteur, il s’écoule un peu plus d’un an, ce qui n’est pas une très longue période. Quand on sait qu’en plus, Maxxil aurait dû revenir dans The Five Doctors, mais que Colin Baker était indisponible…

A chaque régénération, le Docteur passe du temps à s’interroger sur ce que ce changement de visage lui a apporté, physiquement parlant. Pire encore, il la vit plus (Deuxième, Septième) ou moins bien (Troisième, Cinquième, Sixième), dérouté par les modifications dans sa personnalité, modifications qui finiront intégrées jusque dans son accoutrement. Chaque Docteur, si on pousse un peu l’interprétation hors des sentiers battus, a une régénération qui peut s’expliquer par plusieurs éléments. Le Premier Docteur s’est réincarné en Second Docteur plus jeune et dynamique, ce qui est le souhait du personnage mais aussi de l’acteur (William Hartnell ne voyait que Patrick Troughton pour le remplacer) et des producteurs de la série, pour la faire perpétuer. Le Troisième Docteur n’a pas choisi pas son apparence, ce sont les Seigneurs du Temps qui le font. Il devient un homme grand, athlétique, aux grandes connaissances scientifiques, habillé comme un bourgeois britannique, il est calme et réfléchi, bref, un homme qui se fondra facilement dans la masse terrienne. Le passage en Quatrième Docteur, c’est un peu le diable qui sort de sa boîte : pleinement libéré de son exil, avec l’envie de redécouvrir un peu plus l’univers (le Troisième l’a fait, mais moins de temps qu’il n’est resté sur Terre), et assumant cette excentricité rangée au placard pendant cinq saisons. Restant longtemps (sept saisons), le Quatrième Docteur vieillit, est moins enthousiaste, plus grincheux, plus sombre, il a vu beaucoup de guerres, d’où une régénération compliquée pour aboutir à un Cinquième Docteur plus jeune et plus pacifiste.

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Pour le Sixième Docteur, il n’y a pas vraiment d’explication. Tout juste voit-on Peter Davison prononcer le nom d’Adric, et dire, au moment de sa régénération très psychédélique (vu les effets spéciaux) : « Ca semble différent, cette fois…». Apparaît alors Colin Baker, très sûr de lui. Sa compagne Peri lui dit « Docteur ? » et il lui répond « Vous vous attendiez à quelqu’un d’autre ? ». L’épisode se conclut par Peri lui demandant « Mais qu’est-il arrivé ? » ce à quoi il répond « Le changement, ma chère, et ce n’est pas trop tôt ! ». Le seul embryon d’explication qui me vienne à l’esprit, c’est qu’en pensant à Adric, le Cinquième Docteur a eu une certaine tristesse ou colère, et que le visage du soldat Maxxil se soit alors imposé, pour faire du Sixième Docteur un personnage plus froid, rigide, imperturbable. Du reste, la confusion de sa régénération l’amène à voir Peri comme une ennemie, et il tente de la tuer, un peu comme Maxxil laissait libre cours à son zèle, n’hésitant pas à tirer sur le Docteur ! Dans plusieurs interviews, Colin Baker a déclaré qu’il ne fallait pas voir plus qu’une « coïncidence » dans le fait qu’il ait joué ces deux rôles. Mais au regard de cette question de l’identité gallifreyenne complexe, redevenue centrale depuis le retour de la série (et particulièrement avec Smith, Capaldi et Whitaker), cette « coïncidence » jamais expliquée (à part le fait que le producteur de l’époque, John Nathan-Turner, avait aimé Colin Baker en Maxxil) témoigne d’une série désormais en décalage avec elle-même.

Revenons sur les plateaux. Le Sixième Docteur hésite sur sa tenue vestimentaire. Celui qui sera l’incarnation la plus arrogante, égocentrique et sûre d’elle, opte pour la désormais célébrissime veste multicolore, ce qui, avec sa chevelure bouclée, lui donne un air de clown, et qui semble vouloir dire : « regardez à quel point je suis schizophrène ». Ensuite, le générique est changé. Depuis le Second Docteur, le visage de chaque interprète est inclus dans le générique. Celui de Colin Baker a droit à une petite évolution : au fur et à mesure de l’avancée du générique, il… sourit. Troisième embêtement, son premier épisode, The Twin Dilemma, où sa régénération toujours confuse, conjuguée à une écriture d’épisode très pauvre, le mettent en scène comme une espèce de tourbillon multicolore au comportement erratique. Il violente un personnage et tue, de sa propre main (souvent ce sont les événements ou le sacrifice d’autres personnages qui y conduisent), l’ennemi, Mestor. L’épisode se conclut par une adresse à Peri, comme aux spectateurs (et presque prémonitoire considérant la suite) : « Quoiqu’il arrive, je suis le Docteur, que ça vous plaise ou non ». Alors que l’épisode final de Peter Davison, The Caves of Androzani, a été élu par un sondage meilleur épisode de l’histoire de la série, The Twin Dilemma a été désigné comme… l’un des pires. Un autre décalage, encore, et extrême celui-là.

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Colin Baker est un très bon acteur, et son mandat aurait mérité bien mieux. Mais son ère a été particulièrement chaotique. Ce tournant sombre, affectionné par John Nathan-Turner, prend pleinement sa dimension sous le mandat de ce Docteur particulièrement interventionniste, conduisant la série à être accusée de dépasser les bornes. Dans un de ses meilleurs épisodes, Vengeance on Varos, le Seigneur du Temps et Peri sont transportés dans une société totalitaire où la délation est encouragée, et où le divertissement télévisé consiste à voir des tortures et des meurtres en direct. Dans The Mark of the Rani, la Rani décuple la violence des mineurs. Dans The Two Doctors, qui voit le retour de l’excellent Patrick Troughton, il est question de cannibalisme. Si la violence peut très bien exister dans Doctor Who (l’univers est assez grand pour avoir des systèmes plus violents que d’autres, sans compter les impitoyables Maître, Rani ou Oméga côté Seigneurs du Temps), cette persistance à vouloir la mettre en scène n’en fait pas pour autant une suite de bons épisodes. Dans la première saison, contrairement à d’habitude, les épisodes mettant en scène des ennemis classiques (Attack of the Cybermen et Revelation of the Daleks) sont assez moyens, tandis que certains scénarios avec des nouveaux ennemis (Vengeance on Varos, The Two Doctors) sont bien meilleurs. Cette violence marque l’ère de Colin Baker comme impitoyable envers le mal, quitte à frôler voire dépasser les limites. Mais surtout, elle engloutit un peu le reste, à commencer par sa relation avec sa compagne Peri, qui a du mal avec son caractère mais reste attachée à lui. Un lien réciproque et peut-être la seule affection de ce Docteur, un garde-fou qui n’est pas assez exploité.

Un règne et une qualité trop instables, et qui seront mis en procès dans la deuxième et dernière saison de Baker, intitulée « The Trial of a Time Lord ». Un procès fictionnel en miroir du procès fait à la série d’être devenue violente et dégradante. Ainsi, les 3 premières parties racontent les aventures du Docteur, rythmées par le procès, en fil rouge. La 4e partie se concentre exclusivement sur les actions de notre Seigneur du Temps préféré et sa lutte contre le Valeyard, le procureur gallifreyen qui veut sa perte. Pour un résultat final assez pénible et ennuyeux sur ses trois premières parties. La sortie et le destin offerts à Peri, hors-écran, modifiés de surcroît par la suite, et l’intronisation de Mel sans aucun préalable, participent à la confusion de ce procès s’annonçant pourtant grandiose, mais qui retombe comme un soufflé. Même à la fin de la 4e partie, après une exploration du côté obscur de la matrice gallifreyenne, rien ne semble avoir changé, le Valeyard étant toujours là. Sa survie, quand on sait qui il est, implique que ce procès, à part pour sauver une énième fois le Docteur d’un complot (ca s’était déjà fait dans Arc of Infinity – tiens, autre coïncidence…), n’a pas servi à grand-chose, à part faire un exercice d’auto-justification. Ce sombre Seigneur du Temps, maître ès illusions, ne reviendra d’ailleurs jamais dans la série.

Ca ne suffira pas à convaincre les pontes de la BBC, qui mettent la série en hiatus pour un an et demi, et demandent la (forte) tête de Colin Baker. Face à cela, celui-ci refuse de faire sa scène de régénération, et quitte donc la série sur un ultime chaos. La mort du Sixième Docteur, mis à terre par un tir de la Rani sur le TARDIS dans Time and the Rani (alors que Mel survit, elle…) est la moins plausible de toute la série. A terre, couché sur le dos et filmé de loin pour ne pas être reconnu (il fait 15cm de moins que Colin Baker), portant une perruque pour faire illusion que c’est le corps du Sixième Docteur : Sylvester McCoy, le désormais Septième Docteur.

Jusqu’au bout, l’ère Colin Baker aura été franchement chaotique, un immense gâchis dont la série ne se relèvera jamais totalement…


Léo Corcos

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